Immersion à Mali et ses infrastructures administratives en décrépitudes : « C’est comme si l’Etat nous a oubliés… »

Un bâtiment administratif à l'abandon à Mali centre

MALI-La préfecture de Mali est la plus grande de la région de Labé en termes de la superficie. Elle fait frontière avec le Mali, le Sénégal et dispose de plusieurs atouts pour se développer. Ses potentialités agricoles et touristiques demeurent encore sous exploitées faute de politiques viables de la part des décideurs. Ce n'est pas tout. En Guinée, c'est l'une des préfectures les plus nanties en termes de cadres. Mais le contraste entre ces atouts et son état actuel est saisissant. Reportage.

A l’instar des autres préfectures de la région, Mali est en manque criard d’infrastructures administrative, routière, hospitalière et scolaire. Le peu qui existe est en dans un état de délabrement très poussé. Certains bâtiments sont à l’abandon, d’autres hors d’usage, faute d’entretien. Cette situation fait que le personnel administratif se trouve entassé dans des bureaux exigus comme (excusez du peu) des sardines. Ce qui n’offre guère une possibilité de produire un résultat optimal.  

Dans cette ville de la Moyenne-Guinée, le cercle administratif ressemble à un champ de ruine. On y voit des bâtiments datant de la période coloniale en décrépitude. Le constat est saisissant. Des infrastructures décoiffées, des murs fissurés, d’autres sur le point de s’écrouler… certains occupants ont déjà quitté de peur que tout s’effondre sur eux un bon matin. Beaucoup de services administratifs sont sans local, plusieurs directions préfectorales s’entassent dans une même salle. Les logements des fonctionnaires sont également en souffrance.

Aujourd’hui, les quelques rares bâtiments existants peinent à contenir les services de la préfecture. Depuis un moment, pour accueillir certaines cérémonies officielles, les autorités les délocalise dans la salle de conférence de la Mairie rénovée récemment. Cette situation éprouve les fonctionnaires et des citoyens au pied du Mont Loura. Alpha Mamoudou Diallo, citoyen résident à Mali témoigne.

 

« C’est comme si l’Etat a oublié Mali, même les bâtiments qui existent ne tiennent pas. Nous avons trop crié notre désarroi. Si je me rappelle des évènements de janvier-février 2007, la résidence du préfet avait été vandalisée, malheureusement rien n’a été fait pour changer la donne. Parlant des bureaux, il y a tellement de services sans local ici qu’il il faut voir pour croire. Le directeur préfectoral de la jeunesse, le secrétariat général de la préfecture, n’ont pas de bureaux. Il y a au moins 5 directions préfectorales qui se partagent la même salle.

Au secrétariat de la préfecture, on y trouve : le directeur préfectoral du commerce, la directrice de l’action sociale, le secrétaire général… tout ce monde se serre dans la même salle. Ce n’est pas du tout commode pour des cadres préfectoraux. Pourtant, il y a suffisamment d’espaces que l’État peut aménager. Les bâtiments considérés existants ne sont pas du tout entretenus, les autres sont hors usage. Certaines directions aussi manquent de personnel, mais au fond ils n’ont pas un endroit où rester même s’ils viennent. Des cadres officiellement mutés ici disent clairement qu’ils n’ont pas de logement, ils n’ont pas de bureau. Alors pourquoi venir sachant que les conditions ne sont pas réunies pour faire leur travail correctement. En partie, ils ont raison. Beaucoup de fonctionnaires qui sont là vivent dans des bâtiments privés. Les ressources humaines ne sont pas là faute de logement, la refondation de l’État passe forcément par la construction ou la rénovation des infrastructures ».

A.C a servi à Mali dans une direction préfectorale il y a de cela 9 ans. Faute de logements décents, il a fini par s’installer à Labé avec la permission de sa hiérarchie. Il explique : « A mon arrivée à Mali, je tenais à rester à cause du climat doux.  Malheureusement, le logement ne répondait pas du tout, l’intérieur de la maison était creusé en partie par des rats. Je tombais malade même à cause de l’état du bâtiment.  Au service aussi, même une place pour un visiteur, c’est compliqué de trouver. Nous-mêmes sommes mal installés. Je me suis dit aucun imposable ne peut te faire confiance dans ce bazar.  Les toilettes tout est en ruine non utilisable presque.  Finalement, les autorités ont accepté que je reste à Labé et remonter à Mali au besoin. C’est comme ça que j’ai travaillé à Mali jusqu’à ma mutation dans la zone de Kindia », confie ce cadre sous anonymat.

Rencontré au centre administratif de Mali, gendarme à la retraite, capitaine Aguibou Diallo, 80 ans révolus marche à l’aide de sa canne. Il a toujours entendu d’un projet de reconstruction pour Mali mais il ne s’est jamais réalisé. « Nous avons tout le temps entendu parler de projets pour la reconstruction des bâtiments de l’État à Mali, mais ça s’est limité à l’annonce. Il n’y a jamais eu de concrétisation.

