Sur les traces de Sékouba Fatako : De la gloire à l’instant de la mort, son manager Alpha Dansoko se confie…
CONAKRY-Après Labé et le reste du Fuuta qu’il avait conquis, à Conakry, Sékouba Fatako a fait ses premiers pas à travers les soirées « Hirdé Jamaa » ‘’ veillées populaires » dans les maisons des jeunes aux côtés d’autres artistes de la musique pastorale. Ils ont été le début d’une ascension qui lui ont permis de conquérir le monde. Alpha Oumar Dansoko est celui qui a tumultueusement fait rayonner le Messi de Soukono sur le plan national et international. Une amitié entre jeune et grand frère qui a été tumultueuse mais aboutie. Un moment, Alpha Dansoko était en train de tout faire pour mettre le troubadour moderne sur des contrats importants et juteux; l’artiste ne trouve pas mieux que de l’abandonner pour faire cavalier seul. L’album Saya yaata Yetolan devait être cuisiné en Côte-D’Ivoire sous le label de Super Sélection. En pleine répétition à Conakry, Sékouba déserte et rentre à Labé rendant l’équipe de musiciens orpheline, plongée dans le désarroi et condamnant Alpha Dansoko au remboursement des frais.
Après cet épisode, Justin Morel Junior s’engage et réussit à produire le premier Album de Sékouba Fatako pour un contrat à l’époque de 4,800 000 gnf (quatre millions huit cent milles). Un montant largement supérieur à la moyenne parce qu’à cette époque dans les années 90 les artistes débutant se faisaient produire à 500, 800, ou 1.200.000 gnf au maximum surtout qu’en ce moment se trouver un producteur n’était pas aisé. Des talents purs erraient partout dans Conakry à la recherche d’un producteur sans jamais le trouver. Donc ils cèdent à vil prix au premier venu. Autre confidence, un jour, Dansoko négocie un contrat aux USA pour Fatako et obtient même le visa. Au moment où le voyage se préparait sérieusement, le manager apprend que son artiste a atterri au pays de l’oncle SAM au compte d’une autre structure. Rien de tout cela n’avait ébranlé Alpha Oumar Dansoko.
La carrière de Sékouba a aussi été la cause d’une grave fracture entre Alpha Dansoko et Adama Baldé Gordon pour la venue de Sekouba à Conakry. Il a fallu onze jours de médiation des doyens de Fatako pour les faire entendre raison.
Les cinq Albums de Sékouba sur le marché, les compils auxquels il a pris part, les tumultes, de la maladie de l’artiste à son décès Alpha Dansoko n’a bougé d’un iota . Au dernier instants de sa vie, lorsque les signes de la mort sont apparus en lui , Sékouba avait fait des confidences pathétiques à son jeune frère Dansoko qui les confie en exclusivité à africaguinee.com.
C’est après des brouilles avec Gordon à Labé que j’ai fait venir Sekouba à Conakry
En 1995 quand Fatako a fini d’avoir la main mise sur le Fuuta, il fallait le faire partir à Conakry. Un processus tendu. Je suis allé à Labé, une incompréhension éclate au grand jour entre Gordon et moi. J’étais obligé de faire onze jours entre Labé et Fatako. Les sages ont tranché, ils nous ont dit que l’objectif c’est d’aider l’artiste. Je suis rentré à Conakry, Sékouba est venu après, je l’avais logé à Sangoyah.
La première soirée en cachette de Sékouba avec Gordon à Conakry
J’avais déjà trouvé des associés pour sa première sortie sur scène. Sékouba se cache de moi la nuit pour aller organiser une soirée avec Gordon à Cantine. J’étais à la maison quand les associés y ont débarqué dans une colère noire. Ils me reprochent d’avoir unilatéralement envoyé Sékouba sur scène. J’ai juré n’avoir rien organisé aucune soirée. Immédiatement on s’est dirigé à Cantine.
