Capitaine Idrissa Diop, conservateur en chef de Koundara : « Pourquoi il faut protéger le Parc national du Badiar… »

KOUNDARA- Créé en 1985 par ordonnance du Président de la République d’alors, le Parc national du Badiar a été érigé en réserve de biosphères en 2002. De nos jours, en tant que patrimoine national, sa réhabilitation et sa surveillance pour la protection des espèces faunistiques et floristiques mais aussi pour la préservation de l’écosystème environnemental, sont des défis énormes. Au terme d’une immersion au cours de laquelle il nous a accompagnés comme guide, le conservateur en chef du Parc national du Badiar de Koundara, s’est prêté aux questions d’Africaguinee.com. Capitaine Idrissa Diop a évoqué les vrais défis de ce site national. Exclusif !!!

AFRICAGUINEE.COM : Veuillez nous présenter le parc national du Badiar…

CAPITAINE IDRISSA DIOP : Le parc national du Badiar a été créé en 1985 par ordonnance du Président de la République, (feu général Lansana Conté, sous la première transition gérée par le Comité militaire pour le redressement national CMRN, ndlr). En 2002, il a été érigé en réserve de biosphères. Pour son fonctionnement, la réserve de biosphères, a pratiquement été subdivisée en trois zones :

  • Une zone intégralement protégée, où seuls les conservateurs et les cadres de l’État sont habilités à intervenir ;
  • Une zone de gestion concertée, où les ressources sont utilisées par consensus ;
  • Et une zone de développement, où les communautés riveraines sont appuyées.

Vu la structure, sans doute, on va se rendre compte qu’il y a des difficultés. Parce qu’il faut composer avec tous les acteurs de la conservation, des communautés riveraines et de l’administration. Cependant, les populations de Koundara, du Badiar en général, et de Gaoual, sont en majorité agro-pastorales.

Si l’agriculture n’impacte pas trop la réserve de biosphère, l’élevage, elle se développe partout, et c’est en pleine brousse. Toutefois, pour éviter les conflits éleveurs-agriculteurs, en période agricole, les éleveurs préfèrent tous aller dans la réserve. Cela nous crée énormément de difficultés, parce qu’ils vont conquérir des espaces qui n’ont jamais été affectés à l’élevage. Cela crée des conflits homme-faune, et de la transmission même de maladies. Ensuite, il y a le besoin coutumier, le droit d’usage.

Aujourd’hui, les communautés sont parties au-delà du droit d’usage. Quand on parle de la récolte du vin, on va vous faire croire que le Badiar est tributaire du vin de rônier. Mais aujourd’hui, le rônier n’existe qu’à l’intérieur du parc et les gens sont prêts à récolter à tout prix. Et là, aucune exploitation durable n’est possible, parce qu’en principe, même en dehors de la réserve de biosphères, on devrait appliquer une méthode pour préserver l’espèce (le rônier). Cependant, les communautés utilisent la saignée sévère qui consiste à couper entièrement le bourgeon terminal du rônier et finalement, celui-ci meurt avant l’exploitation.

Par contre, si on utilisait la saignée sèche qu’on a toujours prônée, cela aurait été meilleurs.  Malheureusement elle n’a jamais réussi, elle n’a jamais existé, les gens n’ont jamais accepté de la pratiquer parce que c’est contraignant, et elle se fait à base de volontariat.

La saignée sèche consiste à blesser légèrement le bourgeon terminal et récolter le vin sur une période bien définie, 20 à 30 jours, et du coup, chercher à traiter la plaie pour cicatriser et entamer avec d’autres pieds. Paradoxalement, c’est en ce temps que le rônier donne à fond le vin. Et finalement, les exploitants ne souhaitent jamais abandonner la saignée sévère. Donc ils vont continuer à exploiter le rônier jusqu’à la fin. Donc c’est ce qui tue le pied. Malheureusement, ce n’est pas un seul pied, ce ne sont pas deux pieds, ce ne  sont pas trois pieds, ce sont des centaines de pieds qui sont tués par jour. Ce sont des centaines de pieds, au point que de nombreux jeunes réputés être des peuples mandrinerais ont disparu. Et je vous avoue, le rônier, c’était l’espèce phare du Badiar. C’était l’objet même de la création de la réserve de biosphères.

