Révélations-Agression rebelle, Conté : Mamadou Sylla « accable » Alpha Condé

Elhadj Mamadou Sylla

CONAKRY-Témoin de l'histoire politique contemporaine de la Guinée, Elhadj Mamadou Sylla, actuel chef de file de l'opposition a fait de nouvelles révélations. Dans cet extrait d'une longue interview qu'il nous a accordé, l'ancien président du patronat guinéen revient sur le rôle qu'il avait joué au début des années 2000 dans la mise en déroute des incursions rebelles.

Des contrats d'armement à la fourniture des véhicules pour l'armée, l'actuel opposant fait un grand déballage. Ce n'est pas tout. Il lève aussi un coin du voile sur la présidentielle de 2010 et des promesses que le président Alpha Condé lui avait faites, mais qui, selon lui, n'ont jamais vu jour. Le leader de l'Union Démocratique de Guinée qualifie le chef de l'Etat de "rancunier" qui n'aime pas Lansana Conté et tous ses anciens collaborateurs. Extraits. 

 

AFRICAGUINEE.COM : Parlez-nous du rôle que vous aviez eu à jouer pendant les agréssions rebelles en 2000 ?  

MAMADOU SYLLA : Les guinéens oublient vite, sinon à plusieurs reprises j'ai agi pour le bien du pays quand il a eu besoin de moi. Lorsqu'il y a eu la crise de l'électricité ici, mon groupe a financé 18 millions de dollars. Je sais comment on me rembourse. C'est la facture que je consomme, on tire dans ça. Sur une dette de combien de milliards ? Comment on va éponger cette créance ? Mais je ne dis rien, personne ne m'entend parler. Il y a beaucoup de dossiers comme ça, comme celui des attaques rebelles. Je sais pourquoi on ne me paie pas.

Il faut que le dise quand même : tous mes amis qui sont à côté du Président Alpha aujourd'hui, tous ceux qui étaient hier avec le Général Conté, qui ont travaillé avec lui, qui étaient des parents ou des amis proches tels que nous, le président Alpha ne les aime pas. Il est très rancunier. Je le lui ai dit de vive voix. Je lui ai dit : "excuse-moi grand-frère, tu es trop rancunier". C'est dans d'autres dossiers que je le lui ai dit. Et à chaque fois, je le rappelle. Je lui ai demandé d'oublier. Mais tout ce qui s'est passé entre lui et Conté, les hommes qu'il a pris et qui sont avec lui aujourd'hui, c'est qu'il a besoin d'eux, il les utilise. Mais il n'aime pas Conté, il ne va pas nous aimer. Je suis le numéro dans ça.

Quand j'ai financé pour contrer les incursions rebelles des années 2000, lui-même il a dit à la télé : parce que le président Conté a refusé d'aller par les urnes, il a voulu le faire partir par les armes. Il l'a dit ici. A l'époque, tous les autres hommes d'affaires avaient refusé de financer l'Etat. Moi j'ai financé, c'est pourquoi il ne veut pas payer mon argent. C'est très simple. Sinon, on ne peut faire un audit international sur un titre d'Etat signé par le gouverneur de la Banque centrale d'alors et qu'on puisse dire dans ça, on ne paie pas.

Aujourd'hui, les gens qui ont travaillé avec Conté, il va les utiliser, mais il ne va jamais les aimer. J'ai dit ça à ceux qui travaillent avec lui, qui sont amis de Conté. Ils savent qu'on est tous frappé par ce fouet-là. Y compris Kassory. A un moment donné après les élections de 2010, il avait coupé le pont avec lui (…). Mais même aujourd'hui, en tant que Premier ministre, tout plan qu'il met sur place, qui est bien, on le sabote, on le malmène. Ce sont des choses que les gens doivent savoir et qui sont très importantes.

Mais encore une fois, mon dû même s'ils ont refusé de payer ça, je n'ai jamais quémandé quelqu'un, ils n'ont pas entendu que j'ai pris des créances avec quelqu'un. Hier j'étais à mon étage, aujourd'hui encore j'y suis. Grâce à Dieu, je continue de vivre encore.

Dites-nous comment aviez-vous financé la riposte contre les incursions rebelles ?

J'avais de relations à l'extérieur. J'entends des gens dire que j'ai travaillé pour quelqu'un, mais bon je considère que c'est de l'ignorance de leur part. Je ne leur réponds pas. Moi, il y a deux choses qui m'importent : Dieu m'a donné ça, je le remercie. Avant de quitter chez mon père, j'avais déjà construit ma villa, tout fini, j'étais encore célibataire. J'étais dans les mines de diamant avec mon père. J'avais fait la connaissance avec le Président Damaro (actuel président de l'Assemblée nationale), à partir de là-bas, à Kérouané, Banankoro. Les gens ne savaient rien de moi.

Mon père a eu beaucoup d'argent à l'époque à Banankoro, il acheté des maisons ici. J'ai quitté chez lui pour rentrer dans ma maison avant de me marier. Je le dis ici : si ce n'est pas pour mon père, je n'ai jamais travaillé pour un individu. Donc, après chez mon père, j'ai commencé à faire des affaires. Que cela soit clair et net pour tout le monde.