J’avais deux inquiétudes cette nuit là
J’avais deux inquiétudes cette nuit-là. La première, c’était comment entrer avec mes associés pour leur prouver et rassurer que je n’étais pas complice de l’artiste.
Deuxième inquiétude, c’était comment faire sans perturber sa première soirée d’autant plus qu’il y avait un monde fou comme si c’était une soirée préalablement préparée. Je ne voulais vraiment pas qu’il fasse une sortie ratée surtout qu’il était assez sollicité. Je tenais à ce qu’il réussisse sa sortie surtout que les gens le réclamaient beaucoup. C’était son premier contact avec son public à Conakry, j’avais peur que les gens ne soient déçus de lui .
Au regard de la situation sur le terrain, j’ai demandé de nous laisser entrer pour parler à Sekouba après on allait sortir et le laisser jouer parce qu’il a réuni du monde.
A la porte on nous empêche d’entrer. Moi j’ai forcé dans l’espoir que Sékouba va venir pour qu’on parle puis il continue et le matin on allait se parler davantage afin de trouver une solution.
Je trouve l’artiste pour lui parler impossible. Je lui dis: sortons pour parler avec les autres pendant 5 minutes et puis tu reviens jouer. Sékouba n’a pas eu le temps de me répondre, c’est son apprenti Saidou qui s’était adressé à moi dans un ton dur avec des propos amers « ne nous embêtez pas, nous sommes en train de jouer ». Je réalise que je ne pouvais rien dans la salle.
Les tensions ont commencé à monter partout dedans tout comme dehors
J’ai compris que laisser la situation comme ça, était mieux pour minimiser les risques de violence qui étaient déjà palpables. J’ai demandé à un militaire de trouver les moyens pour venir gérer les lieux afin de prévenir d’éventuelles bagarres sur les lieux, et ce n’était pas bien.
Ce militaire était un commandant en service au camp Alpha Yaya Diallo. Il prend sa jeep et se fait accompagner par une trentaine de soldats dans un camion. Il vient avec ses hommes dans l’intention de maîtriser le public et jouer à la dissuasion.
Lui et ses hommes foncent tous dans la salle. Ils trouvent Sékouba Fatako sur scène. Ce que je regrette, un agent avait giflé l’artiste. Une chose que je regrette toujours.
Le commandant ordonne d’interpeller Sékouba avec tous ceux qui sont dans la salle
Finalement j’étais dépassé par ce que le commandant était en train de faire sous l’effet de l’alcool. Il instruit ses hommes d’embarquer tout le monde dans le camion qu’ils soient artistes ou non. La débandade commence ; Saidou qui m’avait mal parlé abandonne son maître et grimpe le mur pour fuir.
Finalement ils laissent les autres et mettent Sékouba dans le camion bougent. Je rattrape le véhicule du commandant.
On gare au bord de la route, je lui dis: je vous ai appelé pour mettre de l’ordre et non pour interpeller quelqu’un. Je lui dis également que Sékouba est mon gars, je l’ai fait venir du Fuuta, donc ne pas l’amener au camp.
Le commandant me dit mon frère même si tout le monde vient plaider, cet artiste arrivera au camp. Jamais il ne réunira un public sans aucun dispositif de sécurité. Cet artiste pense qu’il peut rééditer la pagaille du village ici ? Non. Ici c’est la capitale, il va regretter son acte. Finalement j’ai payé 150.000gnf pour qu’il laisse mon artiste.
Il est libéré, on lui dit va jouer, il dit: je ne jouerai plus
Mon frère Sékouba avait trop peur (rire ironique, NDLR). Le commandant insiste: va jouer. Il dit je ne peux plus jouer (éclats de rire, NDLR). Finalement ce fiasco est resté entre nous. On se moquait de lui à tout moment par après. A chaque fois qu’on se retrouvait on disait qu’on allait appeler le commandant. Je me rappelle, je l’avais ramené dans la salle afin qu’il joue parce que le public était resté. Il dit non, d’ailleurs on ne l’avait pas amené loin des lieux. Je pense qu’après il avait joué mais pas avec la motivation de départ. Je suis rentré chez moi.
