Assaut contre Guéckedou : A la rencontre de Sâa Papa Kamano et ses collègues volontaires qui ont combattu la rébellion…

GUECKEDOU-Entre fin 1999 et début l’an 2000, plusieurs localités de la Guinée forestière avaient été la cible d’attaques rebelles venus du Libéria et de la Sierra Léone. Les préfectures de Macenta, Guéckédou et Kissidougou ont été les principales cibles.

A l’époque, de nombreux citadins avaient fui pour aller se réfugier dans des villages. D’autres par contre n’ayant, aucune formation militaire, s’étaient engagés comme volontaires pour défendre la patrie. Dans cet autre pan de notre immersion à Guékédou et à Yendé Millimou, nous avons rencontré des volontaires rescapés. Ils nous expliquent en détail comment l’attaque rebelle s’était-elle passée.

Sâa Papa Kamano est l’un d’eux. Il porte encore les cicatrices de balle sur son corps. Selon lui, après l’attaque, les volontaires avaient beaucoup souffert avant d’être dotés d’armes pour le combat.

« C’est à la gare de Guéckédou que moi j’ai appris l’attaque. Par des murmures, nous avons appris que les rebelles du Libéria vont rentrer ici. Mardi, on nous a dit qu’ils ont passé la journée à Makona sur la route de Kendou. A 1 heure du matin, nous avons entendu des coups de feu mais nous ne disposions d’aucun moyen de riposte. Mais nous nous sommes dit que les gens qui viennent sont des hommes, nous en sommes aussi. Nous ne pouvions pas laisser Guéckédou dans la main des rebelles. C’est ainsi que j’ai appelé mes amis, nous nous sommes regroupés à la préfecture. Nous avons demandé des armes pour combattre les assaillants. Les militaires ont refusé, en nous demandant plutôt de prendre des gourdins et des armes blanches pour affronter les assaillants. Les combats ont chauffé, la ville s’est vidée. N’étaient restés que les volontaires. Les militaires sont rentrés au camp.

Donc, nous avons décidé d’aller au camp pour demander des armes. Arrivé nous y avons trouvé un commandant qui s’appelait Diallo, nous lui avons demandé de nous donner les armes, pour que nous puissions retourner en ville avec l’argument que nous ne pouvions pas laisser notre ville entre les mains d’enfants rebelles. Il a opposé un refus. C’est ainsi que nous avons formé un bloc et sommes allés défoncer les portes de la poudrière où sont stockées les armes. C’est après cela que le commandant a finalement décidé de nous doter d’armes. On te donne une arme, on ajoute des balles, tu montes dans le camion. Dès qu’il est remplit, on dépose le groupe au rond-point Bongouli que les rebelles s’étaient déjà complètement emparés », retrace Sâa Papa Kamano.

A Bongouli, ce volontaire et ses amis avaient contraint les rebelles à replier pour deux jours mais plusieurs volontaires y avaient trouvé la mort, se souvient-il.

« Nous avons demandé à un militaire libérien qui était à la commune de nous former. Nous sommes allés à l’école Bambo.  Du Libéria les rebelles ont appris que des volontaires de Guékédou sont en train d’être formés à l’école Bambo. Ils sont venus monter une embuscade là-bas. Malheureusement pour eux, on maîtrisait un peu les armes. Comme nos amis avaient été tués, certains d’à côté de nous ont commencé à fuir, c’est ainsi que nous avons fait appel au groupe de Tékoulo. Ce sont eux qui sont venus nous aider à faire le combat mais entretemps les enfants rebelles avaient replié. Nous avons décidé de prendre les routes. Ils nous ont répartis en groupe de 20 pour veiller sur toutes les entrées de Guéckédou. Ils m’ont confié la route de Kendou. Le matin, j’ai pris le groupe, nous sommes descendus au fleuve avec les armes. Notre manger nous trouvait là-bas. On passe toute la journée et le soir on revient passé la nuit ici’’, explique-t-il.

Sâa Papa Kamano

En matière de stratégie, les rebelles aimaient se cacher dans des arbres selon les témoins. A Yende Millimou par exemple, durant les deux semaines qu’ils ont faites, plusieurs citoyens avaient été pris en otage et gardés à la mosquée. Ce sont des femmes guinéennes qui préparaient chaque soir pour nourrir les rebelles et les autres détenus, relatent les rescapés.

Capitaine Colombo

« Les rebelles avaient changé de stratégie. Ils avaient occupé tous les points stratégiques de la ville. Ils mettaient des matériels intéressants, luxueux, des postes radios dans des carrefours. Dès que quelqu’un tente de prendre, ils tirent sur la personne. Un sourd muet très malin était parmi nous, c’est lui qui nous avait montré ça. Quand vous combattez les rebelles, ils courent et montent dans des arbres. Dès que vous passez, ils descendent et viennent par derrière vous. Cette stratégie a été dévoilée par ce sourd-muet », relate Sâa Ibrahima Koundouno, dit capitaine Colombo.

