Modèle de réussite : Diplômée en « génie-info », Aissatou Souaré excelle dans l’agriculture…

MALI-Diplômée en « génie-informatique réseau« , Aissatou Souaré a décidé d’embrasser l’agriculture. Si de nombreux étudiants après leurs études universitaires à Conakry, cherchent à se maintenir dans la capitale, cette jeune diplômée a pris le choix de regagner son Mali natal. Depuis 5 ans, elle excelle dans l’agriculture auprès des siens pour réussir sa vie.

Mais les difficultés sont nombreuses, notamment pour l’écoulement de sa production. Le déficit d’infrastructures la contraint à transporter ses récoltes (choux, pomme de terre, aubergines) vers le Sénégal, le plus souvent à moto. En dépit de ces difficultés, Aissatou Souaré ne baisse pas les bras et garde la foi en l’avenir.

Accessoirement à ses activités agricoles, Aissatou développe d’autres activités. Cette diplômée de l’Université de Nongo gère un point de transfert de crédit où elle charge également des téléphones. Elle dispose aussi de machines de mouture au bord de la route. Elle n’a aucun temps à perdre. A la rencontre d’une jeune fille dotée d’un courage qui force l’admiration.

Aissatou Souaré est installée à Mali, aux pieds du Mont Loura. Reportage…

AFRICAGUINEE.COM : Qu’est-ce qui explique le choix de vous installer à Mali Missidé après vos études ?

Toute chose commence par son amour d’abord. L’agriculture est une histoire de famille pour moi. Depuis toute petite, j’ai manifesté de l’amour pour la terre. Ma famille, à commencer par mon grand-père, Elhadj Ibrahima Sory Souaré (acteur agricole NDLR), nous sommes dans l’agriculture. J’aime rester auprès de lui (grand-père) pour apprendre. Il a tellement à donner, à enseigner, ça ne finit même pas au fait. C’est vrai je suis diplômée d’université, je pouvais rester à Conakry, chercher de l’emploi ou chômer sur place. Mais comme j’ai opté pour l’agriculture, il faut quitter les villes pour la raz-campagne, l’agriculture ce n’est pas en ville mais en campagne.

Depuis 2019, je suis rentrée définitivement à Mali Missidé, si je me déplace c’est pour un petit moment, je rentre vite. A Mali je ne loue pas la terre, je ne l’achète pas, la famille en dispose suffisamment. J’avoue que je gagne l’expérience petit à petit ici presque dans tout : la pomme de terre, les aubergines, les tomates, les haricots, les choux la banane etc….

Est-ce qu’à un moment des gens vous ont découragé ?

C’est comme si vous étiez là. Au village tout le monde me disait tu es une fille, l’agriculture c’est pour les hommes, la femme c’est la cuisine. Tu n’es pas si forte pour travailler. Je dis pourquoi pas moi. On me disait : va chercher du travail en ville avec ton diplôme. Je dis j’ai quitté la ville pour travailler la terre donc je suis là. A ma production en 2019, j’ai réussi à gagner une trentaine de sacs de choux, à cette époque le sac était vendu à 200.000gnf, c’était au milieu de la saison pluvieuse. Chacun a compris qu’une femme peut réussir là où les hommes ont réussi ou échoué même. Donc, j’encourage les jeunes qu’ils soient filles ou garçons à travailler. On ne réussit que dans le travail

L’on ne cesse de nous encourager à aller vers l’agriculture mais en réalité il faut les moyens. Comment vous vous débrouillez ici avec tous les autres producteurs ?

Ce n’est pas facile vraiment comme vous le savez déjà. Nous n’avons pas les machines requises pour bien travailler. En tant que filles tu émets le besoin d’en obtenir, le premier doute on dit c’est une fille, nous ne sommes pas sûrs que tu vas rembourser. Voici un handicap aussi pour nous les filles dans l’agriculture. Le peu de machines que j’utilise ici appartient à mon oncle Mamadou Aliou Souaré, c’est lui qui nous aide à réussir peu à peu. Ce qui rend l’agriculture difficile aujourd’hui il faut faire des productions contre saison parce qu’en saison des pluies, la quantité d’eau qui tombe est démesurée, ça affecte les champs parfois. En saison sèche il faut avoir les moyens d’arroser avec des quantités bien mesurées. Ça rapporte mieux mais il faut avoir les moyens vraiment.

Mali est non seulement éloigné de Labé mais aussi du Sénégal. Avec l’état de la route où vous partez vendre vos productions ?

Voici notre principale maladie. Tu peux avoir un camion pour envoyer mais la route constitue un obstacle en toute saison surtout en période de pluie. Nous utilisons les motos pour envoyer. Une moto peut transporter 3 sacs de choux, de la pomme de terre parfois, au retour elle ramène du gaz. On dirait une voiture. Et puis la tracasserie routière ; le dédouanement c’est fait pitié et parfois nous sommes confrontés à l’insécurité. Les risques sont là, nous n’avons pas le choix il faut vendre ce que tu as produit.