Revenant sur mes relations, il y avait des diamantaires belges qui venaient acheter des diamants en Guinée (…). Alors ce sont mes relations avec ces blancs qui venaient acheter les diamants au niveau des comptoirs guinéens, qui ont fait, par concours de circonstances, je me retrouvé dans des affaires d'importation de véhicules. Sinon, je n'étais même pas dans le commerce de véhicules et d'armements militaires. On m'a appelé. Mon témoin est là : c'est l'ancien ministre des Finances Cheick Camara. En 2000, quand ils sont venus, il m'a appelé pour me dire que le Président Conté veut me voir avec la fille d'Amar Taleb qui était le concessionnaire de la marque Toyota. Le Président prenait tous les véhicules de l'Etat avec lui, mais il n'avait pas accepté de financer.  

Donc, c'est comme ça que je suis rentré dans cette affaire de véhicules. Le président Conté m'a dit : "est-ce que tu peux nous aider ? ". La première commande, je l'ai fait venir sans contrat. Cheick Camara est là, il n'a qu'à me démentir. C'était tellement chaud, les rebelles étaient aux portes de Pamelap. Nos militaires n'avaient pas de véhicules tout terrain pour aller combattre les rebelles. Ils n'avaient pas d'armes, ils n'avaient de munitions. En ce moment, je faisais même des munitions de fusils de chasse. Voilà la situation comment je me suis retrouvé dans cette affaire de véhicules.

Je connaissais Conté avec mes parents quand il était au camp à Boké. C'est lui qui m'a appelé quand on lui a dit que le fils de son marabout (mon père) est là, il fait des affaires. C'est comme ça qu'on a fait connaissance. Il m'avait même fait une anecdote pour me dire que c'est chez nous qu'il mangeait.  Donc, c'est comme que je suis engagé. Lorsque je leur ai dit de me donner un contrat, Cheick m'a dit : "écoute, c'est tellement urgent, je prends la garantie, va chercher les véhicules, le moment venu je signerais ma part".

Le même soir, j’ai trouvé un avion et je me suis embarqué directement pour Dubaï (…), arrivé là-bas j’ai commencé à prendre contact avec les gens qui n’ont pas hésité puisqu’ils ont dit que si c’est avec l’Etat, la fourniture ne ferait pas défaut. J’avoue que jusqu’à maintenant, bien que j’ai payé assez d’argent, je reste devoir à certains fournisseurs.

Quand j’apprends par des gens que le président Alpha Condé faisait des affaires ici à travers son jeune frère Malick Condé auquel on m’associe. Ils vont d’ailleurs jusqu’à dire que je dois au Président une bagatelle de 56 milliards en faisant prospérer ses affaires ici lors qu'il était à Paris. Que ça soit clair : Moi je n’ai connu Alpha Condé que lors de la nomination de Lansana Kouyaté comme premier ministre, ça c’est après 2007. C'est récent. Lorsqu’on avance des choses, il faut donner des preuves. Je ne leur réponds pas. Ils sont trop petits.

Combien l’Etat vous reste-t-il devoir ?

Le contrat est là, tout est clair : on me doit 22 millions de dollars. Le président Alpha Condé a dit d’ailleurs qu’il ne paye pas parce qu’il y’a des armements de l'armée qui font partie. Mais pourquoi cela ? Tout simplement parce que ce sont des armements qui ont servi pour empêcher les rebelles de rentrer en Guinée et lui, il n’avait aucun intérêt dans ça. 

En 2010, je ne dis tout ce que j'ai fait, mais j'ai failli y laisser ma peau. S'il est honnête, il sait ce que j'ai fait pour lui. Puisque j’ai fait toute la campagne en compagnie du président Alpha Condé dans son véhicule en Basse-Guinée, qui était la clef de sa réussite. J'étais le parrain de la Basse Guinée qui devait basculer pour qu'il gagne. Des témoins sont encore là comme Kassory Fofana, et il y a eu des contrats signés entre nous. Tous les papiers qu'on a signés, j'ai encore les copies. L'engagement qu'il avait pris de me nommer président du secteur privé guinéen.

La première décision quand il a été élu, c’est de me dire qu’il désiste et qu’il n’est plus prêt à le faire. C’est la première fois d’ailleurs que je le dise. On ne peut pas tout dire. C'est pourquoi j’invite ceux qui défendent le président Alpha Condé à se ressaisir. Parce qu’ils ne savent pas qui est Alpha Condé alors que moi je le connais mieux, pour le temps que j'ai passé avec lui. Je ne voudrais pas rentrer dans tous les détails. Je n’ai donc pas affaire à des gens qui s’agitent juste pour gagner leur pain. Quand tu ne connais pas quelque chose, tu te tais. Sinon, tu risques de pousser certains à dire des choses qui ne feraient pas honneur à celui que tu défends.

A suivre…

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

Créé le 4 mai 2021 19:56

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