Les « oubliés » de la République : Immersion à Niafou-Diaaka avec son école-hangar en peine de survie…

NIAFOU/DIAAKA- L’école de Niafou-Diaka a été construite en 2019.  Cet établissement-hangar réalisé grâce au concours de l’Unicef (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) est composé de deux classes (CP1 et CP2). Il accueille un effectif d’environ 108 élèves. De sa création à nos jours, aucun cycle scolaire n’a dépassé le niveau 4ème année. Les écoliers sont toujours dispersés. Faute de moyens financiers, retenir les enseignants reste un défi majeur à relever.

Pourtant, le sous-sol de la zone est riche en Or. De nombreuses familles y vivent avec des enfants en âge d’aller à l’école. Mais seuls quelques parents disposant de petits moyens envoient leurs enfants à l’école. Un journalisé d’Africaguinee.com qui y a fait un tour. Dans l’acte 1 de notre reportage en série consacré à cette localité, nous pointons le curseur sur le défi lié à la scolarité des enfants.

De 1968 à 2016, le secteur de Diaaka situé à 4 km de Niafou relevait de la République du Sénégal. Jusqu’en 2019, ce hameau n’a abrité l’ombre d’aucune infrastructure. Celle qui était en phase de construction par le Sénégal a été complètement démolie par des soldats guinéens quand ils se sont rendus compte que la partie devrait revenir à la Guinée. Pourtant de nombreuses familles y vivent avec des enfants en âge d’aller à l’école. Sara Danfaga, président du Conseil de district de Niafou est préoccupé par cette situation. Il a de la peine de voir des centaines d’enfants errer dans sa juridiction sans aller à l’école.

« Premièrement, l’unique école dont nous disposons à Niafou centre est un hangar. Il fait très chaud dedans. Cela rend impossible les conditions d’étude. Avoir des enseignants est une autre préoccupation.  Les enfants dont les parents sont pauvres n’ont aucune chance d’aller à l’école. Le district n’a aucun revenu pour aider à la construction d’une école et prendre en charge les enseignants. Un moment, les populations ont essayé mais elles n’ont pu tenir pour longtemps.  Jusque-là, les enseignants étaient à notre charge mais cette année l’Etat nous a envoyé un enseignant titulaire et une contractuelle communautaire. Il faut que l’Etat construise pour nous une école qui répond aux normes. Les enseignants travaillent aussi pour vivre, s’ils ne voient rien, ils partent. L’année dernière, les cours n’avaient été dispensés. Presque chaque année nous n’avons que les classes de 1ère et de 2 eme année. Ici c’est Diaaka, l’un des 10 secteurs de Balaki. De par le nombre d’habitants c’est le plus grand secteur mais il n’y a aucune école. Diaaka et Niafou comptent au moins 600 enfants privés d’école » se lamente Sara Danfaga, chef de district.

Muté à Niafou cette année, Ansoumane Camara a rejoint son lieu de travail au mois de septembre mais rien n’a été fait pour la rentrée. Depuis, il se bat pour mobiliser les enfants mais il rencontre assez de difficultés.  « C’est une cabane. Nous sommes confrontés à d’énormes difficultés parce que rien n’était préparé. Même des tables-bancs il n’y en a pas. Ce n’est pas facile d’organiser tout cela. Nous avons tenu des journées de sensibilisation afin que les parents inscrivent leurs enfants à l’école. En CP1 et CP2, nous avons plus de 100 élèves mais en cas de pluies, ils ne pourront étudier. Les enseignants mutés ici démissionnent vite. Puisqu’ils viennent en tant qu’enseignants communautaires, s’ils passent des mois sans rien recevoir, ils partent ailleurs. Je connais ce que vit un enseignant communautaire parce que j’ai été 16 ans durant. C’est cette année que suis admis au concours d’accès à la fonction publique. J’ai passé 3 ans dans certains villages, chaque année tu as au moins 6 mois non payés. J’étais à Foulaya avant de venir à Balaki centre l’année dernière.

 J’ai réuni la communauté de Niafou pour trouver un lot de tables-bancs parce qu’un enfant ne peut pas écrire correctement s’il n’est pas bien assis. Si nous restons 3 mois dans cette situation, nous ne pourrons pas faire quelque chose courant l’année scolaire. Finalement l’enseignant est accusé de manque de sérieux alors que les conditions ne sont pas réunies. Si les choses sont améliorées, je pourrais bien rester pour changer l’école parce que ça ne va pas ici en termes d’éducation. Imaginez l’école de Niafou n’a ouvert ses portes que cette semaine, pourtant la rentrée des classes est effective en Guinée depuis fin septembre bientôt 2 mois. Depuis octobre nous sommes là. Rien n’était réglé, les tableaux étaient endommagés, comme vous le voyez les tables-bancs ne sont pas au complet. La faute ne revient pas aux DSEE encore moins nous enseignants. Il fallait que je trouve du sable, du ciment pour réparer le tableau pour pouvoir y appliquer une couche d’ardoisine. En 2018 cette école n’existait. J’étais à Firita, nous avons suivi une formation à Labé avec UNICEF qui a d’ailleurs construit cette école en 2018. En 2019, le premier groupe a commencé », regrette Ansoumane Camara, enseignant titulaire et directeur de l’école primaire de Niafou.