’Les gens avaient complètement paniqué. Ceux qui pouvaient fuir l’avaient fait. Les rebelles sont venus attaquer tout le village. Ils avaient pris beaucoup de citoyens et ont conduit certaines équipes à la mosquée. Nous sommes sortis, on est allé jusqu’à Fodou, mais ça n’a pas marché nous avons rebroussé chemin. Avant notre retour au village, ils avaient tué beaucoup de personnes. Ils avaient transporté beaucoup d’autres citoyens à la mosquée ; hommes et femmes. Donc, ils sortaient chaque jour chercher du manger et envoyer à la mosquée pour permettre aux femmes prises en otage de préparer le repas. Ils ont fait 14 jours à Yende. Toutes les nuits, ils sortaient parce qu’ils voulaient attaquer Kissidougou aussi « , se souvient Moussa Condé, président des chasseurs donzo à Yende Millimou.

Moussa Sanoh, ex commandant du P.A qui a aussi vécu les faits était parvenu à faire fuir sa famille à Kissidougou. Il soutient que les rebelles avaient fait beaucoup de dégâts dans leur commune. Dans son témoignage, il pointe également du doigt un militaire guinéen qui serait complice.

« On a continué la patrouille jusqu’à 4 heures du matin, comme j’avais des volontaires et c’était le mois du ramadan, j’ai dit à un brigadier de m’accompagner à la maison je vais faire la rupture pour que je puisse jeûner demain. Une grande chance pour moi.  Quand je suis rentré dans ma chambre, j’ai enlevé la tenue. Après le petit déjeuner, la ville était en ébullition. J’ai pris mon poste radio pour écouter la BBC puisque ceux-ci donnaient des informations. Le premier coup de fusil, c’était par-là vers 5 heures du matin. Cela n’a pas fait 3 minutes, un deuxième coup a retenti vers la colline. J’ai douté, j’ai dit que les armes qui crépitent-là, ne sont pas des armes guinéennes. Je n’ai plus porté ma tenue. Mais après les 3 coups, même entre nous tu ne pouvais pas entendre ce que je disais à cause des tirs. Mais ces enfants-là (rebelles) étaient sur les manguiers un peu partout. Je suis sorti par derrière, j’ai rampé, je suis allé me coucher à côté de mon bâtiment, j’observais puisqu’on ne voyait pas tellement à cette heure. Ils avaient des balles incendiaires, quand ça tire, c’est le feu qui va. J’entendais les cris un peu partout.

Ma femme était dans l’autre chambre et j’avais ma moto, le réservoir plein puisque je savais que les rebelles sont venus. J’ai réveillé ma femme mais on ne pouvait pas passer par la route bitumée à cause de la foule. Par chez moi, il y avait une route secondaire, les gens passaient aussi par là-bas. Moi aussi j’ai sorti mes enfants et mes deux femmes on a pris la route. Un peu devant, j’ai dit à ma femme que je ne pouvais pas marcher jusqu’à Kissidougou ; attendez, je vais prendre la moto. Arrivé devant ma porte, celui qui était dans le manguier a tracé les traits de balles devant moi, la poussière s’est levée je me suis perdu dans cette poussière, j’ai replié en courant je suis allé à l’école. Un ami est venu chercher ma famille. Il a pris mes enfants, mes femmes, il est parti avec ceux-ci », confie Moussa Sanoh, président du district de Yende, ex commandant du P.A de Yende avant de continuer :

’Je suis resté là-bas, quelqu’un est venu en courant disant qu’ils ont tué Demba. Mon ami Dramé aussi a été arrêté par un tout petit rebelle. Il a nié être policier. On est resté à le fouiller, ils ont trouvé des balles dans sa poche. Leur commandant nommé Sidibé est venu. C’était un gendarme guinéen qui a servi à Bolodou. C’est lui qui était devant et il avait fait une semaine avec nous ici avec sa voiture, mais personne ne savait parce qu’il il était en civil. Sidibé est venu dire à l’enfant d’attendre un peu. Il s’est mis devant Dramé en lui demandant s’il le reconnaissait. Dramé a répondu par la négative. Il s’est présenté : c’est moi Sidibé. Il lui a dit vous étiez du premier contingent et nous du deuxième quand on était à l’école de la gendarmerie, tu m’avais beaucoup soutenu, tu ne m’avais pas fait du mal, c’est ce qui va te sauver aujourd’hui. Il lui dit enlève la tenue et tu me suis. Si tu restes derrière ils vont tirer sur toi. En ce moment Yende est devenu noir de fumée. Un char a quitté Kissidougou pour Yende, les rebelles l’ont attaqué sur la colline, et l’ont immobilisé. Ils ont envoyé un avion. Quand le groupe rebelle qui était là l’a vu, tout le monde est descendu dans le bas-fond. C’est en ce moment que Dramé s’est échappé, on s’est croisé en brousse. Ils sont allés chez moi, puisque j’avais les tenues, les balles et les armes. Ils ont complètement saccagé. Dans la maison, il y avait deux nourrices qui regardaient par la porte. Quand le petit rebelle a vu ça, il est venu directement devant la porte, il a tiré sur la porte, toutes les deux femmes qui étaient derrière, ont été touchées par les balles. J’ai vu un vieux dans le contingent guinéen qui était venu, il a enlevé la tenue pour porter la jupe d’une fille, il fallait le voir marcher’’, se souvient le doyen Moussa Sanoh.

A suivre !

SAKOUVOGUI Paul Foromo

Correspondant Régional d’Africaguinee.com

A Nzérékoré.

Tél : (00224) 628 80 17 43

Créé le 26 août 2024 08:14

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