Mamou : Immersion à Téguéréya, une sous-préfecture enclavée en manque de tout…

MAMOU-Téguéréya est la sous-préfecture la plus éloignée et la plus isolée de Mamou. Elle est située à 130 km du centre-ville. Pour y arriver il faut obligatoirement embarquer à bord d’une pirogue ou d’un bac à chaîne pour traverser un long fleuve. Cette commune rurale enclavée manque d’eau potable ; d’infrastructures scolaires et sanitaires. Les femmes en état de famille sont souvent transportées dans des hamacs pour rallier le moindre centre hospitalier. Pourtant Téguéréya est également une localité agropastorale de renom. Mais l’écoulement des productions représente un réel défi, faute de pistes rurales et d’ouvrages de franchissement. Notre correspondant à Mamou y a fait un tour.
Après la mort de Lansana Conté…
Depuis 70 ans, il n’y a qu’un bac métallique à chaîne, offert par feu Ahmed Sékou Touré, pour transporter les personnes et leurs biens à Téguéréya. Malheureusement, depuis plusieurs années les gestionnaires de cette embarcation sont confrontés à d’énormes difficultés. Modi Mamadou Saliou Kollein retrace l’historique de ce bac.
« Avant on ne souffrait pas. Mais de nos jours, quand les gens arrivent ici, on a toutes les peines à les faire passer. Le manuel ne fonctionne plus ; nous faisons tout à la main. Nous usons de notre force mais on n’est plus payés comme avant. Par le passé, on avait un salaire mais la donne a changé. Seules quelques bonnes volontés font des gestes pour nous. Le gouvernement qui nous prenait en charge a tout coupé. Quand Général Lansana Conté est décédé, nos salaires avaient été payés 4 ans durant. Depuis, plus rien. Certes plusieurs propositions ont été faites mais jamais une seule n’a été mise en œuvre. On travaille dans des conditions exécrables. Par jour, on verse 60.000 gnf à la commune rurale. Le reste on se le partage.
Le premier à travailler ici s’appelait Mody Sanoussy. Il avait une pirogue en bois qu’il a exploitée pendant 40 ans. Après, Sékou Touré a envoyé une nouvelle barque elle aussi en bois. Quand il a envoyé de la marchandise ici, celle-ci a chaviré. Il l’a remplacé par un bac métallique l’année à laquelle la Guinée a été victime de l’agression portugaise. De ce jour à maintenant c’est cette seule et unique embarcation que nous exploitons ici.
La plus grosse difficulté est qu’on ne trouve plus rien. Les véhicules ne passent plus par-là presque parce que le gens ont peur maintenant. A un moment la barque ne fonctionnait pas. Cela nous a obligé à nous frayer un chemin de l’autre côté. Il est presque impraticable, mais les véhicules forçaient pour passer par là-bas. Ils ont peur que le bac ne chavire à nouveau. Si c’est en saison sèche, ils peuvent passer par là-bas. Mais en saison pluvieuse, c’est dangereux. À deux reprises le bac nous a lâchés ici. Mais on n’a pas le choix que de continuer à l’utiliser. On a besoin d’un pont maintenant. C’est vrai que c’est ici qu’on travaille mais pour l’intérêt de la population c’est le pont qui est bon », confie le responsable de la barque de Teguereya.
Quand la barque tombe en panne, on devient des prisonniers
Une panne du bac, aussi petite soit-elle est une sévère condamnation pour tout le monde, selon le vice -président de la délégation spéciale de Téguéréya.
« Téguéréya est l’une des plus grandes sous- préfectures de Mamou. Nos activités principales sont entre autres, l’agriculture et l’élevage. C’est ce que nos parents faisaient ici. On n’a pas de route, c’est notre plus grande préoccupation. Parfois, la traversée des différents fleuves qui nous entourent devient quasiment impossible. Pendant les grandes pluies, nous ne sortons pas d’ici. L’engin qui est là a plus de 100 ans. Donc il n’est plus en bon état. On achète souvent des câbles pour la barque. Chaque année cela nous coûte des millions. On nous avait promis un pont ici mais cette promesse est restée sans suite favorable. On a écrit à tout le monde pour ça.
À cause de l’état de la route, les éleveurs et les agriculteurs se sont découragés. Fréquenter nos districts est un véritable parcours de combattant. Car il faut faire 40 km pendant toute une journée. On a des écoles, mais il n’y a pas de collège ni de lycée ici. Les élèves chôment quelques fois parce la route est bloquée. Les fleuves débordent fréquemment. Pendant les examens, nos candidats souffrent beaucoup. Malgré tout cela, dès qu’ils décrochent l’examen d’entrée en 7e année c’est fini. Il n’y a pas de collège ici. Si tu n’as pas où envoyer tes enfants, ils perdent. Cette situation a condamné beaucoup à l’abandon scolaire. Les femmes en état de famille sont souvent transportées dans des hamacs pour rallier les centres de santé. Quand la barque tombe en panne, on devient des prisonniers tant qu’elle n’est pas réparée. Personne ne sort et nul n’entre. Si les véhicules ne viennent pas, il n’y aura pas de provisions », explique Moussa Sandiana Barry, vice-président de la délégation spéciale de Téguéréya.
Difficultés des agriculteurs
« Nous on est dans le domaine de l’élevage. Personnellement, je faisais de l’agriculture, mais actuellement je ne pratique que l’élevage. Nous rencontrons d’énormes difficultés. Les animaux tombent malades à tout moment. Nous produisons du lait mais c’est en saison pluvieuse », explique Ramata Tall, éleveuse.
Parlant de l’agriculture, Thierno Mariama Diallo ajoute : « Nous faisons du riz, du fonio, de l’arachide et du maïs. Chacun produit ce qu’il peut. On faisait tout cela à la main. Mais, maintenant ce sont nos bœufs qui le font. On tirait du bénéfice à travers cette activité. Certes c’est très difficile pour nous maintenant mais, on vit de ça. On n’a jamais bénéficié de soutien de la part des autorités. Chaque année nous revendons quelques têtes pour investir dans l’agriculture ».
Téguéréya, une localité en quête d’espoir
Enclavée, privée d’infrastructures et laissée-pour-compte, Téguéréya peine à se développer malgré son potentiel agropastoral. Les habitants, lassés des promesses non tenues, réclament des solutions concrètes, en premier lieu la construction d’un pont, qui leur permettrait enfin de sortir de l’isolement.
De retour de Téguéreyah Habib Samaké
Pour Africaguinee.com
Créé le 14 mars 2025 09:34Nous vous proposons aussi
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