Le lendemain j’ai appelé mes associés pour les désintéresser
Habiboulaye et Mamadou Aliou étaient mes associés. Ils m’avaient dit que le financement pour organiser les soirées de Sékouba à Conakry c’était 300 milles et quelques. Je me suis engagé à rembourser les montants, je dis que j’ai participé au financement et c’est à mes frais que je suis allé le chercher à Labé. J’oublie tout pour vous rembourser, pourtant c’est vous qui êtes venus pour me demander de vous associer.
Je retrouve Sékouba pour lui signifier qu’il est libre de tout engagement. De ma part je me décharge de tout envers lui
Après tout ce qui s’est passé, libre à toi de faire ce que tu veux. Ton cas ne m’intéresse plus. On met fin à tout ici. Désormais tu es ton propre maître ici à Conakry. Il n’a pas accepté, il a trouvé des médiateurs partout, ils sont venus à la maison, il s’est excusé par rapport à tout ce qui s’est passé entre nous et les préjudices causés. On s’est pardonnés, nous sommes restés quelques jours. Finalement il est rentré à Labé pour retrouver son public d’abord.
Le message de Sékouba pour faire part de son souhait de revenir à Conakry
Après des mois à Labé, il m’a envoyé un message par personne interposée pour me dire qu’il veut revenir à Conakry travailler avec moi. Je dis qu’il peut venir mais sa carrière ne m’intéresse plus, il était venu, il s’était mis à me talonner sans cesse. J’ai fini par accepter d’organiser une soirée pour lui à la maison des jeunes de Matam ; une soirée qui avait connu tout le succès. La permanence était pleine, la cour aussi, un succès vraiment éclatant. Les ressortissants du Fuuta s’étaient massivement mobilisés pour la soirée. Un événement extraordinaire. A partir de là, les échos de Sékouba ont retenti partout à Conakry.
A cause des échos autour de Sékouba, l’équipe de SUPER SÉLECTION est venue me voir
Pendant des jours, la soirée de Sékouba faisait l’objet de commentaires partout dans Conakry. Le patron de Super Sélection Diouldé Sall est venu me voir mais avant de me voir, il avait envoyé des émissaires voir Sékouba qui a décliné cette fois. Il dit de venir me voir. Aucune décision ne lui revenait. (Ironie NDLR) il a pensé peut-être que les militaires vont venir encore comme à Cantine (éclats de rire) trouillard qu’il était (rires). Ils sont venus me voir pour avoir une soirée avec Sékouba. J’ai donné mon accord, il est parti jouer à Matoto, à la Tannerie près de la mairie. Il a fait carton plein, le public a encore répondu.
Je me rappelle même avant la soirée à Matoto, Maz Diallo et petit Yéro sont venus me voir afin que petit Yero preste
Les deux sont venus ; Mamoudou Maz (actuel manager de Binta Laly NDLR) accompagné de Petit Yéro et m’ont dit : frère, nous voulons que tu acceptes que mon ami Petit Yéro preste à la soirée de ton artiste pour 2 ou 3 morceaux. Sékouba était catégoriquement opposé, je lui ai dit de laisser tomber « quand tu as l’opportunité de donner la chance à quelqu’un d’évoluer, il faut le faire ». Nous avons accepté. Petit Yéro est venu le jour de la soirée. Je me rappelle comme si c’était hier. Il portait son accordéon. Il était accompagné de trois danseuses qui portaient des t-shirts blancs et du léppi avec des tresses du FUUTA. Il en a profité pour impressionner à son tour. Il voulait de la visibilité. Là aussi Sékouba a fait le nécessaire comme le public s’attendait.
