Ousmane Gaoual Diallo : ‘’ Ce que le gouvernement compte faire pour pallier la crise de carburant’’

Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement de transition

CONAKRY- Plus de trois semaines après l’explosion du dépôt national d’hydrocarbures, la Guinée est frappée par une crise de carburant qui affecte tous les secteurs d’activités du pays. Malgré des initiatives entreprises par les autorités, les Guinéens peinent encore à voir le bout du tunnel à cause d’énormes difficultés qu’ils ont pour l’approvisionnement en carburant. Comment le gouvernement gère-t-il cette crise depuis le 18 décembre? Quelles sont les dispositions urgentes prises ? Quelles sont les initiatives prévues pour combler le manque à gagner dans le secteur économique ?  Dans cette première partie d’une importante interview qu’il a accordée à Africaguinee.com le jeudi 11 janvier 2023, le porte-parole du gouvernement, ministre des postes, télécommunications et de porte fait le point. Exclusive

AFRICAGUINEE.COM : Comment le Gouvernement est-il en train de gérer la crise née l’explosion du dépôt d’hydrocarbures ?

OUSMANE GAOUAL DIALLO : Dès le lendemain de cet incendie, les autorités ont mis en place un certain nombre de priorités. La première, c’était maitriser le feu, Le circonscrire et l’éteindre, dans la mesure du possible. C’est ce qui a été fait. Et puis, parallèlement, prendre en charge les victimes. Les plus graves ont été pris en charge rapidement et tous ont bénéficié de soins. Ils sont rentrés dans leurs domiciles. Quasiment, il ne reste plus que 4 personnes hospitalisées. Après, il faut pallier à l’urgence : héberger les gens, réorganiser la carte scolaire pour prendre en charge les enfants, et puis apporter l’assistance, des vivres et du toit aux personnes qui sont éparpillées et encourager les entreprises à trouver d’autres enveloppes. Donc tout ça, c’était dans l’urgence.

Et puis, parallèlement à ça, il fallait répondre aussi aux besoins de consommation des populations en terme d’hydrocarbures. Donc, le dépôt étant complètement détruit pour ce qui est de l’essence, on s’est retrouvé avec trois (3) cuves qui pouvaient stocker le fuel lourd et le gasoil. Mais le pipeline qui permettait d’acheminer ça du bateau vers les cuves est endommagé. Des dispositions ont été prises, avec l’appui des partenaires du port autonome de Conakry et des sociétés privées qui évoluent dans le secteur minier ou dans le secteur portuaire, nous ont apporté l’appui nécessaire. Et puis, un pont aérien a été fait pour acheminer tous les équipements nécessaires pour faire ça. Parce que, certains équipements n’étaient pas disponibles en Guinée pour gérer ce type-là. Donc, c’est dans cette course contre la montre, avec la contrainte que les avions ne pouvaient pas trop charger, parce qu’il n’y avait pas de jet en Guinée. En ce moment, il y a eu un travail extraordinaire qui a été fait sur ce chemin-là. Cela a abouti à la réparation et au test qui ont été concluants sur le Pipeline. Et donc, du coup, avant-hier, le bateau a été accosté, qui chargeait de 30 mille tonnes de gasoil et du fuel.

On a commencé à faire le test chimique du gasoil qui doit être déversé dans les cuves, et puis les tests d’étanchéité du canal. Ce qui a été concluant. Et, aux environs de midi, on a commencé à charger la cuve à gasoil. Lorsque la première cuve a été remplie, il a été décidé de déconnecter la cuve là et arrêter le dépotage pour charger les citernes afin que le flux continue et un mécanisme d’approvisionnement des stations-services a été mis en place H24, pour pallier à l’urgence. Ce qui a été une très bonne chose.