Donc ces deux facteurs constituent les difficultés majeures de la conservation. À cela, on peut ajouter la chasse, la pêche abusive et l’utilisation des pesticides, qui est l’autre problématique, parce que le Badiar à un sol vraiment hydromorphe. Dès le mois d’août, toute la terre est gorgée d’eau et aujourd’hui, ce sont des grandes étendues rizicoles où tout le monde utilise des pesticides. Alors que ces bas-fonds étaient censés être des lieux de production des alevins pour approvisionner les grands cours d’eau. Malheureusement, dans ces plaines, dans ces mares, aujourd’hui avec les produits phytosanitaires, tous les alevins sont tués, même les crapauds, on les voit rarement.

Et dans les cours d’eau, nous constatons de plus en plus la rareté de poissons. Et s’il n’y a pas de poisson, il faut dire que beaucoup d’espèces fluviales vont disparaître. C’est le cas des tortues, c’est le cas des crocodiles et des varans. Donc, grosso modo, ce sont les difficultés que nous vivons au Badiar tous les jours.

Du constat qu’on a fait dans le parc, on n’a pas vu la faune.  Pourquoi elle n’existe pas ?

Bon, en ce qui concerne la faune, je vais vous dire d’abord que le Badiar est une zone péri-urbaine. La forêt n’est pas loin des agglomérations. Du coup, le moment n’est pas propice pour observer directement la faune. Bien qu’elle ne soit pas abondante, mais, elle existe quand même.

Il y a la faune, nous la retrouvons dans nos patrouilles, nous voyons les traces. Nos caméras vidéo font cas de l’existence même de la grande faune, des carnivores. Donc, pour ce qui est de la faune, il n’y a pas d’inquiétude.

Aujourd’hui, le gros problème, c’est l’habitat. Si l’habitat est préservé, la faune, c’est comme les humains. C’est le pain, c’est la paix. Mais imaginez, des étendues comme ça, entre des gros villages, tous les jours, ce sont des éleveurs, ce sont des récolteurs de vin, ce sont des chasseurs. La tranquillité n’est pas là. Donc, si la paix n’est pas là, ce n’est pas évident. Même si un animal vient jusqu’autour d’ici, il n’ose pas se montrer. Il ne va pas faire du bruit sinon nous allons savoir qu’il est là.

Au-delà de l’absence de cette faune, on a quand même vu un campement qui était là mais qui est abandonné aujourd’hui. Parlez-nous en !

C’est un campement d’éleveurs. Naturellement, nous connaissons la pression de l’élevage au Badiar. Pendant la période post-récolte, tous les éleveurs fuient les zones agricoles pour éviter les conflits éleveurs-agriculteurs. Et là, quand ils fuient, il faut s’éloigner pour aller dans la réserve.

Finalement, dans la réserve, nous, on n’a pas de gros moyens pour les suivre, afin de les organiser. Sinon, habituellement, ils étaient organisés. Il y a des zones dédiées uniquement pour le pâturage. Mais, s’ils ne sont pas organisés ; s’ils ne sont pas suivis, ils risquent de ne pas aller dans ces zones parce qu’elles sont soit éloignées, soit parce qu’il y a manque d’eau. Ils préfèrent aller là où c’est proche de leur habitation. Et là, c’est de se retirer seulement de l’agglomération pour aller dans la réserve. Vous avez vu, là où on a retrouvé ce campement-là, c’est à moins de 5 kilomètres du village. C’est à moins de 2 kilomètres du village. Donc, c’est une zone péri-villageoise.

Au-delà, il y avait ce campement qui servait de base pour vous conservateurs mais aussi pour les touristes. Pourquoi est-il dans cet état, (à l’abandon) ?

Le campement touristique à la Colline était vraiment un site qui était dédié à la conservation et à la promotion du tourisme. Malheureusement, le fonctionnement n’existant pas au parc, les partenaires ont cessé d’allouer des fonds. Pratiquement, il n’y a pas eu de fonds pour la surveillance dans l’intervalle 2005-2013 jusqu’en 2019.  La colline n’était pas surveillée. Les cases ont été brûlées. Aujourd’hui, vous n’avez trouvé que les ruines parce que depuis, imaginez, des paillotes, même si elles n’étaient pas brûlées, après 17-18 ans, voire 20 ans aujourd’hui, elles ne pouvaient pas exister encore. Donc ce sont ces ruines que vous avez vues là-bas.

