Quelle Constitution pour la Guinée ? Voici ce que propose le Barreau…

CONAKRY-En Guinée, le débat d’orientation constitutionnelle se poursuit au Conseil National de la Transition (CNT). L’exercice vise à recueillir le maximum de propositions auprès des couches socioprofessionnelles, des formations politiques, des organisations patronales et syndicales…en prélude à la rédaction de la nouvelle constitution. C’est dans ce cadre que le barreau de Guinée s’est prononcé sur le contenu de la future constitution. Voici ses propositions.

Le Barreau recommande de préserver les acquis démocratiques de notre pays, notamment ceux consacrés par la Constitution du 7 mai 2010.

Celle-ci contient, en effet, l’essentiel des principes démocratiques et de l’État de droit et reconnaît aux citoyens un certain nombre de droits et libertés fondamentaux.

Une constitution est donc une loi fondamentale qui consacre des droits et libertés fondamentaux et qui fixe les règles d’organisation et de fonctionnement d’un État.                                                                                                                                   

Dans notre système juridique (système romano germanique), il y a deux modalités ou procédures d’adoption d’une constitution :

  • La procédure législative avec une « Assemblée constituante élue » ou une « Assemblée Nationale Constituante »,
  • La procédure référendaire avec une approbation du peuple.

Cela étant dit, le Barreau se limitera á répondre aux différentes thématiques telles que déclinées par le CNT.

  • En ce qui concerne la Souveraineté de l’État

Le Barreau fait les propositions suivantes :

  • Le maintien de l’État unitaire pour favoriser l’unité nationale avec un renforcement de la décentralisation et de la démocratie locale ;
  • Le maintien du Français comme langue officielle ;
  • Le maintien du principe de la révision constitutionnelle sous réserve des intangibilités qui seront consacrées par la constitution pour garantir les principes démocratiques et de l’État de droit, notamment la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’État, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ou le principe de l’alternance démocratique ;
  • Encadrer strictement le recours au référendum pour éviter des changements anticonstitutionnels en vue de se maintenir au pouvoir ;
  • Faire clairement la différence entre le référendum législatif et le référendum constitutionnel pour éviter tout amalgame dans l’avenir ;
  • Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours universel, égal et secret ;
  • Maintenir le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs tel que consacré par la Constitution du 7 mai 2010 ;
  • Proclamer la souveraineté pleine et entière de l’État sur ses ressources naturelles, conformément aux résolutions onusiennes en la matière.

II– En ce qui concerne les libertés et droits fondamentaux

Le Barreau propose que ceux consacrés dans la Constitution du 7 mai 2010 soient maintenus et s’il y a lieux étendus.

Énumérer les droits, en précisant leur applicabilité, la manière de les faire respecter, leurs limites, ainsi que leur éventuelle suspension ou limitation en période d’exception : État d’urgence et État de siège.

  1. Les droits civils et politiques
  2. Définir clairement le statut de l’Opposition politique et de son Chef de file
  3. Les Droits économiques, sociaux et culturels
  4. La protection de l’environnement.
  5. La protection des groupes vulnérables (femmes et enfants, handicapés).

III– En ce qui concerne le Pouvoir Exécutif

Le Barreau propose de maintenir le poste de Premier ministre, donc un Exécutif bicéphale tel que défini par la Constitution de 2010. Le partage des attributions entre le Premier ministre et le Président de la République doit être clairement défini dans la constitution.

Maintenir le mode de scrutin majoritaire à deux tours pour l’élection du Président de la République.

IV– En ce qui concerne le Pouvoir législatif

Pour des raisons à la fois budgétaires et d’efficacité du travail législatif, le Barreau propose de maintenir les dispositions de la Constitution du 7 mai 2010 qui consacrent un parlement monocaméral (une seule chambre) qui porte le nom de : Assemblée Nationale.

Maintenir les deux modes de scrutin prévus dans la constitution de 2010 pour l’élection des députés à l’Assemblée Nationale. Voir l’article 63 qui dispose : « Le tiers des Députés est élu au scrutin uninominal à un tour. Une loi organique fixe les circonscriptions électorales.

Les deux tiers des Députés sont élus au scrutin de liste nationale, à la représentation proportionnelle. Les sièges non attribués au quotient national sont répartis au plus fort reste ».

NB : Il reste entendu qu’en cas d’augmentation du nombre de députés, il va sans dire que les Députés élus au scrutin uninominal à un tour qui sont au nombre de 38 ne représenteront plus le tiers des députés à l’Assemblée Nationale.

Pour moraliser la vie politique, lutter contre la corruption et la transhumance politique prévoir dans la nouvelle Constitution que tout député élu sous la bannière d’un parti ou coalition politique qui démissionne perd son mandat de député et est automatiquement remplacé par le candidat suivant sur la liste nationale ou son suppléant.

Mieux encadrer le contrôle de l’action gouvernementale par le parlement à travers le vote de la loi de règlement.

Le contrôle législatif doit avoir une place importante dans le contrôle de gestion.

