Rébellion, mutinerie de « 96 », soubresauts de 2007, cas d’Alpha Condé : les révélations d’un proche de Conté…

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CONAKRY-Par quelles stratégies l’ancien Président guinéen le général Lansana Conté a-t-il pu contrer l’agression rebelle en 2000 ? Comment a-t-il maitrisé la mutinerie de l’armée en 1996 ? Le général a-t-il donné l’ordre de tirer sur les manifestants en 2007 ? L’ancien ministre de l’agriculture, de l’élevage et des eaux et forêts qui a longtemps côtoyé le feu général Lansana Conté livre ses confidences. Dans cette première partie d’une interview grand-format qu’il nous a accordé, Jean Paul Sarr explique ce pan de l’histoire sociopolitique récente de la Guinée. Lisez…Exclusif !!!

Africaguinee.com : Monsieur le ministre bonjour ! Vous étiez très proche du Général Lansana Conté, dites-nous comment a-t-il pu contrer l’agression rebelle en 2000 ?

JEAN PAUL SARR : Ô c’est toute une page d’histoire. J’ai vu l’homme, le soldat malgré son état de santé, les radios (talkie-walkie, ndlr)  étaient devant lui, on l’appelle de Gueckedou, il prend la radio et demande à ce qu’on lui donne la position de l’adversaire, après il donne la tactique à adopter pour dompter l’ennemi. J’ai entendu des termes dans le jargon militaire que je n’avais jamais entendu auparavant. Dès qu’il dépose la radio avec Gueckedou, c’est Pamelap qui appelle, il fait la même chose. Tout s’est passé devant moi. Si on n’avait pas Lansana Conté en 2000, on ne serait pas là assied en train de parler. La rébellion se serait installée et aurait pris une bonne partie de la Guinée. Puisqu’à partir de Gueckedou, ils voulaient couper le pays en deux, pour qu’il y ait deux Etats.

Lansana Conté avec ses rangers, je l’ai accompagné à Soronkony. Le Général Sékouba Konaté était à l’époque aux rangers, c’est lui qui a conduit la résistance au niveau de l’armée guinéenne. On a fait un conseil des ministres extraordinaire quand l’ONU a demandé d’envoyer des soldats. Le Président a refusé. Il leur a dit de lui envoyer les armes, qu’il dispose d’une armée combattante et non une armée d’opérette. Parce qu’il savait si les casques bleus arrivent, c’est pour mettre la merdre. Et la rébellion allait pouvoir s’installer. Il a refusé. En Conseil extraordinaire des ministres, on s’est réuni la nuit. Il a demandé l’avis de chacun (…).

Le (feu) Général Bailo je l’ai vu à l’œuvre à Kissidougou, Macenta, Guéckedou parce que j’étais là. C’est un grand homme, il est mort paix à son âme, il est très brave. Même quand il a été relevé de ses fonctions, ça m’a fait mal. Je suis allé le voir. Je lui ai dit : « Koto (frère, ndlr) qu’est-ce qui se passe ? » Il m’a dit qu’il va se reposer. Je suis allé voir le Président pour ça, il m’a dit qu’on n’expose pas toutes ses cartouches sans ajouter autre chose. C’était à moi de comprendre ou pas. Mais j’ai compris. Bailo était tellement précieux qu’il ne voulait pas l’exposer plus longtemps pour ce qu’il a fait contre la rébellion. Aujourd’hui, si c’était à refaire, cette rébellion n’allait jamais se présenter en Guinée. Parce que j’ai vu ces hommes à l’œuvre.

On était complètement submergé parce que de Pamélap, on peut facilement rejoindre Conakry par la mer, mais il a bloqué ça en bombardant les agresseurs. A Gueckedou, les rebelles avaient déjà infiltré. On a dit ça au Président. Il a dit envoyez l’oiseau, bombardez. C’est ce qui a arrêté la progression des rebelles vers l’intérieur du pays. Ils avaient pour mission de couper le pays en deux pour s’accaparer des richesses (…). Le Président Conté est un grand homme que je vénère et je prie Dieu de l’accepter dans son paradis.

Il n’y a pas que cette crise que le Général Conté a gérée. On se souvient qu’en 1996, il y a eu cette mutinerie de l’armée qui avait failli lui faire coûter son Pouvoir. Racontez-nous cet épisode ?

