Boké : Plongée dans la mare de Dappéréré, menacée par l’activité minière…

BOKE- Chaque année, plus de sept (7) villages Landouma de Boké se réunissent durant deux mois pour pratiquer la pêche traditionnelle au lac de Dappéréré.

Durant tous les mois de mai et juin, les populations Landouma se donnent rendez-vous dans le district de Koaboé Kampathè autour de la pêche annuelle de la mare de Dapperéré. Des retrouvailles riches en couleur qui permettent à la communauté autochtone de Boké de replonger dans ses cultures ancestrales.

Mais aujourd’hui la zone qui abrite cette activité est menacée par l’emprise des sociétés minières qui gravitent autour de la commune rurale de Tanènè. Aly Manè porte parole du témou Ibrahima Manè Sotikeimo du district de Kaboé, parle des mystères de la mare de Dapperéré.

« C’est Pathé Manè qui a été le premier à s’installer dans ce village. Après, d’autres gens sont venus s’installer progressivement. Les bagas voulaient s’installer mais ils n’ont pas pu. Par finir, ils sont restés à côté de Kaboye Amaraya. Pathé Manè était chasseur, il a découvert cette rivière seul. Depuis, il a commencé la pêche avec une machette. Ses épouses lui ont emboîté le pas. Notre grand-mère pouvait rentrer dans un trou à la recherche des poissons. Quand la période arrive, ils faisaient des offrandes pour que la saison soit bonne.

C’est vrai qu’aujourd’hui, nous sommes islamisés, mais l’islam n’a pas rejeté toutes les coutumes de nos arrières grands-parents. Mais aujourd’hui, on voit moins d’engouement chez nos enfants pour perpétuer cette tradition. On le regrette. Pire, la mare aussi se rétrécit peu à peu. La seule chose qui est restée là jusqu’à présent, c’est l’interdiction d’utiliser les filets pour pêcher. Quiconque le fait, tu verras automatiquement les conséquences, ça c’est l’effet des génies, pas nous », a expliqué Aly Manè porte parole du témou Ibrahima Manè Sotikeimo du district de Kaboé.

Les carpes, anguilles, rotengle et les silures sont quelques espèces de poissons pêchées dans ces eaux douces depuis plusieurs générations maintenant. Muni des lances, des machettes et des cannes à pêche, accompagnés des champs traditionnels, les pêcheurs composés d’hommes et de femmes se mettent en rang jusqu’à la mare où ils resteront de 17h jusqu’à des heures tardives la nuit.

Kadiatou Niaissa pêcheuse depuis 36 ans explique comment les femmes de Kaboé Kampathè pratiquent la pêche traditionnelle dans cette mare.

« Nous faisons des équipes. Arrivées à Dapperéré, on fabrique des cercles avec de la boue dans l’eau. Ensuite, on se met en ligne pour diriger les poissons dans le piège. Et, quand les poissons entrent dedans on referme et on évacue l’eau pour attraper les poissons. Tout ça, c’est une activité physique qui se fait à main nue », a expliqué cette pêcheuse.

Kakissa, Kampathè, Amaraya, Simbaya, Kalangué, Kantombo et Kâtougouma étaient autrefois des villages qui ralliaient ce site pour s’approvisionner en poisson. A date, seulement quelques personnes connaissent l’existence de cette mare qui est menacée de disparition par l’effet entropique de l’homme.

« A Kaboé Kampathé, nous n’avons pas eu les retombées des sociétés minières. Aujourd’hui, leurs activités impactent négativement nos ressources. Quand ces sociétés minières sont venues, elles nous ont promis un changement radical mais jusqu’à présent nous n’avons rien reçu d’elles. Les lieux où on cultivait nous ont été retirés.

Ces sociétés minières aidées par les autorités nous ont interdit de cultiver sur les domaines qu’on avait l’habitude de cultiver. On nous interdit de couper les bois pour pratiquer l’agriculture. Or, nous n’avons rien en retour de leur part. Là où on pouvait avoir quelques bénéfices, c’est dans ce fleuve qui commence à se boucher par leur faute » se lamente, Yalikha Manè, mère de famille.

Etendu sur une superficie de deux (2) hectares sur un (1), le lac de Dappéréré est aujourd’hui en voie de disparition sous le regard impuissant des communautés de Kaboé Kampathè.

Depuis Boké, Oumar Sory Camara 

Pour Africaguinee.com

 

Créé le 19 mai 2023 12:38