V – En ce qui concerne le Pouvoir judiciaire

Le pouvoir judiciaire doit être indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. La justice doit être rendue exclusivement par les Cours et Tribunaux, au nom du peuple de Guinée.

Pour une justice efficace et indépendante au service exclusif des citoyens, de la démocratie et de l’État de droit, le Barreau propose de renforcer les dispositions de la Constitution du 7 mai 2010 et des lois organiques portant statut des magistrats et fixant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement des Cours et Tribunaux.

Revoir la loi organique portant statut des magistrats en ce qui concerne notamment le mode de recrutement ou de nomination des chefs de juridictions et des parquets, en s’inspirant des meilleurs pratiques, notamment du Burkina Faso qui a institué un système d’appel á candidature sur des critères d’intégrité, de compétence, d’ancienneté et de rigueur au travail…

Renforcer l’indépendance et l’efficacité de la justice pour garantir l’État de droit à travers notamment le règlement systématique et diligent du contentieux administratif et du contentieux des élections locales ;

Renforcer le dispositif juridique et institutionnel de la justice pour davantage protéger et promouvoir les droits de l’homme dans notre pays ;

Renforcer le dispositif juridique et institutionnel de la justice pour offrir une garantie juridictionnelle conforme au standard minimum international aux investisseurs et/ou opérateurs économiques nationaux et étrangers,

a – La Cour Suprême

Elle est la plus haute juridiction de l’État en matière judiciaire et administrative.

Maintenir ses attributions contentieuses et consultatives telles que définies dans la constitution de 2010.

Revoir le mode de recrutement des Magistrats de la Cour Suprême, en s’inspirant des meilleurs pratiques, comme mentionné ci-haut.

b– La Cour constitutionnelle

Maintenir une Cour constitutionnelle avec des attributions juridictionnelles et consultatives.

Définir clairement sa compétence en matière constitutionnelle, électorale et des droits de l’homme.

Tirant les leçons du fonctionnement non satisfaisant de la défunte Cour constitutionnelle, le Barreau propose de renforcer les dispositions de la loi organique portant attributions, composition, organisation et fonctionnement de ladite Cour :

Élargir le droit de saisine de la Cour à tous les citoyens qui souhaitent contester la constitutionnalité d’une loi par voie d’action ou d’exception.

Proposition de rédaction « Tout citoyen, peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité d’une loi, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit sursoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle qui doit intervenir dans un délai de 30 jours ».

Mettre des gardes fous pour que le contentieux constitutionnel et électoral soient tranchés par la Cour dans le respect de la Constitution en vigueur et des lois organiques y afférentes.

Le Barreau propose la modification de la composition de la Cour Constitutionnelle ainsi qu’il suit :

  • Deux (2) juristes de haut niveau, dont un (1) proposé par le Président de la République et l’autre par le Bureau de l’Assemblée Nationale ;
  • Deux (2) magistrats ayant au moins vingt 20 années de pratique, désignés par leurs pairs ;
  • Deux (2) avocats ayant au moins vingt 20 années de pratique élus par leurs pairs ;
  • Deux (2) enseignants de la Faculté de droit titulaire au moins d’un doctorat en droit et ayant une expérience d’au moins dix (10) années, élus par leurs pairs ;
  • Un (1) représentant de l’Institution Nationale des Droits Humains titulaire d’un diplôme en droit de niveau master ou équivalent.

c- La Cour des Comptes

Le Barreau propose de maintenir la Cour des Comptes avec des attributions juridictionnelles et non juridictionnelles.

Faire en sorte que le Premier Président de la Cour des comptes soit membre de droit et siège au Conseil Supérieur de la Magistrature dans la mesure où le Pouvoir judiciaire est exercé par la Cour Suprême, la Cour des Comptes et les Cours et Tribunaux. Or, actuellement, ce n’est pas le cas.

Étant donné que la Cour des comptes est la juridiction de contrôle a posteriori des finances publiques et pour éviter un conflit d’intérêt manifeste, prévoir des gardes fous (dans la LOLF notamment) pour qu’un Ministre des Finances ou du Budget sortant ne soit plus membre de cette Cour a fortiori d’en être le président pendant un délai de cinq ans au moins après la cessation de ses fonctions ministérielles.

La Cour des Comptes doit publier l’ensemble de ses travaux y compris les rapports particuliers et les décisions juridictionnelles.

La Cour des Comptes doit élaborer chaque année, un rapport annuel sur l’ensemble de ses activités, qu’elle transmet au Président de la République, au Chef du Gouvernement et au Président de l’Assemblée Nationale. Ce rapport est publié au Journal Officiel de la République.

d- La Haute Cour de justice

Si le privilège de juridiction est maintenu en faveur du Président de la République, du Premier Ministre, des Ministres et des autres agents dépositaires de l’autorité publique, il conviendrait de simplifier et de garantir la mise en place et le fonctionnement de la Haute Cour de Justice, la procédure de mise en accusation, notamment pour haute trahison et détournement des deniers publics.

En tout état de cause, la recommandation forte consiste à faire un montage juridique et institutionnel pouvant permettre de lutter efficacement contre l’impunité des dirigeants qui bénéficient d’un privilège de juridiction.

