Immersion à Niaafou : La ruée vers l’or met l’environnement en péril…

MALI-Niaafou est un district en « or » cédé à la Guinée par le Sénégal en début 2017. Soixante ans après l’indépendance de la Guinée, cette zone était contrôlée par le pays de la Téranga. La Guinée a pu récupérer cette bourgade dotée d’une richesse dont l’étendue n’est pas encore quantifiée grâce à un arbitrage de la Cedeao sollicitée pour analyser les délimitations frontalières, à l’aide des documents coloniaux. Les tractations ont duré des années. Du début de la présidence d’Alpha Condé (en 2011) jusqu’à la fin de son premier mandat.


C’est en 2016 que l’armée sénégalaise s’est définitivement retirée de Diaaka, la zone tampon du « conflit ». Ce n’est qu’après ce retrait définitif que les autorités guinéennes ont officiellement installé en janvier 2017 le drapeau guinéen. Le « rouge-jaune-vert » flotte désormais fièrement dans cette localité.

Le petit village Diaka a été officiellement rattaché au district de Niaafou, de la Commune rurale de Balaki, dans la préfecture de Mali. Cette zone riche en or, située à cheval entre les frontières de la Guinée, du Mali et du Sénégal, attire la convoitise de milliers personnes.

La quête du métal jaune dans cette partie de la Guinée où la présence de l’Etat est très faible, n’est pas sans conséquence sur l’environnement. L’orpaillage se fait souvent dans l’anarchie, peu de dispositions sont prises pour préserver l’écosystème environnemental. Dans ce reportage inédit, Africaguinee.com vous plonge dans le quotidien des chasseurs d’or.

Cette partie enclavée de la Guinée, séparée du territoire du Mali par une petite rivière appelée Karita connait une véritable ruée vers l’or. Hommes, femmes et enfants de toutes les nationalités s’agglutinent autour des mines. On constate des trous presqu’à perte de vue.  Une une société aurifère est également présente dans la zone.

Samba Camara est orpailleur, il a creusé plusieurs puits depuis son arrivée dans cette mine artisanale il y a 7 ans. Il se plaint de la pauvreté du sol ces derniers temps. Il utilise du matériel rudimentaire qui ne mène pas loin. Sur place, le dynamitage est interdit d’où l’obstacle à accéder à une profondeur importante :

« Ce travail est devenu si difficile pour nous. Les machines qui peuvent ouvrir bien les puits nous n’en disposons pas. Le dynamitage aussi n’est pas utilisé par les orpailleurs artisanaux sur place, c’est les sociétés qui peuvent l’utiliser.  Quand le dynamitage fonctionnait, l’or sortait de temps en temps. Notre matériel ne touche qu’une partie superficielle. Un moment on assistait à des éboulements sur une partie abandonnée maintenant, nous sommes sur une nouvelle partie. Ce n’est pas encore profond du tout par ici, donc pas d’éboulement pour le moment. Il y a des agents de sécurité dans la zone en civil mais qui  n’arrêtent personne. A un moment, les taxes aux machines étaient fixées à 15 000CFA (environ 215 000 GNF) mais avec le travail au ralenti désormais nous sommes à 7000 CFA (100 000 GNF) pour le moment. Nous n’avons pas les machines de détection on creuse au hasard », confie Samba Camara.

Dans ces lieux, on y rencontre aussi des femmes qui font la même activité. Mariama Ciré Diallo est l’une des femmes orpailleuses. Elle parle de son quotidien dans la mine d’or artisanale de Diaaka. Accompagnée de sa fille d’environs 3 ans, cette mère de famille tire la terre et la transporte de la mine à la machine à piler et à laver. Sa rémunération est insignifiante. « C’est pour arrondir la dépense familiale que je viens travailler ici. Chaque matin on se rend dans la mine d’or directement, les hommes descendent dans les trous, ils creusent la terre, nous nous tirons avec la corde toute la journée. En contrepartie, ils nous laissent un peu de terre que nous amenons à la machine, ici nous cumulons jusqu’à avoir un sac rempli. Parfois n’a qu’un bol en contrepartie de ton travail.

Vous avez vu comment on lave la terre dans les bassines, c’est dans ça qu’on espère gagner de la poudre d’or après décantation, nous vivons de ce revenu avec nos familles. Si on ne gagne rien aussi, on garde l’espoir pour demain encore. Si les hommes descendent creuser, en venant tirer ils nous laissent un pourcentage. Si je tire 10 sacs, celui qui creuse me laisse avec un sac, il reste avec 9. Tu tires un sac, tu n’as droit qu’à un petit bol de terre à laver. Aucune prestation n’est payée par l’argent ici, tout est échange de service et pourcentage. Là aussi tu ne viens pas tirer comme tu veux, comme il y a un monde fou ici, on donne la chance à chacun de profiter un peu.

Si tu mobilises jusqu’à 5 sacs, tu viens piler. Des fois, dans les 5 sacs, tu peux avoir (1/10 jargon dans les mines. Infime partie. C’est 1/10 fois 10 qui constitue un gramme d’or NDLR). Il arrive des moments aussi dans les 5 sacs tu peux avoir un gramme ou plus mais c’est rare. De fois nous avons 4, 5 ou 7/10. Ça dépend de la journée. Le prix du gramme n’est pas stable (refus de dire le prix NDLR) », explique cette jeune mère très active auprès de la machine à piler.

Mamadou Alpha Diallo est propriétaire de machine. Il n’est pas orpailleur qui descend dans les mines d’or artisanales. Son travail se limite à aller négocier avec les orpailleurs afin qu’ils lui donnent le contrat de piler la terre extraite des puits artisanaux. C’est un processus long et demande beaucoup de patience.