Sinon, c’était une zone très appréciée des visiteurs.  De la colline, vous avez une vue panoramique sur tout le paysage, sur la mare Koumbakoubourou et sur la faune qui existe.

Selon vous, qu’est-ce qui devrait être fait pour que cela puisse être possible afin que l’endroit puisse être profitable à l’État, aux autorités d’ici, notamment grâce aux retombées sur le plan touristique ?

Dès qu’on parle de parc, on pense directement au tourisme.  Mais il y a des préalables. Il faut qu’il y ait une surveillance continue pour la stabilité de la voie de la faune et des subventions pour le fonctionnement de la réserve pour qu’on pense vraiment à la promotion du tourisme. Aujourd’hui, on parle de sites touristiques, mais il n’y a aucun aménagement. Il n’y a pas de pistes, ni d’aménagements sur place.

Voyez-vous les difficultés ? Le potentiel est là, mais il faut un peu d’efforts pour le valoriser. Cet effort-là, aujourd’hui, nous avons l’espoir, avec l’afflux de partenaires, qu’un jour, on finisse par aménager les pistes, réaménager les sites touristiques.

A vous écouter, pratiquement, ce parc n’a pu exister sans l’appui des partenaires. Qu’en est-il des autorités ?

Vous savez, généralement, ce sont les partenaires qui encaissent beaucoup de fonds. L’État guinéen s’est engagé à prendre en charge le personnel. Dieu merci tous les conservateurs qui sont au parc ont leurs salaires à la fin du mois. Ils sont habillés par l’État.

Du coup, la formation est assurée par l’État. Donc, si les partenaires décaissaient des fonds pour accompagner dans le cadre de l’aménagement, la construction des infrastructures, parce qu’ils sont là aussi, c’est leur rôle de participer au développement local. Donc, cela ferait un plus.

Vous avez parlé d’espoir par rapport au Parc, vous faites allusion à quoi ?

L’espoir, c’est l’arrivée des partenaires. Aujourd’hui, nous sommes WCF (Wild Chimpanzee Foundation), qui nous appuie à travers la conservation des chimpanzés. Le Badiar recèle encore de grandes populations de chimpanzés. C’est l’une des zones qui a encore des potentialités de primates.  Donc, à travers ces chimpanzés, WCF s’inscrit et décroche un projet dénommé Natura Guinée pour accompagner le Badiar. Pratiquement, de nos jours, il n’y a pas un cahier de charge qui lie la conservation directement à Natura Guinée.

Sauf, s’ils veulent accompagner la conservation. Le reste, c’est accompagner les communautés riveraines, réhabiliter les zones en déperdition, pratiquement en dégradation et restaurer les zones dégradées. Là, ils sont en train de le faire ; accompagner les communautés à travers les groupements et les associations. Mais pour la surveillance, ce qu’il faut retenir, elle doit être continue. Je le répète, la surveillance doit être continue. Imaginez, du mois d’août au mois de décembre, on n’a fait que 21 jours de patrouille. 21 jours de patrouille pendant 4 mois, voire plus. Et ce sont des ressources qu’on a à préserver.  Si vous gardez vos ressources pour une journée, l’autre jour vous abandonnez, cela veut dire que vous les avez laissés à la portée des voleurs. Demain vous ne pourrez pas dire que vous avez gardé vos ressources.  Ça a été mal gardé. Si c’est mal gardé, vous ne pouvez pas continuer à en bénéficier.

Donc, en matière de conservation, la surveillance doit être continue. Il ne s’agit pas seulement de patrouille, de couverture. On peut organiser des patrouilles d’envergure, de grandes couvertures, mais on sait là où il y a des faiblesses, là où il y a des ressources, là où il y a la pression, on peut orienter des patrouilles de permanence dans ces zones de pression pour que celle-ci baisse. Mais, s’il faut prendre connaissance de tout ce qui se passe dans la réserve, il ne sera pas facile de maîtriser de sitôt tout le Parc.

