Esclavage, trafic : immersion dans l’enfer des femmes guinéennes en Egypte…

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CAIRE-Le trafic et l’exploitation d’êtres humains touchent une partie des ressortissants guinéens en Egypte. Les filles sont les plus touchées par le fléau. Des réseaux de trafiquants de filles opèrent dans l’ombre et brassent des millions à travers cette pratique illicite. Ces réseaux ont des ramifications jusqu’en Guinée. Composés d’hommes et de femmes hypnotisés par le gain facile, ils jouent sur la crédulité de leur proie. Ils font miroiter de beaux jours à certaines filles moins instruites afin qu’elles s’engagent à effectuer le voyage en Egypte, sans se faire la moindre idée de ce qui les attend. Mais une fois sur les lieux, c’est le désespoir, la déchéance, la désillusion. Le rêve d’un emploi décent, d’une vie meilleure se transforme en cauchemar. 

Privées de salaires et de bien-être, elles sont soumises à l’exploitation. Ces filles exercent des travaux pénibles sans rémunération. Certaines d’entre elles y ont d’ailleurs laissé leur vie. Dans certains cas, les filles exploitées passent plusieurs mois ou années sans que la communauté guinéenne en Egypte ne se rende compte.  Les témoignages liés à cette pratique bien connue en Egypte sont pathétiques.  Et Souvent ce sont des guinéens qui sont en amont et en aval de cette honteuse exploitation de leurs compatriotes. 

Sur le territoire égyptien notamment dans la capitale, c’est fréquent de croiser ces guinéennes dans certains quartiers du Caire ou dans un bus. Elles sont reconnaissables le plus souvent par leur habils ou dans leurs échanges à travers les langues vernaculaires de la Guinée. Mais derrière le décor, elles vivent un véritable un calvaire. Elles travaillent du matin au soir alors qu’il y a un parrain qui a accès à la totalité de leur rémunération. Pis, elles sont privées de leurs documents de voyage par leurs bourreaux. Certaines meurent dans cette misère. Courant 2019, au moins 7 guinéennes sont mortes dans des situations non élucidées. Certaines se cherchent jusqu’à plonger dans la prostitution pour survivre avec tous les risques de contracter des maladies.

Une situation que dénonce Kemoko Traoré, deuxième secrétaire chargé à l’organisation au conseil des guinéens d’Egypte.

« Chacun est indépendant de venir dans ce pays parce qu’il n’y pas de visa. Mais ce qui se passe, il y a des réseaux, des bandes organisées qui font venir des filles avec l’argument qu’elles peuvent trouver tout ici dans le sens du bonheur. Vue qu’il y a assez de difficultés en Guinée il ne faut pas se voiler la face, elles bondissent sur l’occasion et viennent. Après elles se rendent compte qu’elles sont dans une prison à ciel ouvert. Elles sont soumises à des travaux ménagers et l’argent payé revient directement à la personne qui les a fait venir. Ça peut durer pendant de longues années.  Elles pataugent dans la pauvreté (…) elles peuvent tomber malades ou parfois être arrêtées par la police par manque de titre de séjour. Certaines quittent ici même malades, une semaine après on prend leur décès au pays. Même sur place on enregistre des décès de ces filles soumises à des corvées alors que c’est quelqu’un d’autre qui profite du salaire. Cette année 2019 seulement il y a eu plusieurs décès. Au moins 5 guinéennes sont mortes sur place ici. Deux autres filles sont rentrées en Guinée quelques jours après elles sont mortes tout simplement parce qu’elles n’ont pas pu supporter la corvée et la vie en Egypte. Quand une fille n’a pas de travail ou travaille sans rémunération elle est obligée de faire des bêtises pour vivre. Des filles font la prostitution pour vivre finalement elles contractent des maladies non souhaitables », a témoigné M. Traoré.

