Changements climatiques : La montée des eaux menace plusieurs villages côtiers de Kaback

Bossimyah et Konomoudiah – Situées aux confins de la sous-préfecture de Kaback, en bordure de l’océan Atlantique, les localités de Bossimyah et Konomoudiah, autrefois connues comme des villages de pêche par excellence et pour leurs vastes zones rizicoles fertiles, sont aujourd’hui le théâtre silencieux mais dramatique des effets du changement climatique.

Érosion côtière, disparition progressive de la mangrove, pollution plastique, raréfaction du poisson en mer et perte de terres cultivables : ces villages côtiers paient aujourd’hui le prix fort d’un dérèglement climatique qui s’intensifie.

À Bossimyah et Konomoudiah, les vestiges d’une digue — autrefois érigée pour protéger une importante zone de riziculture — témoignent désormais de la violence des assauts marins. Avec le temps, cette digue n’a pas résisté, emportant avec elle une partie de l’écosystème local. La mangrove, qui borde encore timidement le littoral, est aujourd’hui menacée de disparition.

Cette forêt littorale, véritable poumon écologique, joue pourtant un rôle crucial. Elle abrite une biodiversité riche, sert de nurserie pour de nombreuses espèces marines, et constitue un puissant puits de carbone. Sa disparition annoncerait un désastre écologique pour l’ensemble de la région.

Kadiatou Camara, mère de famille et pêcheuse depuis son enfance dans le village de Konomoudiah — aujourd’hui repoussé de plusieurs centaines de mètres par l’avancée des eaux de l’océan Atlantique — témoigne du calvaire que vivent les habitants de cette localité.

Rencontrée au port du village, en train de sortir sa modeste prise de poisson de la matinée, elle décrit avec amertume la situation dramatique que traverse sa communauté :

« Notre lieu de pêche est complètement détruit, c’est la plus grande difficulté que nous avons aujourd’hui. Avant, on attrapait beaucoup de poissons, mais maintenant il y a une énorme différence. Il y a un vrai manque de poissons dans nos eaux. Nous accusons les pêcheurs industriels qui viennent ici, endommagent nos filets et épuisent les ressources.

Nous lançons un appel au président Mamadi Doumbouya pour qu’il nous aide. Nos concessions s’effondrent peu à peu. Il faut qu’on nous soutienne avant qu’il ne soit trop tard. En plus, la plupart de nos enfants ont terminé leurs études, mais ils sont sans emploi », a témoigné cette mère de famille. 

Dans le petit village côtier de Konomoudiah, au sud-ouest de la Guinée, dans la sous-préfecture de Kaback, le quotidien des habitants est devenu un véritable calvaire. La montée inexorable de la mer, accélérée par les activités humaines, bouleverse profondément la vie de cette communauté longtemps dépendante de la pêche artisanale et de l’agriculture.

Yarie Seydou Camara, chef du port de ce village, tire la sonnette d’alarme face à une situation qu’il juge aujourd’hui « indescriptible ».

 

« Mes ancêtres sont nés ici. Nous vivons de la pêche et de l’agriculture depuis toujours », confie-t-il, la voix teintée d’inquiétude. Mais aujourd’hui, ce mode de vie traditionnel est sérieusement menacé. Les rendements de la pêche se sont effondrés.

« Avant, avec seulement 5 litres de carburant, on rentrait avec une bonne quantité de poissons. Aujourd’hui, même avec 40 litres, on n’arrive pas à obtenir ce qu’on avait autrefois avec 5 litres. »

Pour lui, cette dégradation n’est pas uniquement due au climat. Il accuse aussi les sociétés minières et les chalutiers industriels :

« L’une des causes principales de nos difficultés, ce sont les activités des sociétés minières installées dans la région. Certaines zones ont été remblayées sans notre accord. Cette situation nous fatigue énormément. Quand on a commencé à protester, on nous a dit que ce serait difficile au début, mais qu’avec le temps ça s’améliorerait. Malheureusement, rien n’a changé.