Il y a un penseur qui a dit, je cite : « si tu veux manger l’éléphant, il faut aller petit à petit ».  Donc, si on veut vraiment circonscrire tout le parc national du Badiar, on doit aller point par point. Mais si on dit qu’on va le couvrir d’un seul coup, et que demain on ne puisse rien faire, cela ne résout pas le problème.  Aujourd’hui, avec nos partenaires, on a réussi à couvrir presque toute la réserve.

Il n’y a pas un point où on n’a pas fouillé dans l’année. Mais, fouiller seulement et quitter le même jour n’a pas d’effet. Mais si on choisissait une zone vraiment propice, où on a vraiment de la valeur, de la valeur faunistique floristique, et où on protège strictement, on peut agrandir cette zone petit à petit, jusqu’à couvrir tout le Badiar.

Moi, en tant que conservateur, c’est mon souhait. Mais le partenaire a un principe de travail. C’est lui qui a les moyens, on est obligé d’être esclave de ce moyen.

Justement, comme vous parlez de surveillance, tout à l’heure, vous avez dénoncé les activités des récolteurs de vins de rôniers. On a d’ailleurs vu quelqu’un à bord d’une moto en train de transporter une quantité. Est-ce que la surveillance est accrue ?

La surveillance, elle est capitale. Mais aujourd’hui, on a des difficultés. Il y a une particularité au niveau de ces récolteurs de vins. On a eu tellement de conflits avec eux qu’à un moment donné, même les partenaires ont dit, laissez les récolteurs là, nous on va chercher à les sensibiliser autrement. Mais pour un conservateur, ça retarde.

Vous voyez tous les jours ces gens récolter du vin, vous savez que ce n’est pas autorisé, et ça détruit l’espèce (rônier). Vous êtes là et vous ne faites rien. Il y a un adage qui dit : ‘’ celui qui ne dit rien, consent’’.

Ce qui veut dire qu’en dehors des remords qu’on a de voir tous les jours ces récolteurs de vins, tuer les rôniers, transporter du vin, finalement, on est devenu des partenaires. Nous les voyons en longueur de journée. On échange avec eux dans la communauté. Mais notre problème, c’est avec eux. Et le problème ne se limite pas seulement à la récolte du vin parce qu’à côté, ils sont chasseurs. Et ils ont une méthode de chasse très néfaste parce qu’ils utilisent des maîtres de chien. Si le braconnier ordinaire sort avec son fusil, eux c’est avec des maîtres de chien et ils chassent tout. Il n’y a pas à dire que c’est l’écureuil, ou bien c’est le rat, ou bien c’est autre chose. Ils chassent tout. En dehors de cela, ils utilisent le feu à tout moment dans la journée.

Le Badiar est une savane herbeuse où il y a une période d’aménagement. Passé cette période, on ne doit pas utiliser le feu. Mais ici, vous allez voir des gens mettre le feu, même au mois de mars. Ce qui est déplorable. Du coup, quand vous venez, ce sont ces récolteurs de vin que vous allez trouver sur les lieux ; ou bien des élèves. Et si vous demandez, ils vous disent qu’ils ne connaissent pas. Ils vont commencer à déplorer et dire qu’eux-mêmes ont vu ces feux comme ça alors qu’ils en sont les auteurs. Parce qu’il n’y a pas quelqu’un d’autre, si ce ne sont pas eux qui sont dedans.

Vous avez parlé de ce partenaire qui est là et qui est en train d’apporter du soutien à la réserve. Quels sont vos rapports dans le cadre de la gestion du Parc national du Badiar ?

Le partenaire, je vous le dis, c’est la WCF. C’est un projet de l’Union européenne, Institut Natura Guinée, dont l’un des objectifs principaux, c’est la conservation des espèces et des espaces tout en accompagnant la communauté riveraine.

Donc, dans la conservation des espèces et des espaces, ils ont un volet appui à la conservation du parc national du Badiar. Cet appui-là, c’est à différents niveaux, la formation, la surveillance, s’il faut l’opérationnalisation des conservateurs. Mais, il faut dire que 2024, c’était une période d’essai. Tout n’a pas été rose. Il y a eu des manquements.