« Cette machine est là comme vous voyez d’autres un peu partout ici. Notre rôle, nous sommes derrière les orpailleurs afin qu’ils nous donnent leur terre à piler ici. Si leur terre contient de l’or, ils nous payent, s’il n’y a rien, on s’entend sur un forfait afin qu’on puisse couvrir les frais de carburant consommé à l’occasion du travail. Une façon de maintenir la clientèle et la relation. Le paiement se fait sur la quantité récoltée, on se partage ce qui est obtenu selon un quota établi à l’avance. Les autorités perçoivent à la fin du mois 7000CFA par machines. Il y a un mois nous n’avons pas payé cette redevance, courant ramadan aussi ils ne nous ont pas demandé de payer. Nous travaillons ainsi avec beaucoup de risques, imaginez des bassines de terre avec des sacs qu’on pile plusieurs jours sans trouver même 1/10.

Vous voyez le calvaire. Le matériel s’épuise souvent, comme le consommable des machines. Ils creusent sans aucune garantie qu’il y a de l’or, nous pilions avec le même risque, si rien ne sort voyez-vous-même la suite. Maintenant les pièces de rechanges et autres sont aussi prises à crédit, c’est quand ça répond bien qu’il faut payer les pièces alors qu’eux ne sont pas soumises à la loi de la mine. C’est une grande chaine, de la mine, aux machines jusqu’à la vente de la poudre. Chaque machine à son chef particulier qui dirige une équipe » explique Alpha Diallo.

Ousmane Sow est surplombé par des sacs de terre à casser un à un. Il est environ 18 heures UTC, l’homme ne peut plus rien casser, il est couché par terre. A jeun, il attend le crépuscule. Ses mains traduisent la force physique qu’il faut avoir pour casser ces pierres contenues dans la terre. Il est dans cette routine depuis 3 ans maintenant. Aucun de ses enfants ne va à l’école/

« Vous voyez combien de fois c’est dur ce travail, tous les jours c’est comme ça. C’est l’interminable casse de pierre sans fin pour vivre. C’est un travail très éprouvant. Parfois nous avons envie de jeter tout et de partir ailleurs mais on se rend compte si nous partons c’est une peine perdue, donc nous reprenons du courage à rester encore. Travailler sans espoir c’est dans les mines d’or. La prestation est de plus en plus dure contre rien presque. Piler un sac à 1500 CFA s’il y a de la matière, c’est vraiment un enfer. 1500 s’il y a de l’or, s’il n’y en a pas, tu t’en laves les mains ou bien certains pensent à toi en te donnant quelques choses, d’autres rien. Il y a moins d’état d’âme dans les mines.

Actuellement la terre est pauvre, nous ne touchons que la partie superficielle, il faut les moyens pour aller en profondeur pour gagner beaucoup. Le revenu est très faible actuellement, le peu que tu gagnes couvre juste la dépense journalière. Il faut revenir le lendemain encore. Je suis là avec ma femme et mes enfants qui ne vont pas à l’école encore. Dans toute cette contrée il n’y a pas une école, ici, tout le monde est prédestiné à ce travail de force. Je suis là contre mon gré, c’est faute d’autre travaux que je suis là », se lamente Ousmane Sow.

Thierno Ousmane Diallo, la vingtaine révolue vient de trouver une petite quantité d’Or et c’est après avoir lavé 4 sacs pilés. Un travail qui lui a pris toute la journée presque : « c’est petit ce que j’ai récolté, c’est environs un 1/10 ou 2/10 que je viens de sortir ici. C’est dans le contenu de 4 sacs. 1/10 coute 3000CFA (40000gnf NDLR) sur le marché local ici. Tant que votre gain n’atteint pas un gramme. L’or ne connaitra pas sa valeur marchande à l’achat. Il faut avoir 10 pour faire un gramme. Le travail est énorme, je vais à la mine pour transporter la terre à travers mon tricycle. Je pile tout avec mes amis, ensuite on allume le moteur pour tirer l’eau et laver, puis décanter petit à petit, vers la fin on met le produit pour toucher à l’or s’il y en a, parce qu’il arrive des moments que tout ce travail devient inutile. Tu piles un sac, s’il y a un peu de poudre, on te rémunère à 1500CFA pour un sac pilé. Nous sommes pris ici jusqu’au soir ou vers 16heures » explique Ousmane Sow.

A quelques mètres de là, Ibrahim, un employé journalier à la machine étale des tapis sur un passoir à tapis installé sur une planche à bois, il fait couler le sable à l’eau dessus pour espérer distinguer l’or : « ici, c’est la phase de la décantation, après avoir débarrassé la quantité épaisse de terre du sable proche de l’Or. Nous venons faire couler sur le tapis sous forme de paillasson. Ces tapis retiennent l’or, seul le sable et l’eau passe, s’il y a de l’or il apparait sur le tapis que nous récupérons. La terre lavée y compris celle qui a coulé, nous mobilisons en chargement pour verser à côté, les burkinabés viennent racheter ça pour moudre à leur façon avec leurs machines un peu plus performantes. C’est notre travail au quotidien », confie Ibrahim.

Pour rappel, l’exploitation de la mine d’or de Diaaka est confiée à la société AM Gold qui paye des redevances à l’Etat Guinéen par an. Une partie est reversée à la commune rurale de Balaki d’où relève le secteur de Diaaka, du district de Niafou. La partie superficielle est laissée à la communauté d’où l’exploitation artisanale. C’est le revenu de cette partie estimé à 2 000 000 de CFA par mois qui fait objet de litige entre le comité de veille et le préfet de Mali. Une mission du gouvernorat de Labé est d’ailleurs sur place pour une médiation.

Alpha Ousmane Bah

De retour de Diaaka

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 11 avril 2023 17:06

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