Agression rebelle des années 2000 : Zoom sur certains rescapés…
GUECKEDOU-Fin 1999- début 2000, plusieurs citoyens guinéens avaient été pris en otage par des rebelles venus du Libéria et de la Sierra Léone, lors de l’attaque perpétrée dans la préfecture de Guéckédou et à Yende Millimou. Dans la suite de notre dossier axé sur les zones touchées par cette rébellion, Africaguinee.com fait un zoom sur certains rescapés.
A Guéckédou et à Yendé Millimou, deux villes sinistrées, bon nombre de citoyens avaient été pris en otages et gardés dans des lieux de culte. Hommes, femmes, enfants…ces personnes servaient de boucliers ou de portefaix pour ces jeunes rebelles qui régnaient en maître dans toutes les localités qu’ils avaient attaquées. Près de 25 ans après cette page douloureuse de l’histoire de la Guinée, nous revisitons ce passé sombre.
A Yende Millimou, plusieurs personnes avaient été prises en otage et gardées à la grande mosquée par les rebelles. Parmi les captifs, se trouvait Moussa Condé, actuel président des chasseurs donzo de Yende. A l’époque très jeune, il était photographe. Ce père de famille avait passé 4 jours dans les mains des rebelles avant de s’échapper, soutient-t-il. Il était même parvenu à se familiariser avec les adversaires jusqu’à prendre quelques photos de souvenir avec ceux.
« En ce moment, moi j’étais photographe. J’étais tellement ouvert et stratège que j’ai pu les avoir malgré qu’ils étaient mes ennemis. Je leur avais volé et jusqu’à présent je garde ce souvenir. J’avais un appareil de marque Yessica. J’ai pu prendre une photo avec eux », entame-t-il avant de continuer :
‘’J’ai passé 4 jours dans les mains des rebelles. Ils nous prenaient en tant que bras valides pour transporter des bagages. Ils avaient un instrument, c’est de l’eau qu’on mettait dedans jusqu’à 40 litres. C’était un instrument à manivelle. Quand il y a de l’eau dedans, il faut des personnes assez fortes pour tourner la manivelle afin de la caler. Après quand on met le pied dessus, ça fait asperger cette eau pour disperser les gens. Quand tu entends le bruit de cet instrument, tu as l’impression que tout est fini pour toi. C’est ce que nous avons emmené. Nous sommes allés chez un grand frère où on devait tirer de l’eau.
Nous sommes restés à faire la manivelle, ma main a eu des problèmes. Mon ami a commencé à tourner la manivelle, je me suis fait passer pour quelqu’un qui veut pisser. Il y avait un grand trou. Je suis tombé dedans et j’ai traîné dans le caniveau jusqu’au fleuve, j’ai traversé et je me suis sauvé. Je suis allé à Djalakala. Je suis retourné au village le 18ème jour puisque ma mère avait disparu. Je ne savais pas où elle était. Je suis allé la trouver au village où je suis né’’, relate Moussa Condé, citoyen de Yende Millimou.
« Dans mon village, ils ont tout pillé à commencer par ma maison. Ils ont pris tout ce qu’ils pouvaient prendre. La porte était ouverte, ils rentraient et faisaient sortir des sacs de riz et les déchiraient. Ils ont pris des motos neuves. Mon fusil de chasse également, ils l’avaient pris. Après tous ces dégâts enregistrés, même un grain de riz, je n’ai pas reçu du gouvernement. Comme c’est ici que j’ai grandi, quelles que soient les difficultés, je vais trouver de la nourriture pour ma famille et moi. Nous voulons dire au gouvernement que cette attaque rebelle a provoqué beaucoup de dégâts à Yende. Les citoyens ont trop souffert. Mais depuis cette date, seules quelques ONG viennent donner un sac de riz aux gens. Mais les pertes que nous avons enregistrées, sont énormes. Tout le monde peut voir les images de la gendarmerie et de la police. Rien n’a changé ici. Nous demandons au gouvernement de nous aider pour que les choses changent ici. Sinon jusque-là les impacts des attaques rebelles sont encore sur nous », martèle Moussa Condé, président des chasseurs donzo à Yende Millimou.