Il n’y a presque plus de gros poissons. Et si nous, pêcheurs, nous en plaignons déjà, qu’en sera-t-il des générations futures ? Les chalutiers industriels prennent même les petits poissons dans nos eaux. Les autorités doivent agir. »

Mais au-delà de la mer, les terres agricoles aussi sont en péril :

« Nous n’avons plus de champs cultivables. Ils sont tous inondés, à cause des effets cumulés de la mer et des actions humaines. Nous avons hérité de ces terres, mais aujourd’hui elles sont perdues. Je demande au président Mamadi Doumbouya d’interdire l’occupation anarchique des littoraux par les habitants de Conakry.

Ces remblais pour la construction détruisent nos zones agricoles. Si quelqu’un perd sa source de revenu, que va-t-il devenir ? Actuellement, nous faisons face à une pénurie de nourriture, car nos champs sont noyés par les eaux salées » lance-t-elle.

Le vice-président du district de Yélibané, chef-lieu du village de Konomoudiah, renchérit en tirant la sonnette d’alarme. Selon Mamadouba Kony Traoré, les environ 9 000 habitants de ce district vivent dans un état de précarité généralisée, confrontés à la montée des eaux et au manque criant d’infrastructures de base.

 

« Je suis né ici, j’ai grandi ici. Autrefois, la mer était très loin, il y avait beaucoup de terres. Mais aujourd’hui, l’eau monte sans cesse, elle pousse chaque jour davantage la population de Konomoudiah vers l’intérieur. Si nous ne bénéficions pas d’un soutien fort de l’État, ce village risque de disparaître.

Regardez autour de vous : nous n’avons ni hôpital, ni école digne de ce nom. Nous manquons de tout ici. Quand des investisseurs viennent, ils nous disent que la mer monte continuellement, et cela nous inquiète énormément pour notre avenir », explique-t-il.

Face à cette insécurité environnementale, les habitants ont dû adapter leur mode de vie, faute de mieux.

« Ici à Konomoudiah, nous vivons dans des baraques, car il est impensable de construire une maison en dur alors que la mer nous repousse chaque jour un peu plus. On préfère ériger des hangars temporaires, juste pour avoir un toit où passer la nuit. Pourtant, nous sommes nombreux. La population est estimée aujourd’hui à environ 9 000 personnes.

En plus, il n’y a pas de poste de santé, et les cas de maladie deviennent très compliqués à gérer. À cela s’ajoute le manque d’eau potable. Comme je vous l’ai dit, nous souffrons énormément ici. La vie est très difficile. Les problèmes ne manquent pas dans ce village… mais ce n’est pas facile d’abandonner l’endroit où l’on est né et où l’on a grandi », a témoigné Mamadouba Kony Traoré.

Le Pr Kandet Bangoura, océanographe de renom, a récemment visité les villages côtiers de Konomoudiah et Bossimyah dans la sous-préfecture de Kaback. À l’issue de sa mission, ce spécialiste dresse un constat alarmant sur l’avancée de la mer et ses conséquences sur les populations locales.

« Le village de Konomoudiah s’est déplacé de près de 100 mètres du rivage depuis 2022. Et ça, c’est vraiment triste. On ressent concrètement l’élévation du niveau de la mer, accompagnée d’une forte érosion côtière.

Je me souviens qu’à une époque, cette zone produisait une grande quantité de riz, qui alimentait non seulement Kaback mais aussi, en grande partie, la capitale Conakry. Aujourd’hui, la réalité est tout autre », a déploré Pr Kandet Bangoura.

Face à ce phénomène destructeur, le scientifique rejette l’idée d’un déplacement massif des populations. Pour lui, la solution passe par la réhabilitation des digues de protection qui, autrefois, constituaient un rempart naturel contre les assauts marins.

« Il ne s’agit pas de déplacer les gens, mais de restaurer la digue qui protégeait ces villages. Il faut absolument reconstruire cet ouvrage avec des matériaux durables. Cela permettra de sauvegarder les périmètres rizicoles et de relancer les activités agricoles.

Si on parvient à protéger la zone, les citoyens pourront à nouveau cultiver du riz, et même pratiquer le maraîchage », a-t-il suggéré.

 

Oumar Bady Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Tel : (00224) 666 134 023 

Créé le 2 juin 2025 12:43

Nous vous proposons aussi

TAGS

étiquettes:

LONAGUI

SONOCO

TOTALENERGIES

AGB2G

CBG

smb-2

Consortium SMB-Winning

Annonces

Recommandé pour vous

Annonces

Logo UNICEF