C’est après que nous avons décidé d’organiser « Hirde Jaama » (veillées populaires)
Je pense que le début était bien parti, à la satisfaction de tous. Maintenant les gens sont venus me demander d’organiser les Hirdés Jamaa, Sékouba en toile de fond avec les autres artistes de la musique pastorale. Nous avons créé une commission d’organisation au sein de laquelle j’étais membre, Habib Diallo de la jeunesse, Amadou Sow, le conteur peulh, Maz Diallo, Bah Pita et beaucoup d’autres. C’était une grande équipe. Bref, chacun avait profité, selon son talent. Binta Laly, la doyenne et les autres, chacun venait donner sa contribution. C’est là que LEGA BAH a eu l’occasion de monter pour la première fois sur scène à Conakry. Sinon elle était bien connue à Labé et dans les cérémonies de mariage. À son arrivée à Conakry, il fallait lui donner la chance comme tous les autres. Elle jouait à chaque fois finalement, elle était en compagnie de Farba Lélouma
Les vedettes de ces Hirdés Jamaa, c’était Sékouba, Djely Sayon, Binta Laly
Les jeunes talents venaient jouer. Vers la fin, les vedettes montaient sur scène. Sekouba, DJELY SAYON, Binta Laly et finalement Petit Yero étaient parmi les vedettes. Sa prestation à la soirée de Sekouba à Matoto avait vraiment porté fruit pour lui. Une partie de son ascension est venue de là. Amadou accordéon était aussi du lot des vedettes.
Diouldé Sall de super sélection propose de faire le premier album de Sékouba.
Diouldé Sall qui était dans la production des artistes a vu que Sékouba Fatako valait plus que de l’Or, le produire fera un véritable succès. Je parle avec Sékouba, il était d’accord. Le cachet proposé par Super Sélection était de 2 millions. Au même moment Djeli Sayon sorti avant Sékouba avait eu un contrat de 500 milles pour son tout premier Album intitulé « avancez ». Petit Yéro avait perçu 800 milles pour Mowlanan. Le premier contact avec un producteur pour Sékouba, on lui propose 2 millions de francs guinéens, c’était beaucoup d’argent avant l’an 2000 parce que 100 dollars ne valaient pas 100 milles francs guinéens.
L’autre chance de Sékouba, les producteurs venaient vers lui pour se proposer d’être son producteur. A cette époque, beaucoup d’artistes roulaient longtemps avec leurs maquettes à la recherche d’un producteur sans en trouver. J’ai encore ce premier contrat de Sékouba dans mes affaires ici.
Le contrat ficelé, à la veille du départ pour enregistrer l’Album à Abidjan, Mon artiste disparaît
Nous avons longuement négocié avec le producteur pour nous entendre avec tous les frais derrière l’album. Kémo Kouyaté était le chef d’équipe des répétiteurs, tous les musiciens étaient réunis (guitaristes, percussionnistes, flûtistes) et tout ce qui va avec. Le travail a été bouclé. Chacun a reçu de l’avance y compris Sékouba. Le travail a été fait pendant des semaines ; tout était prêt. Nous étions sur les derniers préparatifs pour le voyage à Abidjan afin d’enregistrer l’album. Un programme a été établi ; Sékouba disparaît tout doucement pour rentrer à Labé. Il ne m’a pas informé encore moins son producteur Diouldé Sall de Super Sélection. Tous les musiciens viennent me voir pour demander un remboursement de leur travail dans l’album. Diouldé Sall m’a dit qu’il peut oublier ce qu’il a financé, mais le reliquat des musiciens qui ont participé aux préparatifs de l’Album, là il ne prend pas du tout en charge. J’étais obligé de payer les musiciens alors que Sékouba est parti. J’apprends par la suite qu’il est à Labé, il n’y avait presque pas de téléphone pour être en contact avec quelqu’un. J’étais très affecté par cet autre acte de mon artiste, j’ai décidé de ne plus parler de lui. Un silence est resté entre nous. Je suis à Conakry, Fatako était à Labé.