Réseaux de trafiquants et implications des parents…

Des contrats sont ficelés à partir de Conakry, d’autres en Egypte entre les filles candidates et les réseaux avec la complicité de certains parents qui pensent pouvoir sortir de la misère à travers ce voyage. Mais derrière, c’est de l’esclavage. 

Abdallah Sow, chargé de communication du conseil des guinéens d’Egypte précise. 

« Il arrive des moments où les parents de ces filles soient impliqués pour leur venue ici. Sur le terrain elles se rendent compte qu’elles sont esclaves parce que toute leur liberté est confisquée par les convoyeurs. Les contrats sont ficelés à Conakry et les parents des filles sont même impliqués pour organiser cela. C’est ce qui explique les multiples cas de décès de nos sœurs ici », explique-t-il.

Complicité de certains étudiants…

Ce business étend ses tentacules au fil des années. Au point que même certains étudiants guinéens basés en Egypte se mêlent de ce trafic. Ils font entrer les filles sur le territoire égyptien à travers des faux certificats de mariage contre 100 dollars par tête. 

 « Il y a une autre complicité pour l’entrée des filles sur le territoire égyptien. Beaucoup d’étudiants guinéens sont impliqués pour faire entrer les filles dans ce pays. Ils ont le séjour à travers leurs différentes écoles ; ils utilisent ces documents pour se faire de faux dossiers de mariage pour aller récupérer ces filles à l’aéroport et les rendre aux convoyeurs. Certains disposent d’une cinquantaine de faux dossiers de mariage pour faire passer les filles. Certains étudiants en ont fait un métier pour gagner leurs pains ici. Ils prennent 100 dollars avec le réseau pour chaque fille qu’ils réussissent à faire entrer en Egypte à partir de l’aéroport. Voilà la complicité qui facilite la rentrée massive de nos sœurs sur le territoire égyptien », confie le responsable de communication du conseil des guinéens basés en Egypte.

Pour Mamadou Sidy Barry, jeune diplômé guinéen résidant au Caire, il y a une main noire de certains cadres de l’ambassade de Guinée dans la pratique de ce trafic. 

« L’exploitation de nos sœurs sur le sol égyptien est insoutenable. Elles sont exploitées par nos propres frères et sœurs et l’Etat guinéen même est au courant de cette exploitation sans agir. Entre 2016 et 2017, une fille dont je vais taire le nom a été envoyée ici par une femme guinéenne qui avait réclamé entre 3 000 et 3 500 dollars en guise de remboursement après l’obtention du travail. C’était impossible pour la fille de payer cette somme. Nous nous sommes mobilisés pour gérer ce problème. C’est au niveau de l’ambassade ou quelques membres de l’ambassade sont intervenus pour dire que la fille doit rembourser la somme parce que les deux parties étaient d’accord avant le voyage de la fille», témoigne Sidy Barry. 

Le réseau de trafiquants est bien implanté. Il étend ses tentacules dans beaucoup de pays, notamment en Guinée. 

« Le réseau n’est pas seulement en Egypte, c’est partout. Une base arrière importante se trouve à Conakry, élargie en Sierra Leone, Côte d’ivoire, Liberia. Ils travaillent sous forme d’agence pour inscrire les femmes. Ils leur disent on paye le billet et tous les frais liés au voyage que ça soit en Egypte, en Arabie Saoudite au Koweït et autres », déplore Mamadou Hambaliou Diallo, avant de prodiguer des conseils aux filles. 

Ce trafic ne semble pourtant pas décourager les filles candidates pour ce voyage au lendemain incertain. Le flux d’arrivée sur le sol égyptien ne diminue pas. Le manque d’information et de sensibilisation fait que c’est difficile de freiner ces arrivées en masse. Et les réseaux ne recrutent que dans les milieux isolés pour ne pas être surpris. 

A suivre…

 

Alpha Ousmane BAH(AOB)

De retour d’Egypte

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 664 93 45 45

Créé le 20 juillet 2019 12:08

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