Pratiquement, ils sont là avec nous. Voyez-vous comment est la cité ? Aujourd’hui, toute activité devrait commencer à partir de la cité parce qu’il faut conserver d’abord les acquis. Et si on ne parvient pas à conserver les acquis, on ne peut pas en créer d’autres. Et on doit en créer d’autres forcément, je sais qu’ils vont en créer d’autres. Mais qui va préserver ça après leur départ ? Tout ce qu’ils font aujourd’hui, c’est au nom de la conservation.

Appuyer les communautés riveraines, c’est parce qu’il y a la conservation. Appuyer les groupements, c’est parce qu’il y a la conservation. Apporter de la formation et de l’information à l’administration locale, c’est par rapport à la conservation. Mais les gens nous jugent, à l’image de ce que nous sommes.

Vous dites que nous sommes là pour vous appuyer et que vous n’allez plus souffrir et le conservateur marche. Est-ce que vos interlocuteurs vont vous comprendre, c’est difficile. C’est vrai que c’est un départ, on espère que les choses vont changer et que ça va marcher. Mais le Badiar a besoin de partenaires divers car si les partenaires sont divers, il y aura des volets où chacun va intervenir. Et c’est ce qui va apporter, de tonus à la conservation.

Qui doit chercher ces partenaires ?

Les partenaires, on peut les avoir à deux niveaux. La conservation à travers la direction générale des corps des conservateurs de la nature, le département de l’environnement et du Développement durable et les accords que l’Etat a signés avec les institutions de financement. C’est comme ça que nous bénéficions des appuis des partenaires.

Alors, aujourd’hui, quels sont les véritables défis en ce qui concerne le parc national du Badiar ?

Aujourd’hui, le grand défi, c’est de voir la population du Badiar participer à la conservation de sa réserve. La réserve, c’est nous qui sommes là pour la protéger

Mais le bienfait de cette réserve appartient au Badiar. Et si la réserve est bien protégée, les retombées, c’est pour les communautés. Aujourd’hui, il y a des éléments qui commencent à s’en rendre compte à travers le peu de bénéfices qu’ils tirent dedans.

Vous avez vu là où on a visité, où il y a le campement d’éleveurs ? Ces gens-là, bien qu’ils étaient dans la clandestinité, mais à leur sortie, ils sont revenus pour nous féliciter et nous dire qu’ils ont utilisé chez nous. Et c’est grâce à vous que, cette année, on ne m’a pas fait vendre cinq têtes de bœuf pour payer les agriculteurs. Au départ, ils vont partir sans rien dire. Au retour, quand ils savent que c’est un acquis pour eux, il y a des reconnaissants qui reviennent pour dire que, vraiment, c’est grâce à nous.

Il y a de ces gens qui nous disent aujourd’hui que c’est grâce au parc.  De là-bas, jusqu’au fleuve, aujourd’hui, ce n’est pas transformé en habitations. Parce qu’ils me disaient que tout cela a été morcelé, c’était des champs, c’était des plantations. Il y en a même qui ont créé des puits à l’intérieur. Mais aujourd’hui, vous voyez combien de fois c’est fermé.

Pour les nouveaux, on va dire qu’il n’y a rien. Mais les anciens qui étaient là savent qu’aujourd’hui, même si on ne voit pas la grande faune comme d’habitude, mais la végétation est là, l’habitat est là. Donc, si l’habitat est là, on espère revoir la grande faune. Bien que les temps aient changé.

Depuis le bitumage de la route, Labé-Tambacounda, voyez-vous, aujourd’hui le nombre de villages qui envahissent le bord de la route ? La réserve, presque c’est de part et d’autre.

Je vous ai toujours dit que c’est une réserve périurbaine. À moins de 30 minutes de parcours, vous êtes dans la zone intégrale. À moins d’une heure de marche, vous avez traversé toute la zone. Donc, un seul surveillant ne peut pas, même si on met 1000 surveillants, sans la communauté, on ne peut pas garder le Badiar.

Aujourd’hui, le grand défi c’est d’impliquer tout le monde à la conservation de cette réserve. Le jour où la communauté riveraine dira que la réserve, c’est pour nous, on ne doit pas la détruire, elle sera sauvegardée définitivement parce que je vous dis c’est une barrière naturelle contre l’avancée même du Sahel ; du désert.