Entre temps Justin Morel demande des nouvelles de Sékouba après avoir produit DJELY SAYON
J’étais en train de me remettre peu à peu du choc créé par Sékouba lors de son premier contrat avec Super Sélection. Justin Morel avait aussi entendu les échos de Sékouba. J’ai un journal ici dans lequel Morel a rendu hommage à Sékouba lors de son décès. Il m’a parlé de moi. Morel est entré en contact avec Sékouba par le biais de Ousmane Télémélé Bah, technicien à la radio rurale de Labé. C’était au moment de gloire de Sidiki Samaké également de la radio rurale de Labé et de tous les autres. Ils ont parlé avec Sékouba Fatako du projet, cherchant à se réconcilier avec moi en vain. Il dit qu’il faut passer par moi pour signer le contrat de production. Donc les émissaires de Justin Morel sont venus me voir. J’avais peur que Sékouba ne me joue un autre tour plus vilain que le premier. J’ai dit à l’équipe de Morel que je ne suis pas d’accord. Une négociation a été entamée pour me rapprocher de Sékouba, je n’ai pas accepté. Un moment Ousmane Télimélé a quitté Labé pour venir me voir. On m’a recherché ; on s’était retrouvé à l’actuel centre commercial Centre Fatako. C’est une cafétéria qui était là. On s’est retrouvé dans cette cafétéria. Ousmane Télimélé m’a expliqué le programme au nom de Justin Morel, je lui dis que je ne suis pas intéressé du tout ; le cas de Sékouba Fatako, je suis définitivement sorti. Je revois Ousmane, encore avec ses cheveux lisses. Il me dit que c’est à cause de moi qu’il s’était déplacé de Labé à Conakry pour me parler. Si je refuse, le projet n’aurait pas lieu. Pour m’engager Ousmane a dit ceci : « je te donne une garantie, il faut participer ; mais au cas où Sékouba va jouer des tours comme il a fait avec les autres, tu ne seras responsable de rien, Sékouba sera le seul comptable de la situation, je n’aurais rien à te reprocher ». Mon soutien à Sékouba, ce n’était pas pour avoir quelque chose avec lui, j’avais mes affaires. Je voulais juste, étant un grand-frère à moi que je connais talentueux je tenais vraiment à ce qu’il ait son album sur le marché, mais il ne voyait pas l’ouverture qu’il y avait derrière un Album. Lui ce n’était pas son problème comme il était à Labé, il gagnait beaucoup d’argent à chaque soirée, sa vision se limitait là. C’est comme ça que j’ai accepté.
J’ai demandé à Sékouba de revenir à Conakry, il était surpris de mon retour vers lui
C’était à un moment où il ne s’attendait pas du tout que je lui avais demandé de revenir à Conakry. Il avait perdu tout espoir de réconciliation avec moi. J’étais là avec Younoussa Dansoko qui m’avait même mis en contact avec Ousmane Télimélé. Younoussa Dansoko, Ousmane Télimélé, Sékouba et moi sommes partis ensemble chez Justin Morel Junior. Nous avons signé le contrat du premier Album intitulé ‘’Sa Yaata Yeetolan’’ (Si tu ne viens pas dis-moi) avec Justin Morel Junior. Je me rappelle qu’il y avait un arrangeur forestier qui était là. Il a eu le contrat pour arranger l’album. J’ai oublié son nom mais il est décédé. C’est comme ça que c’est parti.