Maintenant, parallèlement, aux préparations de cette tuyauterie, une plateforme a été construite de A à Z, par le port de Conakry là aussi, avec l’appui des partenaires comme Winning, comme Albayrak, comme d’autres partenaires qui travaillent dans les activités portuaires. Il y a eu un remblai. C’est une poche d’eau qui était là dans le port, qui a été remblayée, préparée et les équipements transportés par avion dans ce laps de temps. Cela a duré 20 jours, les gens ont travaillé 24h/ 24. Il y a près de deux hectares qui ont été remblayés, bétonnés, pour supporter les charges assez importantes. Et puis, tous les équipements sont arrivés. Un Pipeline de 1 kilomètres a été posé, cette fois-ci à partir de 0, pour aller en haute mer, là où le bateau d’essence va accoster. Hier, des tests d’étanchéité ont été faits, il y avait encore quelques réajustements à faire pour contenir la pression qui va venir. Vous savez que, quand ça sort du bateau, ça va à des pressions très élevées, jusqu’à 12 barres, mais il faut réguler ces pressions, pour que ça puisse aller dans les citernes directement.

Donc, la plate-forme est capable d’accueillir immédiatement, six camions simultanés qui vont être chargés, avec un objectif à terme d’avoir 12 camions qui vont être chargés simultanément, avec une capacité de 150 à 250 par jour qui vont être chargés directement du bateau.

Ce bateau flottant va rester à quai. Et lorsqu’on va acheter du carburant prochainement, il va jouer le rôle de cuve. C’est-à-dire que, les bateaux qui vont amener le carburant, vont aller déverser dans ce bateau qui va être statique sur les lieux pour continuer à alimenter les camions. Donc, il va falloir réadapter notre logistique à ça, pour que le flux d’alimentation de nos stations-services continue. Il y a eu des problèmes auxquels le pays était confronté. D’abord, il n’y a pas de réserve de carburant dans la sous-région. Il n’y en a pas en Sierra Leone, il n’y a pas au Sénégal, il n’y a au Libéria, ni au Nigeria.

Le Sénégal a une crise d’essence. Le Libéria n’a pas de stock, la Sierra Leone non plus. Le seul pays de la sous-région qui a des stocks, c’est la Côte d’Ivoire, qui alimente le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Nigeria, mais qui a quand-même puisé dans ses réserves, 5 millions de litres pour nous les mettre à disposition. Bien sûr que ce n’est pas gratuit, parce qu’il faut payer effectivement. Mais il y a l’autre facteur qui est là. C’est le facteur logistique. Il faut démobiliser les camions par-là, entre la Sierra Leone et ici, et affecter à ce tronçon-là. C’est ce qui est en train d’être réajusté en ce moment-là.

En Sierra Leone, il se trouve qu’il y avait des entrepôts qui n’étaient pas utilisés, donc, ça nous a permis d’ouvrir des discussions directement avec la société, avec l’appui du gouvernement sierra-léonais. On est arrivé à des accords. Donc, le bateau qui était dans le large de Conakry contenait 14 mille tonnes, a été dérouté là-bas. Il a dépoté en Sierra Leone. Il y a eu des négociations pour le trafic, pour aller chercher et ramener en Guinée. Parce qu’il faut payer le droit de péage, le droit de passage, etc. Donc, on est arrivé à un accord sur ça. Les camions ont commencé à arriver en Guinée. Je crois qu’on est autour de 150 à 170 camions déjà rentrés en Guinée pour alimenter nos stations-services. Il y a aussi le fait qu’on a rassuré les populations de la crainte d’une rupture.

Voulez-vous dire que le bateau qui devrait accoster transporte de l’essence ?

Il est déjà dans les eaux territoriales. Il ne peut pas accoster parce que, il y a l’autre (celui contenant du gasoil, ndlr) qui est à quai. Il faut que lui, il finit de dépoter et dégager, après l’autre vient sur le même endroit.

C’est une question de quelques jours. Parce que, l’un va dépoter peut-être trois, quatre ou cinq jours. Après, il faut que l’autre accoste. Bien sûr, entre-temps, installations sont testées à l’eau, à la forte pression, pour s’assurer que tout marche. S’il n’y a pas de défaillance technique qui empêche, dans quatre jours, l’essence là devrait alimenter le port de Conakry. Maintenant, s’il y a une défaillance technique, on peut toujours le reporter sur la cuve qu’on a en location en Sierra Leone ou ailleurs. Dans tous les cas, des dispositions sont prises pour juguler la crise. Il n’y a plus à avoir de la panique. Le carburant va être disponible dans nos stations. Nous, nous avons pensé que 25 litres par jour et par conducteur, étaient largement suffisant. C’est largement d’ailleurs, au-delà des utilisations quotidiennes. Les gens paniquent simplement, parce que 25 litres/jours, c’est 8 millions de francs par mois. Il y a très peu de gens qui consomment 25 litres par jour. Donc, c’est largement suffisant. Si les gens prenaient que 25 litres il y aurait moins de cohue, certains avaient ça pour la semaine. Mais les gens paniquent à l’idée de manquer, tout le monde veut faire plein recevoir.