Anecdote de perte faute de route, plus 240 sacs de choux pourris dans un camion

Il y a quelques mois, mon oncle a loué un camion. Arrivé à Touba Kouta, le camion, s’embourbe. Durant deux semaines il est resté coincé là avec la production. Vous imaginez, il fait très chaud à Touba Kouta, nous avons perdu tout sur place. Tout à pourri en brousse ; ces 240 sacs appartenaient à plusieurs personnes. Chacun avait tout son espoir sur ça. Tout le contenu du camion a été déversé dans la brousse là-bas. Ce n’est pas encourageant. Si la route est là on peut faire un aller-retour.

Vous cultivez quoi ?

Ici je fais un peu de tout, la pomme de terre, l’aubergine, les tomates, les choux. L’agriculture je l’ai aimée à bas-âge. Depuis 2019 je suis revenue m’installer à Mali Missidè (à 7Km de Mali centre). Récemment j’ai récolté mon champ de choux, j’ai comptabilisé plus de 30 sacs, à côté, il y a des tomates, des haricots comment transporter vers le Sénégal faute de route ? C’est difficile. Vous ne pouvez pas charger un véhicule, on fait recours aux motos. Vous allez voir un motard qui transportent 3 sacs. Imaginez maintenant si c’est un camion vous chargez tout.

Mais avec la moto 3 sacs seulement, imaginez il faut combien de tours et dans combien de temps avec les risques de perte. En dépit de notre courage, nous perdons tout presque et nous sommes obligés de reprendre. J’entretiens présentement un autre champ de pomme de terre, dans un mois c’est la récolte, mais la route reste un handicap majeur pour moi et tous les producteurs de Mali, nous avons des difficultés à accéder aux marchés proches.

Est-ce qu’il arrive des moments où des marchands vous trouvent sur place sans que vous ne bougiez. Ce qu’on appelle prix bord champs ?

Oui des fois, ils sont là pour acheter. Ils viennent avec beaucoup d’arguments le transport d’abord avec l’Etat des routes, ils te diront que le prix a chuté au Sénégal alors que ce n’est pas vrai, juste pour retirer tes récoltes à un prix dérisoire. De toute façon, tu n’as pas le choix faute de route et de moyens de déplacement tu es obligé de revendre pour ne pas que ça pourrisse sur place, tu auras produit inutilement.

Le découragement ne vous hante pas souvent ?

Le découragement arrive de fois mais nous disons : gagner et perdre sont deux choses constitutives de la vie. Donc, vous pouvez perdre cette année et vous rattrapez l’an prochain tout comme gagner cette année et perdre l’an prochain. Le producteur ne se décourage pas du tout. On espère que tout va changer un jour bien sûr. En dépit des pertes, nous ne nous décourageons pas du tout, je vais continuer à me battre encore et encore, c’est mon amour particulier l’agriculteur. C’est à tout cœur pour moi. Nous caressons l’espoir de voir un jour la route traverser Mali.

L’Etat et les ONG apportent du soutien aux producteurs. Avez-vous bénéficié ?

Pour le moment, ce n’est pas arrivé à notre niveau. Mais nous voyons à distance que le gouvernement bouge, nous voyons les échos sur les réseaux sociaux, peut-être un jour ça va nous arriver. L’Etat Guinéen doit se concentrer de plus dans l’agriculture, c’est très important, c’est un secteur qui retient les gens dans le pays notamment les jeunes.

Quel est le message singulier d’Aissatou à l’Etat et à tous les acteurs de développement ?

Je rappelle à l’Etat guinéen que les agriculteurs sont là, les éleveurs sont là, nous constituons un socle développement, nous luttons contre la faim. Nous méritons un regard positif en guise d’encouragement.  Il faut faciliter l’accès à des prêts bancaires avec un taux de remboursement faible et sécurisé. C’est seulement dans l’agriculture, qu’un producteur peut employer 300 personnes comme main-d’œuvre dans l’espace de 3 mois. C’est l’agriculture qui ouvre les débouchées aux transporteurs, aux charretiers, aux préparateurs des compostes.

La chaine de production est longue. Plus les gens trouvent de quoi manger à travers une activité génératrice de revenu, c’est l’Etat qui est sauvé. Si les gens ont du travail  il y aura moins de bruits dans la cité, c’est le chômage qui est à la base des problèmes dans la société. Les institutions et les ONG d’appui sachez que nous sommes dans le besoin.

Aujourd’hui l’agriculture sans la mécanisation est impossible. Les machines sont indispensables pour une production rentable, il faut les clôtures grillagées, l’aménagement des domaines pour un accès facile à l’eau. Je demande aux jeunes de comprendre qu’il faut travailler, ne pensons jamais que c’est demain mais disons-nous c’est aujourd’hui, chaque jour qui passe est un retard accumulé. Partout dans le monde, en Europe, en Amérique, c’est le travail qui réunit les gens. On va exploiter nos connaissances.

Alpha Ousmane Bah

De retour de Mali Missidè

Pour Africaguinee.com

Créé le 18 mars 2024 10:25

Nous vous proposons aussi

TAGS

étiquettes:

RAM

SONOCO

TOTAL

UNICEF

LONAGUI

cbg_gif_300x300

CBG

UBA

smb-2

Consortium SMB-Winning

Annonces

Recommandé pour vous

Annonces