Il avait pu gérer cette crise avec un calme olympien. Mais vous savez, notre problème c’est la confiance avec les gens avec lesquels on travaille. Quand vous avez dix personnes, il y a neuf qui vous trahissent. On a fait cette triste découverte avec le temps. Le Président Conté a été souvent trahi, qu’à cela ne tienne, Dieu est vérité. Il l’a toujours secouru. En 1996, il a demandé au ministre Abdourahmane Diallo, qu’est-ce se passe au camp ? Ce dernier lui  répond : « mon général tout va bien ». Les choses se sont empirées. Quand les mutins sont venus le chercher, après le bombardement du palais par Gbagbo qui était le seul à savoir où était le Président au Palais. Mais Dieu avait fait son œuvre. Au moment où le Président quittait le bureau pour rejoindre le sous-sol, c’est en ce moment que l’obus est tombé sur son bureau. Pour eux (les mutins) il était mort. France inter a pu joindre le Président, c’est ce qui a démoralisé les comploteurs. Le Président a répondu que le Pouvoir est dans ses mains. Ça été extraordinaire.

Mais après les mutins sont venus le chercher. Sa garde a voulu ouvrir le feu. Le Président leur a dit d’arrêter, parce que si elle le faisait, les mutins allaient détruire tout Boulbinet parce qu’étant plus armés. Il a demandé à sa garde de ne pas tirer. Certains l’on abandonné. Il restait avec Thiana Diallo (paix à son âme) et Ousmane Conté son fils.

Quand les mutins sont venus, il leur a dit envoyez le véhicule on va aller partout où ils veulent. Les gens l’ont embarqué, à l’époque j’étais à l’administration des grands projets. Ils sont passés devant nous en trombe, ils gesticulaient en disant « on a pris l’homme ». Ils voulaient l’amener à la Tanérie pour le tuer. Les jeunes soldats ont dit « non » qu’eux, ils sont intéressés par le problème de salaires pas de Pouvoir. Celui d’entre eux (les officiers) qui a dit en premier « enlevez-lui les chaussures », les jeunes soldats ont dit si vous touchez au Général, on a s’entretuer ici. C’est ce qui démoraliser les officiers qui ont disparu. Les hommes de troupes ont repris le Président pour l’amer au camp Alpha Yaya. Il était en tenu civil, mais on lui a trouvé une tenue militaire, il s’est habillé. Ils l’ont redescendu en triomphe. C’est Dieu qui a fait ça. Le Président Lansana Conté avait la foi. C’est ainsi qu’il est venu au camp Samory où il a tenu son discours. C’est comme ça que la mutinerie a pris fin.

Après ça, il a remanié son gouvernement. Nous sommes venus en relève. C’était un gouvernement de technocrates. Chaque ministre était spécialiste de son domaine. On a pu relever le défi.

Aux derniers jours du Général Conté, il était beaucoup affaibli par la maladie. On disait même que le Pouvoir n’était dans ses mains, il y avait des décrets et contre-décret. Expliquez-nous ?

Je ne peux dire que ce que je connais. A cette période, je n’avais pas pu être en contact avec le Président. Ça m’a fait mal quand même parce que je connais l’homme. La maladie est notre pire ennemi surtout quand il s’agit d’un accident vasculaire cérébral. Les gens peuvent profiter de ce moment-là. Mais à leur place, je n’allais pas oser. J’aurais eu peur de Dieu. On a voulu humilier le Général Lansana Conté. Il a dit aux syndicalistes : « vous m’avez enlevé la chemise, mais vous ne m’enlèverez jamais le pantalon ». Il leur a dit qu’il n’a jamais perdu une guerre. N’eût été sa maladie, personne n’allait oser le défier. Mais quand on est malade, on est diminué. Cette période m’attriste (…) Sa disparition a été pour moi un choc très violent après celle de mes parents.

Lorsqu’il y a eu les soubresauts de 2007 beaucoup de personnes sont tombées sous les balles des agents de sécurité qui ont sévèrement réprimé la manifestation. Qui avait donné l’ordre de tirer sur les civils si vous dites que le Président Conté a juré de ne jamais tirer sur sa population ?

Le Pouvoir au sommet de l’Etat est insondable ! Quand vous avez toutes vos facultés vous pouvez réagir à n’importe quelle situation. En 2007, le Président Conté était malade, toute la Guinée le savait parce qu’il n’a jamais caché sa maladie, comme le font certains chefs d’Etat. Il y a même eu beaucoup de rumeurs sur sa mort.

Un jour, je suis allé avec lui à Bantama (Wawa), on y a passé la nuit. Le matin, j’apprends que son fils est là-bas parce que le Président est décédé. J’ai dit au président « changez-vous, on va faire le tour de Bantama pour que tout le monde vous voit ». Il me demande la raison. Je lui réponds que de Conakry, on me dit que vous être décédé. Il a souris et m’a dit « ah, donne-moi ma cigarette ». Il a fumé un peu, on a fait le tour tout le monde était content. On l’a tué plusieurs fois, avant sa mort. Quand il est allé au Maroc, les gens ont dit qu’il est décédé, au Cuba, en Suisse, c’est pareil. Mais quand il est revenu, il a dit à Sékhoutouréya lors d’un grand meeting c’est dommage qu’un humain puisse souhaiter la mort à son prochain.