Allez-y voir de l’autre côté à quelques quinze, vingt kilomètres, ce qui prévaut là-bas en matière d’ensoleillement et de changement climatique. La pluviométrie est différente de ce que nous vivons chez nous en Guinée aujourd’hui.

Le fait de laisser ces bétails dans la réserve est-ce que d’autre part, il n’y a pas de risque ?

Il y a plein de risques. Aujourd’hui, il y a plein d’éleveurs qui fuient. Sinon, d’habitude, ils peuvent rester jusqu’au mois de janvier. Ici, on considère que la campagne agricole, c’est du mois de juillet au 15 janvier. D’autres disent 5 janvier. Mais tous sont sortis de la réserve depuis décembre parce qu’il y a les félins qui sont là, les carnivores qui sont derrière les troupeaux. Cela ne finit pas ici. Des propriétaires vous disent qu’ils ont perdu trois têtes, quatre têtes, suite à des attaques par des hyènes ou des licornes ou encore par des panthères. C’est fréquent autour de la réserve. Cela veut dire qu’ils ont des problèmes aussi. Ils n’ont pas que des avantages.

Selon vous, quels sont les avantages à réhabiliter ce Parc pour la préfecture de Koundara, mais aussi au niveau national ? 

Pratiquement, la réserve est au niveau international. C’est-à-dire quand on dit réserve de biosphère, ça appartient au monde entier. Cette réserve contribue à la lutte contre l’avancée du désert, contre le changement climatique. Pratiquement, en dehors de cette forêt, vous ne verrez pas une autre grande forêt. D’ailleurs, le Badiar est entouré par des bowés et des bas-fonds. Et si on détruit le peu de forêt qu’on a, cela veut dire qu’on va savanier notre zone.

A la longue c’est le Sahel qui va s’installer. On n’aura pas de bois, on n’aura pas de pluviométrie parce que sans bois, il n’y a pas de pluviométrie et sans pluviométrie, il n’y a pas d’agriculture. Là où il n’y a pas d’agriculture, il n’y a pas de vie.

Quels conseils donnez-vous à toutes ces personnes qui vont vous lire ou vous écouter, particulièrement celles de Koundara ?

Aujourd’hui, mes recommandations vont à l’endroit des communautés riveraines et aux autorités locales. Que les gens sachent que tout ce qu’on fait ici, c’est pour le bien-être du personnel qui habite la réserve et autour d’elle. Quand on parle de la population, il n’y a pas d’autorité, pas de citoyen libre, c’est tout le monde qui est concerné car quand il fait chaud c’est tout le monde qui subit. Quand il fait beau, c’est tout le monde qui en bénéficie. Donc, c’est de se donner les mains et d’accompagner la conservation pour préserver le peu qui reste encore du Badiar.

L’explosion démographique fait qu’aujourd’hui on a des besoins. Et si on laisse chacun manifester et satisfaire tous ses besoins, on risque de ne rien laisser. Et si on ne laisse rien, on supprime la vie dans cette zone. Et ce n’est pas souhaitable. Donc, le souhait aujourd’hui est qu’on préserve la réserve et qu’on renforce la protection au point que le Badiar soit plus vivable.

Aujourd’hui, tout le monde réclame, acclame l’agriculture au Badiar. C’est parce qu’il y a une pluviométrie. C’est parce qu’il fait bon vivre. Mais le jour où la nature va réagir personne ne pourra faire le contraire. On ne pourra pas changer. Et ce serait dommage pour l’humanité entière.

Quel est votre mot pour clore cette interview ?

Je commence d’abord par remercier les agents conservateurs qui ont accepté d’endurer avec nous durant toute la période de rupture de fonds que le Parc national du Badiar a connue. Ensuite, remercier les autorités locales qui nous ont toujours accompagné surtout pendant les périodes difficiles. Je félicite et j’encourage les initiatives de nos chefs des conservateurs, du chef suprême des armées, et conservateur en chef, général Mamadi Doumbouya, à travers lui remercier tout son gouvernement qui ne cessent d’apporter leur appui pour l’épanouissement de la conservation.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 9 janvier 2025 08:59

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