Le coût du contrat de l’Album ‘’Sa Yaata Yeetolan’’ était 4 800 000gnf en 1997
On avait juste fixé le contrat de l’album et non pas un contrat dans la durée. Seulement pour l’album, nous avons gagné 4 800 000gnf (quatre million huit cent mille francs guinéens), après l’album l’artiste était libre de faire des concerts et aller là où il voulait mais la production et la vente des cassettes étaient une propriété exclusive de Justin Morel. Tout ce qu’il gagnait lui revenait de plein droit. Contrairement au contrat dans la durée, où l’artiste est soumis à une tournée de concert au compte de la maison de production alors que l’artiste n’a plus rien après avoir empoché l’enveloppe de son contrat. Même dans les concerts, l’argent qu’on jette sur scène est partagé à part égale à moins que le producteur ne laisse pour l’artiste par pitié. Rassurez-vous que Sékouba avait accepté ces 4800 000 GNF contre son gré. Il n’en voulait pas du tout. Il avait fallu que je lui mette la pression pour qu’il accepte parce que je savais que derrière c’est une ouverture. Au même moment, des artistes acceptaient des contrats de 500.000 gnf ou 800 000 gnf et puis dans la durée. Sékouba avait dit un contrat de 2 à 3 ans, il ne pouvait pas, lui il a une famille, il doit se produire à son compte. Je pense qu’au même moment Doura Barry et Ibro Diabaté avaient eu des contrats auprès de Rougui Barry, mais moins juteux que celui de Sékouba.
Les avances de Syllart production avec ses 30 pages de contrat
Le premier album a fait beaucoup d’autres ouvertures. C’est suite à Si’a Yaata Yeetolan, que Syllart production est venu vers nous à travers un frère de Bambino du nom de Moussa Moise Diabaté. Ils sont allés d’abord voir Sékouba pour lui soumettre un contrat de 30 pages pour sa participation à l’album compil les leaders de Guinée. Sékouba éclate de rire, il estimait que seul Dieu savait ce qu’il y avait dans ce document « jamais de la vie, je n’avais vu un contrat pareil. Habituellement je ne vois qu’une page en guise de contrat » il dit allez voir Dansoko, il est seul à pouvoir décrypter ce qu’il y a dans ce document. Donc je ne suis pas dedans. Ils se sont rencontrés en France avec Sékouba Fatako. Comme il a rejeté le contrat. Moussa Moïse Diabaté est venu me voir en Guinée au compte de Syllart production. Je me rappelle que Diabaté était venu à CDS production, c’est là que je suis allé le rencontrer. Sékouba a pris part à leaders de Guinée avec les poids lourds de la musique guinéenne à cette époque (Kerfalla Kanté, Ibro Diabaté, Sekouba Bambino, Fodé Baro, Sekouba Fatako, Fodé Kouyaté et Amadou Sodia en 2001 NDLR).
Syllart production a aussi signé avec Sékouba pour son deuxième Album en Côte-d’Ivoire à 12 millions de francs guinéens en 1998
En 1998 Sékouba a signé le contrat pour son deuxième album à 12 millions. C’est en Côte-d’Ivoire qu’il avait été fait. Donc il était un peu en avance par rapport au compil « les leaders de Guinée » de 2001. Il était chanceux et avait les gens. « Ça me fait rire quand j’entends des gens dire que Habib a dépassé son père ». C’est des fans qui qui le disent, des jeunes aussi. Si vous connaissiez la vieille génération jusqu’à récemment, vous comprendrez que le troubadour moderne n’était pas n’importe qui dans la musique guinéenne.
Le 3ème Album ‘’SABOU’’ de Sékouba par CDS production et son accident grave, donné pour mort, puis une réapparition surprise
A la fin de l’enregistrement, il a fait un accident. Cela avait énormément retardé la sortie de l’album. Les gens faisaient beaucoup de commentaires. Les uns disaient qu’il était sur le point de mourir, d’autres disaient qu’il était paralysé à vie. Il est resté silencieux dans son coin en recevant ses soins, il ne sortait pas du tout. Il avait suivi ses soins jusqu’au bout. Tout le monde demandait de ses nouvelles en vain. Même les sorties il s’en méfiait. Il fait une apparition surprise le 16 octobre 2001. C’était à mon domicile lors du baptême d’une de mes filles à Conakry, cette fille a fini ses études universitaires cette année à Dakar. Ce jour, Sékouba est venue avec Fatou Linsan et Alphadio Dara. Il était tellement content, il a demandé à chanter au baptême, les gens voulaient voir l’artiste, il avait failli perturber le programme du baptême. Il entonne une chanson, et fait vibrer tout le monde comme il savait le faire. C’est après que nous avons fait la dédicace de l’album au palais du peuple.