Bassiratou Sano est rentrée du Sénégal quand elle a été recrutée comme enseignante communautaire à Niafou. Elle tient la 1ere année :

« Je viens de commencer l’enseignement à Niafou. J’ai été engagée cette année. On fait comme on peut. Les conditions d’enseignements ne sont pas réunies mais je me débrouille pour y arriver. Ça me fait mal d’enseigner dans ces conditions. Nous avons demandé aux parents de bien refaire l’école pour un meilleur environnement de travail. J’ai un effectif initial de 70 élèves. Pratiquement à Niafou, aucun cycle n’est terminé depuis la création de l’école, les groupes pédagogiques se dispersent. Tous se limitent en 1ère  et en 2ème  Année presque. Cela me fait mal en tant que mère et enseignante de voir les enfants perdre comme ça sans rien faire. Ils ne méritent pas d’être privés de l’éducation », explique la maîtresse Bassiratou Sano.

Comme beaucoup de parents d’élèves, Kindi Bailo Sidibé a fait transférer ses enfants ailleurs pour un meilleur encadrement : « Nous avons plein d’enfants dans le village. L’école ne répond pas, c’est la même réalité presque partout. Le problème ici nous n’arrivons pas à retenir les enseignants. Il est difficile de finir une année scolaire à Niafou. Tout enseignant qui arrive passe peu de temps et repart. Certains se sont même mariés à des enseignantes afin que celles-ci cumulent foyer et école, malheureusement les retenir a été un problème. Avant, on se plaignait du manque d’école mais aujourd’hui l’école est là mais la différence est légère. Pour le moment, ceux qui ont les moyens envoient à leurs enfants vers Labé, Mali centre et Koubia. Ceux qui ont plus de moyen envoient les leurs vers le Sénégal ; ici c’est compliqué d’abord.

Je n’ai aucun de mes enfants dans cette école, ils sont tous à Labé. L’éducation ici ce n’est pas parce que nous n’avons pas confiance aux enseignants sur place mais nous manquons de résultats. Ces hangars c’est juste pour l’ombre. En cas de pluie, tout le monde est obligé de partir. Les premiers enseignants sont partis par défaut de paiement. L’Or n’affecte pas les cours ; ce sont des jeunes qui sont là-bas et non les enfants de 6 à 7 ans. A l’école coranique, ça marche bien. C’est quand ils grandissent qu’ils commencent à aller à la mine.  Pour le moment c’est l’encadrement qui pose problème et les moyens pour retenir les maîtres », déplore ce parent d’élèves.

Président de l’Association des parents d’élèves et amis de l’école de Niafou-Diaaka, Mamadou Hassimiou Baldé se bat dans tous les sens pour la survie de l’école. En vain. « Depuis la construction de cette école, nous avons de la peine à la maintenir. Elle n’arrive pas à prendre un bon élan. On aurait pourtant souhaité qu’elle fonctionne. Nous n’arrivons pas à dépasser la 3eme Année, nous n’avons jamais atteint le niveau de la 6ème  année. Grâce à la sensibilisation, nous avons pu inscrire au moins 100 enfants cette année. Nous tenons à avoir 3 enseignants, 2 sont déjà là. En cas de forte chaleur ou de pluie, les cours s’arrêtent, parce que ce sont des hangars ».

Nommé vers la fin de l’année scolaire DSEE (délégué scolaire de l’enseignement élémentaire) de Niafou, Mamadou Diallo a tenté de sauver l’année scolaire. Il s’est heurté à un obstacle. Le manque d’enseignants et de moyens l’a freiné.

« C’est une école faite dans un cadre d’extrême urgence pour sauver les enfants. Les parents manquent de moyens pour prendre en charge les enseignants. A cause de cela, les enfants n’avaient pas été à l’école l’année dernière. Du coup les enseignants communautaires qui étaient là sont   tous partis. On ne pouvait les obliger à rester. Cette année j’ai décidé de faire fonctionner l’école, j’ai envoyé deux enseignants à Niafou. Le maître vient d’être engagé à la fonction publique et la maîtresse reste contractuelle communautaire. Nous espérons tenir toute l’année cette fois-ci contrairement aux sessions antérieures », rassure le DSEE Mamadou Diallo.

De retour Niafou, Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 25 novembre 2024 08:00

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