Le Barreau propose de revoir la composition de la Haute Cour de Justice ainsi qu’il suit :

Deux membres de la Cour Suprême, un membre de la Cour Constitutionnelle, deux membres de la Cour des Comptes et de quatre députés élus par l’Assemblée Nationale dont deux de l’opposition parlementaire.

Prévoir une majorité de deux tiers au lieu de trois cinquième pour initier une procédure de mise en accusation.

Mettre en place un mécanisme pour garantir le double degré de juridiction.

VI- En ce qui concerne l’organisation judiciaire

Le Barreau propose le maintien du système actuel avec un seul ordre de juridiction qui connaît à la fois du contentieux judiciaire et du contentieux administratif.

Pour la désignation des Magistrats, le Barreau propose le maintien des dispositions de la Constitution de 2010 sauf en ce qui concerne les magistrats de la Cour suprême, les chefs des juridictions et les chefs des parquets.

Le Barreau propose de revoir la composition du Conseil supérieur de la magistrature en y associant deux avocats ayant au moins 15 ans de pratiques professionnelles désignés par le Conseil de l’Ordre des avocats, un représentant des organisations des droits de l’homme et un représentant de la faculté de droit des Universités publiques.

Responsabiliser d’avantage les membres du CSM dans la gestion des carrières des magistrats.

VII- En ce qui concerne les institutions d’appui à la démocratie et à la bonne gouvernance

  • Le Conseil Économique, Social et environnemental (CESE)

Ayant essentiellement une mission consultative, la composition et le fonctionnement de cette institution devraient être revus pour plus d’efficacité.

Le CESE doit être une structure de veille, d’expertise et d’aide à la décision pour le Gouvernement. A ce titre, ses membres doivent avoir une expertise de haut niveau et une compétence pluridisciplinaire.

– La Haute Autorité de la Communication

Maintenir cette autorité de régulation et renforcer son autonomie et son fonctionnement.

Revoir les critères de nomination de son Président qui doit avoir une qualification avérée et une carrière dans le domaine des médias.

 – Le Médiateur de la République

Compte tenu du mauvais fonctionnement avéré de notre Administration publique, il est préférable de maintenir et de renforcer cette institution en dépit de son bilan mitigé ces dix dernières années.

Un organe intercesseur, gracieux et indépendant, entre l’Administration Publique et les administrés peut être très utile dans notre pays.

 – L’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains

En dépit du bilan négatif de cette institution nonobstant les nombreux cas de violation des droits de l’homme, le Barreau recommande sa consécration constitutionnelle à l’instar de plusieurs États étrangers disposant d’une Institution Nationale des Droits de l’Homme (INDH)

– La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI)

Le Barreau recommande son maintien conformément aux normes internationales. Il s’agit notamment de :

  • L’article 17 de la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance qui dispose : « Tout État partie doit créer et renforcer les organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux, chargés de la gestion des élections » ;
  • La mise en place d’un organe électoral (CENI) indépendant et /ou neutre ayant la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique, conformément à l’article 3 du Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance.
  • A cet égard, une concertation nationale appropriée sur la nature ou la composition de cet organe est indispensable.

Pour une garantie de transparence, de neutralité et d’inclusivité des élections à venir, il est nécessaire de maintenir une CENI chargée de l’établissement et de la mise à jour du fichier électoral, de l’organisation, du déroulement et de la supervision des opérations de vote.

Une CENI technique pourrait être expérimentée afin de corriger les tares de l’ancienne CENI politique.

– Le Haut Conseil des Collectivités Locales (HCCL),

Le Barreau recommande sa suppression pure et simple.

– Les pôles de développement

Le Barreau ne trouve pas pertinent de faire un pôle de développement une institution constitutionnelle.

VIII – En ce qui concerne l’animation de la vie politique

Le Barreau propose :

Le maintien du multipartisme intégral ;

L’instauration des candidatures indépendantes juridiquement encadrées pour en limiter les inconvénients ;

– L’organisation territoriale de la République

Maintenir s’il y a lieu l’organisation territoriale actuelle.

Celle-ci est constituée par les Circonscriptions Territoriales et les Collectivités Locales.

Le Barreau recommande l’élection des maires des Communes urbaines et rurales au suffrage universel direct.

Ceci pour éviter les problèmes observés lors des dernières élections locales dans plusieurs communes du pays.

Consacrer les grands principes de la décentralisation que sont l’autonomie juridique, organique et fonctionnelle, et le principe de libre administration.

Favoriser le transfert de compétences et des moyens.

– Les forces de défense et de sécurité

Réaffirmer leur caractère républicain et apolitique. Préciser qu’elles sont au service exclusif de la Nation et non d’un individu ou d’un groupe d’individus, ainsi que leur soumission à l’autorité civile légitime.

Mentionner dans la Constitution que le recrutement des membres des forces de défense et de sécurité doit être effectué sans discrimination et dans la transparence ».

Pour le Barreau de Guinée

LE BATONNIER 

Mamadou Souaré DIOP

Créé le 27 mai 2023 15:29

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