Est-ce que c’est lors de cette dédicace qu’il y avait eu deux morts largement évoqués par les médias internationaux ?
Oui c’était au lendemain de la fête de tabaski au palais du peuple ; les gens avaient vraiment répondu à l’évènement. RFI et BBC en ont parlé. L’Album Sabou a confirmé le succès de Sékouba et son entrée dans la cour des grands. Il a connu des tournées grandioses sur le continent Africain, en Europe et en Amérique. L’un de ses albums a été enregistré en France.
Comment avez-vous également coordonné ses tournées notamment européennes et américaines ?
Syllart qui avait signé un contrat avec Sékouba devrait l’envoyer en France. Entre-temps, une de ses sœurs nommée Néené Kadé Fatako qui vit aux Etats Unis a ouvert les portes pour que Sékouba aille faire une tournée. Elle m’avait fait part de son souhait de faire partir l’artiste. J’étais content, j’ai dit à la sœur, tout ce qui arrange un artiste ce n’est pas de l’inviter seulement, ce qui arrange les artistes, c’est de signer un contrat avec eux. Déjà ils ont un cachet. Elle est d’accord, je demande à Sékouba, il fixe le montant de son cachet pour aller aux USA. Elle avait donné l’avance qu’il avait demandée. Néené Kadé envoie la lettre d’invitation, l’ambassade lui donne un visa de long séjour. Je leur avais demandé elle et son équipe de préparer le voyage de Sékouba. Nous étions sur les derniers réglages Sékouba nous contourne et fait autre chose.
Sékouba va aux USA au compte d’autres personnes qui ne sont pas de l’équipe de Néné Kadé
J’étais là tranquillement avec Sékouba pour son voyage, il se cache de moi pour aller aux Etats-Unis (éclats de rire) pour un autre programme qui n’était pas le nôtre. Il est parti aux Etats Unis puis au Canada. J’avais tout préparé pour son voyage au compte de Néné Kadé ; tous les frais avaient été payés. Entre-temps, d’autres personnes ont soufflé dans ses oreilles pour lui dire que Néné kadé n’était pas en mesure de faire une bonne organisation pour lui. La personne qui avait tout payé, Sékouba s’engage avec les autres pour partir aux Etats Unis. Des gens se sont fait passer pour des professionnels avec des promesses. Il s’en va. Ces gens n’avaient envoyé que le billet parce que le visa il l’avait déjà. Il se cache pour partir.
L’appel de Néené Kadé qui me donne la chair de poule
J’étais à Madina précisément à Avaria vers 16H 17. Je n’oublierai jamais ce jour. Je reçois l’appel de la dame qui demande où j’étais. Au début des années 2000 jusqu’en 2006, ceux qui avaient un téléphone portable étaient peu. Il n’y avait que des appels directs aussi. Au bout du fil, Néné Kadé me dit que Sékouba est arrivé aux USA. Je dis non avant-hier j’étais avec lui. J’attendais à ce qu’il me donne son jour de départ. La dame me dit alors rassure-toi qu’il est déjà là, renseigne-toi mon frère. J’étais vraiment très surpris, je demande aux gens, on me dit effectivement ton grand-frère a voyagé. Finalement je ris comme d’habitude. Je dis il va revenir me dire comme toujours mon jeune frère ne te fâche pas, tout ce qui arrive dans la vie c’est la volonté de Dieu. Il me le disait souvent. De toute façon je suis à toi, sans toi je ne suis rien. J’accepte et on passe à autre chose. Pour cet acte il avait fait un morceau « où il avait chanté Néné Kadé Fatako, il a présenté des excuses à la dame pour le non-respect de l’engagement ». Non Sékouba était un homme chanceux, ouvert, aimé, adulé mais insaisissable (éclats de rire). C’était à la fois mon grand d’un côté et mon petit de l’autre. Il me disait qu’avoir Alpha Dansoko à ses côtés, c’est être protégé à vie ; tout ce que je faisais, il était là pour moi.