Nous disons aux gens d’être calmes. Il n’y a pas à paniquer. Il y aura de l’essence. S’il y a une rupture, elle est circonstancielle. Un pays comme la Guinée ne peut pas rester longtemps sans nappe. Puisque, il est attractif hein. Les vendeurs sont en haut mer, vous négociez, vous trouver des accords et puis, ils trouvent un endroit où les déverser. Et le pays arrive à payer heureusement ses factures. Donc, il n’y a pas de rupture annoncée.

L’autre élément également, c’est comment relancer l’économie. On a suivi tout récemment, le Premier ministre, présider une rencontre pour annoncer une conférence de levée de fonds à Dubaï. Quelles sont les attentes du Gouvernement par rapport à ce rendez-vous ?

Effectivement, c’est quelque chose qui était en cours de préparation. Ce n’est pas lié à la crise. Parce qu’on a un plan de référence intérimaire (PRI), qui avait besoin de faire une table ronde avec les bailleurs qui financent ça et qui financent aussi certains projets qui sont liés au retour à l’ordre constitutionnel. Sauf que, les circonstances font que, cette crise va entraîner de nouveaux besoins. Donc, les demandes ont été actualisées et la table ronde élargie à d’autres partenaires pour venir renforcer. C’est quelque chose d’important. Comment relancer l’économie ? L’économie en réalité, est très peu affectée par cet incendie. Parce que les véhicules qui transportent les marchandises et les produits, fonctionnent au gasoil. Donc, le gasoil n’a pas connu de rupture. Et on avait aménager des couloirs pour les camions qui continuent à circuler et sortir du port et tout. On avait réservé quelques stations-services pour les camions, pour ne pas que l’économie s’arrête brusquement. Et puis, on a continué à alimenter en fuel, les industries minières, les usines, qui consomment ça. Donc, ça n’a pas été très affectée.

Par contre, les gros consommateurs, c’est la population en terme d’essence. Et c’est ce qui fait que l’essence est tellement prisée. C’est le produit le plus consommé mais ce n’est pas le produit le plus utilisé par l’industrie ou par l’agriculture, ou par les sites de production. Mais pour les personnes, c’est la chose la plus utilisée. Les sociétés de taxi moto, les véhicules personnels sont très nombreux. C’est pour ça que ça a donné le sentiment que tout s’arrête. Parce que, quand l’ouvrier ne peut pas aller au travail, le fonctionnaire aussi, l’économie s’arrête. Mais, avec le retour à la normale, je pense que les gens vont reprendre le travail. Après, il faut que toutes ces entités qui étaient hébergées aient du local et réorienter leurs clients, etc. Cela va prendre un peu de temps, mais il y a une capacité suffisamment importante à Conakry pour pouvoir héberger toutes ces entités-là. Maintenant, peut-être que ça va donner une meilleure répartition géographique des entreprises sur le territoire de Conakry et ça pourrait être une bonne chose pour réguler aussi la circulation.

Est-ce que cette crise pourrait être un facteur déclencheur de l’accélération des travaux déjà en cours sur le plateau Koloma ?

Bon, c’est des projets qui ont des délais d’exécution. Je pense que, s’il y a une possibilité d’optimiser ces délais-là, personne ne se priverait. C’est à nous d’encourager les gens. En tout cas, il n’y a pas d’entrave juridique, institutionnel et étatique qui empêchent l’accélération. On pourrait même envisager d’autres solutions d’accompagnement, accélérer les procédures douanières pour eux, les sorties de port (port douane), ou sous douane, pour leur permettre de ne pas perdre les deux ou trois semaines au port. Il y a beaucoup de mesures que l’État peut faire pour amener une meilleure accélération des travaux.

A suivre

Interview réalisée par Boubacar 1 Diallo

Pour Africaguinee.com 

Créé le 12 janvier 2024 15:39

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