Le CMRN et la Constitution de ‘’90’’ : les révélations de l’ex Premier Ministre de Kabinet Komara…

CONAKRY- L’ancien Premier Ministre Kabinet Komara vient de lever le voile sur un pan peu connu de l’histoire politique contemporaine de la Guinée. La rédaction de la Constitution de 1990, une Loi Fondamentale issue du régime militaire qui a pris le Pouvoir en 1984, à la mort de Sékou Touré. La préparation de ce texte avait connu des balbutiements spectaculaires, à en croire l’ex chef du Gouvernement du CNDD.  Témoignage.

« J’ai eu le privilège de faire partie des rédacteurs de la Constitution de 1990. J’étais un jeune cadre à l’époque et nous étions quarante-cinq. Je dois d’abord dire quelques vérités : cette Constitution est arrivée peu après le discours-programme de décembre 1984, préparé par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui posaient déjà les grandes orientations économiques de la Guinée. Il était donc difficile de s’en éloigner.

Lorsque la rédaction de la nouvelle Constitution a été lancée, nous avons réuni un groupe hétéroclite : les « rebelles », dont je faisais partie, mais aussi Kéto Cellou, paix à son âme, l’une des figures intellectuelles majeures de notre pays. Nous voulions nous inspirer d’autres modèles – j’ai visité l’Allemagne et la Namibie – pour alléger l’influence du système francophone. Ce fut un véritable défi, car la plupart des rédacteurs restaient attachés à la tradition française », témoigne l’ancien fonctionnaire international alors qu’il assistait à la double dédicace des ouvrages du Dr Cellou Diallo, avocat au Barreau de Guinée.

Le premier livre s’intitulant « La répartition de la compétence normative en Guinée sur le plan constitutionnel », le second « Du déséquilibre des relations et des rapports entre les organes politiques en Guinée ».

L’ancien Premier ministre raconte que cette Constitution (de 1990) exigeait la production de seize lois organiques en cinq ans. « Plusieurs membres de la commission avaient été nommés directement par le CMRN (comité militaire de redressement national). Nous, les rebelles, nous nous demandions : Pourquoi cinq ans pour rédiger quinze lois organiques, alors qu’on aurait pu y parvenir en trois mois ? Mais certains se concentraient plutôt sur les primes de 500 000 GNF par mois – imaginez ce total sur cinq ans.

Pour accélérer le processus, nous avons adopté la loi sur les partis politiques malgré l’opposition de certains. Des fuites orchestrées ont poussé les partis à réclamer publiquement leur droit de regard. Plusieurs d’entre nous, moi y compris, avons été exclus de la commission. Un agent des services secrets m’a alors abordé pour me dire : ‘’Monsieur Komara, savez-vous que vous êtes classé parmi les “contre-CMRN’’ ? Nous pourrions vous placer ailleurs, vous offrir un poste ministériel’’. J’ai décliné en disant que je préférais rester un intellectuel neutre », se souvient-il.

Selon M. Kabinet Komara, c’est dans ce contexte que ces lois organiques ont vu le jour, « sous l’influence politique du CMRN, qui préparait parallèlement la création de son parti, le PUP ».

L’ancien Premier Ministre explique que l’une des grandes faiblesses administratives reste l’absence de décrets d’application. « 80 % des lois adoptées ne disposent d’aucun texte d’application. Héritage du système français, c’est un sérieux handicap pour l’efficacité de notre gouvernance », martèle-t-il.

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 1 mai 2025 14:14

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