Albums de Sékouba
Le troubadour moderne est titulaire de cinq Albums (Sa Yaata Yeetolan 1997 ; Guidho Bheydho 1998-1999, Sabou 2002, Guidho Dyama 2005, 100%GUIGGOL vers 2010 dans lequel il avait remixé LOUGGATA). Il avait aussi fait un featuring avec Bambino dans le même album. En 2001 il a participé à l’album leaders de Guinée. Suivi de beaucoup de tournées dans les pays africains, européens et aux USA où vit une forte communauté guinéenne.
En dépit de tous les soucis entre nous, il m’est resté fidèle.
Sékouba m’a écouté jusqu’au dernier souffle de sa vie. Je me rappelle l’album Guidho bheydho, quand il le préparait, il composait, il chantait, moi j’écrivais le texte pour lui tellement que nous étions proches. Les gens s’attendaient à notre divorce au regard de certains de ses agissements mais je restais moi-même pour lui montrer qu’il peut toujours compter sur moi. La qualité qu’il a incarnée vraiment, il était un excellent économiste propre à lui-même quand il s’agissait de gérer son argent et investir. Il rêvait toujours de laisser un héritage digne de ce nom à ses enfants. Il avait réussi ce pari.
Les derniers instants de vie de Sékouba Fatako et ses confidences
Sa maladie s’est manifestée à Fatako. Avant il se plaignait mais rien de grave n’avait été détecté. Nous étions tous là pour passer la fête de tabaski. Tout se passait bien à l’image de Donkin au village. Sékouba a fait un malaise alors qu’il devait faire un spectacle le jour de la fête pour le village. Peu avant, il est tombé mais il s’est levé de lui-même. J’ai échangé avec lui, je me suis rendu compte qu’il était nécessaire de le ramener à Conakry pour des soins. Mon chauffeur l’a envoyé, moi, je suis resté au village. J’ai fait le suivi après. Il avait été hospitalisé à la minière, dans une clinique en face de chez parisien.
Il était content de me voir à son chevet, il m’annonce les signes de la mort….
A mon arrivée il était très content. Je me rappelle qu’il y avait 3 personnes dans la salle d’hospitalisation. Il a demandé à ce que ces personnes nous excusent pour un petit moment. Sékouba Fatako dit ; « Alpha ! que ça soit aujourd’hui ou demain, je ne m’en sortirai pas. La fin des jours est arrivée. Les signes de la mort sont là. Ce n’est pas intéressant tout ça, c’est le caractère de la vie. Ce qui est important, je te confie ma famille, les enfants ». Rien ne t’arrivera mon frère avais-je répondu. Sékouba verse des larmes quelques secondes. Il reprend la force et ajoute ceci : « je sortirai de cette hospitalisation-là certes, mais la maladie là aura raison de moi ». Je n’ai plus trouvé de mots. Effectivement il est sorti de cette hospitalisation je pense bien c’était en 2010. Il meurt en juillet 2011 dans sa famille à Labé. La mort de Sékouba attriste mon âme jusqu’à présent. Chaque fois j’y pense. C’est un grand frère de loin. Il m’a aimé comme ça en tant que petit. Je l’ai aimé aussi comme grand et il m’a considéré comme son guide. Il est né en 1961, moi je suis de 1968 ; pour vous dire l’écart d’âge est là. Il m’a respecté en dépit de tout ; quel que soit les difficultés, une fois que je parle il s’aligne. Vous me demandez de parler de Sékouba aussi longtemps que ça va durer je ne finirai pas notre histoire.
Aujourd’hui Dieu merci Habib est sur le chemin. Grâce à lui nous n’oublierons pas Sékouba. Les liens restent maintenus avec la famille.
Témoignages recueillis par
Alpha Ousmane Bah
Pour africaguinee.com
Tel. (+224) 664 93 45 45
Créé le 15 septembre 2024 12:33
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