Quand j’étais en service il y a quelques décennies, les bâtiments n’avaient pas atteint ce degré de vétusté, c’était au moins un peu viable c’est au fil des ans que tout a changé avec une allure de dégradation sans précédent. Il y avait moins un peu d’entretiens. Quand je prends le bâtiment de la gendarmerie ou j’ai servi deux fois pendant ma carrière, ce n’était pas comme ça, maintenant le poids de l’âge est visible sur les bâtiments. Un moment nous avons appris qu’une mission était attendue pour recenser les bâtiments en vue de leur rénovation malheureusement nous n’avons rien vu encore. Le bâtiment de l’ancienne préfecture est là. Il a été construit par le commandant feu Bouba Diallo de Kindia mais natif de Mali, ce bâtiment est hors usage, les murs sont fissurés, les portes et les fenêtres ont disparu. Ils ont déserté le bâtiment, les cadres sont repartis vers le bâtiment hérité de la période coloniale qui était à l’abandon, faute de locaux, ils ont mis une couche de peinture pour le rendre fréquentable, mais c’est vieux comme vous le voyez. C’est contre notre gré que nous vivons cette situation à Mali centre. Ça nous fait mal que Mali n’ait aucun bâtiment administratif qui répond. Le cas de Mali est urgent. Nous avons entendu aussi le projet de bitumage là aussi nous tendons l’oreille. Nous sollicitions la tenue de la promesse », rappelle ce gendarme à la retraite.

Adama Hawa Touré native de Mali regrette que sa préfecture n’ait pas changé de visage de sa naissance à maintenant. « Depuis ma naissance, je vois tous ces bâtiments délabrés comme ça. Je me demande pourquoi les autorités ne se bougent pas dans ce sens. A ma naissance les bâtiments étaient vétustes, j’ai grandi mais rien n’a changé. C’est pitoyable vraiment. Il faut que la construction et la rénovation des bâtiments soient une priorité pour Mali », plaide la jeune dame Adama Hawa Touré.

Amadou Siddy Souaré professeur est également natif de Mali Yembering vit cette réalité de manque d’infrastructures depuis qu’il est en service dans cette préfecture. Chaque matin il passe devant le centre administratif pour rejoindre son école. « Le constat est amer, les bâtiments ne sont pas seulement vieux, ni hors usages, les bâtiments sont désertés de peur que ça ne s’écroule sur quelqu’un. Du coup, les bâtiments vétustes chutent les uns après les autres. Beaucoup d’années se sont écoulées, il n’y a pas eu de rénovations encore moins de construction de nouvelles infrastructures administratives. Du coup le besoin est imminent en bureaux à Mali. Quand vous prenez le bloc administratif, il y a beaucoup de services qui n’ont pas de locaux réellement. Des cadres sont entassés dans un même bureau. Donc, les préoccupations sont réelles » regrette ce professeur de collège lycée.

Enseignante à la retraite, Mme Aissatou Bah a connu tous les services en tant que cadre de l’éducation. Elle est peinée de voir l’image du centre administratif dans cet état lamentable après 60 ans d’indépendance. « L’état des bâtiments administratifs constitue une souffrance pour nous. Tout est en ruine, beaucoup d’écoles aussi sont dans cet état. Les cadres travaillent dans des conditions difficiles. Regardez ici des bâtiments sont tombés…, ils ont oublié Mali, rien n’est là maintenant. Il n’y a pas d’investissement dans les infrastructures. Tout le monde est unanime sur le constat mais aucune action n’est envisagée en faveur de Mali. Ici c’est les maisons appartenant à des particuliers qui donnent une image de ville à Mali du côté de l’administration, tout est en ruine ».

Amadou Sadio Diallo, originaire de Mali a quitté Kindia où il servait en tant que professeur pour aider à combler le manque de professeur dans sa préfecture d’origine. Devenu directeur sous-préfectoral de la jeunesse à Madina Wora, en séjour dans la commune urbaine de Mali. L’état des infrastructures le heurte.

« C’est un constat sans appel. C’est une occasion pour nous d’interpeler le CNRD afin qu’ils pensent à rénover les bâtiments dans le cadre de la refondation de l’Etat, vous avez vu l’état de la maison des jeunes de Mali centre, c’est ce bâtiment qui est censé abriter toutes les activités de jeunesse. Il y a des services qui n’ont pas de local. Parfois des cérémonies sont déplacées à la salle de conférence de la marie parce que c’est l’unique espace qui nous sauve de la honte » regrette Sadio Diallo

Ces fonctionnaires dépensent les maigres moyens mis à leur disposition pour passer une couche de peinture sur les vieux bâtiments pour pouvoir s’installer. C’est le cas à la direction préfectorale des archives. La résidence du préfet vandalisée en 2007 est en chantier, mais les travaux piétinent.

Interpelé sur l’état de ces infrastructures en décrépitudes, le colonel Manson Sangala Camara, préfet de Mali n’a donné aucune suite à notre demande de le voir sur place. Nos nombreux appels sont aussi restés sans réponse.

Alpha Ousmane BAH

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 18 octobre 2022 12:36

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