Comment était-il quand il a appris qu’il a eu tous ces morts en 2007 ?

Il était triste ! J’étais là. Il a dit comment est-ce que vous avez pu faire ça ? Mais il vous souviendra que pour descendre Moussa Traoré au Mali, on a joué un scenario en tirant sur des étudiants. C’est comme ça qu’on l’a déstabilisé.

Voulez-vous dire qu’il s’est senti trahi par certains responsables dans la chaine de commandement ?

C’est clair ! Et en ce moment il était malade. De 2004 à 2007, ça lui faisait quatre ans de maladie non-stop et de traitement à outrance. Alors quand des choses comme ça se passent, c’est pour le liquider. Puisque quand ils ne réussissent pas sur d’autres plans, c’était pour qu’on l’accuse de ceci ou cela. Je sais que cet homme n’est pas capable de donner l’ordre de tirer sur sa population. Non il ne peut pas, il l’a dit et répété. Je le connais, je l’ai pratiqué, je suis son témoin vivant.

En 1998 après l’élection présidentielle, Alpha Condé a été arrêté, jugé puis condamné, mais contre toute attente, le Président Conté a ordonné sa libération quelques années plus tard. Qu’est-ce qui l’avait motivé ?

C’est un dossier que je ne maîtrise pas tellement. Tout ce que je sais de cette affaire, c’est ce que j’ai lu dans les journaux. Premièrement, c’est à Pinè qu’Alpha a été appréhendé. Le Gouverneur de l’époque Alkhaly Fofana a embarqué Alpha Condé et l’a amené à Conakry. Mais si c’était moi, je n’allais pas le faire, là où le délit est commis c’est là où ça devait être réglé purement et simplement.

Je me souviens qu’une fois, j’ai entendu le Président dire à des gens qui étaient venus chez lui: « je vous donne l’ordre de veiller sur lui (Alpha Condé, ndlr), rien ne doit lui arriver ». Ce n’est pas à moi qu’il le disait.

Vous étiez proche du Président Conté, qu’est-ce qui l’a convaincu pour la libération d’Alpha Condé qui purgeait sa peine ?

Il n’a jamais accepté qu’on l’arrête.

Voulez-vous dire que le Président Condé n’a jamais voulu qu’on arrête Alpha Condé ?

Non, ça va vous paraître étrange ! (…) Il n’a jamais voulu de prisonnier politique. Lorsqu’on tiré sur lui à Enco5, on a arrêté les responsables, il a ordonné qu’on les relâche. Le Président n’a jamais voulu du mal pour un guinéen. Il a toujours invité les opposants à se comprendre, mais ils n’ont pas voulu.

Pourquoi il a alors accepté qu’Alpha Condé soit détenu durant deux années ?

Le Président n’a jamais voulu qu’il y ait de prisonniers politique en Guinée. Jamais ! (…) Quand il s’est rendu compte qu’Alpha Condé n’est pas libéré, il a ordonné qu’il soit libéré et que rien ne lui arrive. Faites vos investigations pour savoir où il était détenu. Mon ami d’enfance, le ministre Dieng (paix à son âme) était chargé spécialement de veiller sur lui. On l’appelait finalement le prisonnier de Dieng (rires). Le général Lansana Conté est un grand homme, il le restera. Je suis témoin des moments difficiles qu’il a traversés avec hauteur et dignité. Je ne l’ai jamais vu troublé quelque soit la situation, il reste stoïque et calmement, il trouve la situation.

Quand les convulsions sociales ont commencé, il a dit que c’est trois jours : le premier jour ils sont chauds, le 2è jour ils commencent à baisser, le 3è jour, ils n’ont plus rien à manger. Puisqu’on vit au jour le jour, ils vont retourner pour chercher leur pitance. Entretemps, il dit qu’il faut que les gouvernants trouvent solution par rapport à ce qu’ils demandent. Tout ce que les gens avaient demandé, ça été accordé, malgré ça, ils sont restés dans la rue. Une fois la société civile s’est réunie au palais du peuple pour dire qu’ils ne reconnaissent plus le pouvoir de Lansana Conté. Les gens sont venus le voir pour ça. Ils ont demandé au président de fermer le palais. Le président non, c’est ce qu’ils cherchent, ne leur donnons pas l’occasion. Il a dit : « laissez-les faire leur réunion » (…) Il a toujours encouragé le dialogue. Parce refuser cela est synonyme de provocation. Il a dit c’est ce qu’il faut éviter.

A suivre…

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

Créé le 7 juin 2017 18:31

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