Lélouma : Pénurie d’eau à Balaya et ses hameaux enclavés… « notre calvaire est insoutenable »

LELOUMA- Laabha est un secteur du district de Thiaguel-Diko dans la commune de Balaya. La contrée ne dispose d’aucun puits même ordinaire. Les habitants s’approvisionnent en eau à partir d’une source nichée aux pieds d’une montagne. Mais à la fin de la saison sèche, elle tarit, accentuant la souffrance des populations. Là, l’eau, denrée essentielle à la vie, est un luxe. Puisée dans des conditions difficiles, l’eau nécessite une filtration avant d’être consommée. Reportage.
A l’image de tous autres hameaux de Thiaguel-Diko, Laabha est enclavée. La bourgade est ceinturée par une chaîne de montagnes. Pour y arriver, il faut emprunter des sentiers rocheux. Tout y manque. Se procurer de l’eau et se faire soigner contraignent à parcourir de très longues distances. C’est de la pire corvée pour les femmes. De l’indépendance à nos jours, l’Etat n’a jamais été présent dans ce village.
Âgée 43 ans, Mariama Bailo Kanté, comme ses congénères, se lève tous les jours dès l’aube pour aller très loin au pied de la montagne, à la quête de l’eau. Une souffrance quotidienne.
« Soyez témoins du calvaire que nous vivons pour obtenir de l’eau. Voyez-vous les longues distances que nous parcourons pour arriver au point d’eau ? L’accès aux soins est aussi une préoccupation pour nous. Ici nous sommes oubliés, mais vous ne vous en rendez compte que quand vous tombez malade. Un moment, les malades étaient transportés dans des hamacs. Parfois vous avez l’impression que c’est un cadavre qui était en train d’être transporté.
Vous pouvez voir 4 personnes en train de transporter un malade. Elles grimpaient sur cette chaîne de montagnes. L’hôpital est loin tout comme l’école. Maintenant ce sont les motos qu’on utilise, le conducteur attache le malade sur lui pour l’évacuer si c’est une situation critique ou bien quelqu’un s’assoit derrière pour tenir le malade pour prévenir d’éventuelles chutes » raconte-t-elle dans un ton pathétique.
Mariama Diallo, 32 ans renchérit : « C’est pénible pour nous surtout lorsqu’une femme en état de famille commence le travail. Vous imaginez ? La structure de santé la plus proche est à 7 km mais avec quel moyen de transport. Si son cas est compliqué, il faut la porter. Souvent nous souffrons plus que le malade pendant le déplacement vers les structures de soins, assez éloignées et difficiles d’accès. Il n’y a aucun centre de soins dans nos villages. A cause des conditions de déplacement assez pénibles, il arrive que certaines femmes en état de famille perdent leur bébé avant d’arriver à la structure de soins. La montagne qui nous entoure constitue un obstacle à tout pour nous. La grimper est difficile », explique Mariama Diallo, habitante de Laabha.
Comme toutes les autres femmes, Aissata Oury Diallo parcoure une très longue distance pour rallier le point d’eau, situé aux pieds de la montagne : « Vous êtes témoins. Nous parcourons cette longue distance pour aller chercher de l’eau. Nous n’avons pas de forage encore moins de puits ordinaire. Au pied de la montagne, l’eau coule pendant une période, en pleine saison sèche le point tarit. Celui qui, un jour, va nous donner de l’eau dans nos villages ici, son nom restera à jamais graver dans nos cœurs tellement que le besoin est criant. Notre calvaire est insoutenable ».
Quelquefois Lamarana Sanè, un jeune du village se donne le temps d’entretenir l’unique point d’eau pour permettre aux premiers venus d’avoir une petite quantité. Il témoigne :
« Ici ce n’est pas une source d’eau ordinaire, l’eau qui coule légèrement vient de la montagne. Nous avons placé un morceau de tôle pour orienter la petite quantité dans une direction. Celle qui coule ici peut s’arrêter à tout moment pendant la saison sèche. A partir de là, les femmes s’organisent entre elles pour puiser, elles se mettent en rang par ordre d’arrivée. Beaucoup abandonnent leurs récipients ici longtemps sans avoir une seule goutte.
D’autres peuvent rester là jusque tard dans la nuit sans trouver une seule goutte, elles reviennent le lendemain encore. Quelquefois tu peux passer plus de 40 ou 50 minutes pour remplir un seul bidon de 20 litres. C’est difficile d’avoir de l’eau ici. La solution pour tourner la page de ce calvaire c’est d’avoir un forage dans le village et il faut des personnes qui ont les moyens pour nous aider car nous n’avons pas les moyens, comme vous le voyez vous-mêmes d’ailleurs » explique Lamarana Sanè.
Kamissa Kanté l’appuie : « Il n’y a pas d’autres recours pour trouver de l’eau à part ici. Déjà chaque femme vient avec 2 ou 3 récipients mais avec le manque d’eau, chacune puise un et donne la chance aux autres afin que chacune puisse avoir un peu. L’eau à boire, le besoin pour la cuisine, le linge, tout c’est ici. En saison des pluies, nous allons aussi vers les rivières, mais présentement les marigots sont à sec. Rien n’est garanti en termes d’eau dans notre village. On exprime le souhait d’avoir un forage, ce que nous n’avons jamais connu dans notre vie » révèle Dame Kamissa Kanté.
Porteuse de handicap physique
Mariama Coulibaly marche difficilement, mais elle n’a aucun choix ; il faut qu’elle se débrouille comme toutes les femmes pour venir au pied de la montagne à environs 2 km des habitations : « Je ne suis pas bien portante, je n’ai que des petits enfants, ils ne peuvent pas puiser pour moi. Moi-même je marche comme les femmes qui n’ont aucun handicap. Voyez-vous mon état ? Nous voulons de l’eau à portée des mains ; malheureusement nous n’avons pas cette solution d’abord. Même si cette eau n’est pas pure, il faut qu’on la boive et faire tout avec » regrette Mariama Coulibaly.
Derrière le village se trouve une nappe d’eau stagnante, retenue par les pierres rocheuses. Pour le linge parfois, les femmes y vont puiser et filtrer. Kamissa Oury Camara prend cette direction ce matin :
« Je rêve de me réveiller un jour et de puiser dans mon village sans bouger. Dès 6 heures, c’est tout le monde qui sort à la quête de l’eau. Aujourd’hui je voudrais laver des habits, ici les roches forment un bassin qui retient l’eau suite aux grandes pluies. En saison sèche, si l’eau devient rare à la petite chute sous la montagne, on vient par là.
Mais cette eau on ne peut la boire, actuellement elle contient beaucoup de particules et de feuilles mortes. Ce n’est pas une rivière du tout. Tu as peur de croiser des reptiles dans cette eau. C’est difficile de vivre sans eau. Après ici, je vais laisser cette eau chargée un peu au repos pour pouvoir l’utiliser plus tard pour laver les habits. Ce bassin peut tarir avec l’avancée de la saison sèche » se lamente Kamissa Oury Kanté.
Cette zone est une poche de pauvreté, en manque de tout. Les habitants de Laabha appellent l’Etat et toute bonne volonté à leur venir en aide pour mettre fin à cette corvée liée à l’eau.
De retour de Balaya, Alpha Ousmane Bah
Pour Africaguinee.com
Tel : (+224) 664 93 45 45
Créé le 19 avril 2025 15:33