Sâa Papa Kamano, était le chef d’équipe des volontaires postés sur le chemin de Kendou, voie par laquelle les rebelles sont entrés pour attaquer Guéckédou. Capturé, ce combattant avait passé un moment dans les mains des rebelles au Liberia avant de s’échapper pour rallier la Guinée. 25 après Sâa Papa Kamano n’a rien oublié de sa mésaventure.
« Les rebelles avaient appris qu’à la frontière il y a un homme chaud nommé Papa, que je suis. La nuit ils ont monté un guet-apens contre moi. Le matin je suis arrivé au fleuve avec du pain et notre café. Avant de déposer le bidon de café, ils ont commencé à tirer sur moi. Mais j’étais protégé. Les balles ne m’ont donc pas blessé. Mes amis étaient en haut et je n’avais pas d’arme sur moi sinon ça allait chauffer. Les rebelles m’ont pris vers 8 heures et m’ont fait garder par quatre personnes qui m’ont fait traverser le fleuve. Ils m’ont dit de dévoiler le secret des volontaires. Je leur ai dit que je ne pouvais pas le faire. Si vous voulez gardez-moi ou bien tuez-moi, mais je ne le dirais pas avais-je insisté.
Ils ont récupéré les bagages de quatre personnes et me les ont donnés à transporter. Ils ont dit qu’il y a leur chef à Kolan qu’on devait y aller à pied en passant par la brousse. En cours de route ils m’ont déshabillé. Vers 17h, il a plu. On ne pouvait plus continuer parce qu’ils ne maîtrisaient pas le chemin ; c’est ce qui m’avait sauvé. Ils m’ont demandé de retourner à TaloBengo, un petit village du Liberia pour y passer la nuit et continuer le lendemain. Nous étions 6 personnes dont 5 rebelles. Arrivé au village, j’ai préparé tout le mangé. Dans ce village, tout était à terre ; excepté un seul Hangar, sous lequel on était. Vers 22 heures, leur patron a élaboré le plan de surveillance et a fixé les heures de chacun. On m’a dit de me coucher, ils ont pris la porte », relate Sâa Papa Kamano.
Comment avez-vous échappé ?
‘’ On est resté là-bas, tout le monde a dormi. J’ai remué les brèches de feu, personne n’a fait un mouvement. J’ai fait de la pagaille un peu toujours pas de mouvement. C’est comme ça que je me suis éclipsé. Ils avaient dégainé derrière moi quand ils se sont rendus compte. A Guéckedou, certains disaient qu’un nouveau combat a commencé ; mais Dieu m’a sauvé. Le matin, dès qu’ils ont fini de déjeuner, ils sont partis en laissant le reste. J’avais faim, je suis sorti après eux, j’ai mangé. En ce moment le chef avait quitté le camp avec des militaires et des volontaires pour venir à ma recherche au fleuve. D’un coup j’ai entendu les voix de mes amis. Arrivé au pont à Makona, je me suis caché pour ne pas sortir brusquement devant eux et qu’ils me confondent à un rebelle. J’ai donné le signal, mes collègues ont répondu. C’est comme ça que je me suis jeté au fleuve, puisqu’il n’y avait pas de pirogue ; ils avaient tout détruit. Je suis retourné en Guinée. J’ai porté la tenue qui était avec mes amis, et le chef est venu me chercher au P.A pour continuer avec moi. Il a demandé de montrer le secret des rebelles. Je leur ai dit que je ne connaissais pas leurs secrets, moi je me battais pour fuir. J’ai passé deux jours au camp, mes pieds étaient enflés ’’ explique le rescapé.
Sâa Papa Kamano porte les cicatrices des balles qu’il avait reçues à la poitrine lorsqu’il était à la frontière.
« Un jour, j’étais assis, ils ont tiré sur moi, la balle m’a atteint et est sortie par derrière mais je ne suis pas tombé parce que je suis protégé. Ce jour-là, les rebelles étaient venus en grand nombre à Kounouma pour chercher à manger. Nous les avons repoussés à Foya, leur contrée », se rappelle Saa Papa Kamano.
De retour de Guéckédou et Yende Millimou,
SAKOUVOGUI Paul Foromo
Correspondant Régional d’Africaguinee.com
A Nzérékoré.
Tél : (00224) 628 80 17 43
Créé le 31 août 2024 10:13Nous vous proposons aussi
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