Procès 28 septembre : craintes et attentes des victimes à la veille du verdict

CONAKRY- L’attente et la quête de justice aura longue voire même trop longue. Environ quinze ans les terribles atrocités commises en septembre 2009 au stade du même nom, l’heure de vérité a enfin sonnée. Alors que nous sommes dans la dernière ligne droite avant le prononcé du verdict dans ce procès historique, Africaguinee.com est allé à la rencontre de certaines victimes. Elles ont partagé leurs attentes vis-à-vis du tribunal de Dixinn qui juge cette affaire, mais aussi leurs craintes.
Même si globalement toutes apprécient le déroulement du procès qui a duré près de 2 ans, les victimes expriment quand même des craintes par rapport à ce qui pourrait se passer après le verdict. Par contre de nombreuses autres se sont abstenues de s’exprimer par peur d’éventuelles représailles qui pourraient venir des parents des accusés après le verdict.
Toutes les victimes interrogées à ce sujet ont d’abord fait savoir qu’elles ne sont pas en sécurité ensuite elles ont fait part de leurs attentes du tribunal le jour du verdict. C’est le cas de madame Saran Cissé.
« Malheureusement pour nous les victimes qui avons eu la chance de participer au procès et de témoigner à la barre, on a des craintes. Personnellement j’ai témoigné mais assez de victimes n’ont pas pu témoigner et cela est déplorable. En plus nous avons attendu pendant 13 ans avant l’ouverture de ce procès et quand le procès a démarré les victimes attendaient une reconnaissance de la part du gouvernement et c’est quelque chose que nous n’avons pas eu. Même pour aller assister au procès certaines victimes n’avaient pas les moyens de payer le transport pour se rendre à la Cour d’Appel et c’est quand on s’est révolté qu’ils ont mis des bus à notre disposition mais beaucoup d’entre nous c’est au retour qu’on emprunte ces bus parce qu’on n’osait pas sortir de chez nous à 6h du matin pour aller les attendre au bord de la route.

Au fait, ces bus bougeaient à 6h du matin dans la banlieue mais étant victime on n’osait pas quitter nos domiciles à 6h du matin pour aller s’arrêter en bordure de route et attendre un bus. C’est ce qui fait que beaucoup de victimes attendent le soir pour monter dans les bus pour rentrer chez elles.
Côté soins médicaux aussi, les victimes ont toujours réclamé malheureusement ça aussi nous n’avons pas été satisfaites parce que tout au long du procès, les 18 mois du procès c’est une seule dame qui a eu la chance d’avoir une assistance sanitaire de la part de l’Etat ; les autres victimes, rien. Côté sécurité des victimes, ça aussi ça n’existe pas et nous tendons vers la fin du procès et nous ignorons toujours ce qui va être fait sur ce point également parce que les parents des accusés nous ont toujours menacées vu et au su de tout le monde donc c’est Dieu qui sait après le procès ce qui va se passer », a relaté madame Cissé. Des attentes le jour du verdict, elle en a plein.
« Nous attendons la vérité, une réparation digne de ce nom. S’il y a des coupables, qu’on les condamne et surtout il faut assurer la sécurité des victimes parce que nous avons vraiment peur des représailles après le procès », a lancé cette victime.

Oumou Barry a également subi les douloureux événements du 28 septembre. Comme toutes les autres victimes, cette dame fait part de sa peine liée à l’insécurité à laquelle elles et ses compagnons d’infortunes sont exposés.
« Nous attendons le dernier mot du président du tribunal. Jusqu’à preuve du contraire, personnellement j’ai confiance en la justice. J’ai suivi tout le procès, j’ai suivi toutes les actions qui ont été menées de part et d’autre mais globalement ça nous rassure. Seulement l’inquiétude des victimes c’est le manque de sécurité parce que nous ne sommes pas en sécurité et nous sommes menacées à tout moment même étant au tribunal nous sommes menacées. D’ailleurs, c’est pour cette raison que j’ai arrêté d’aller au tribunal pour suivre le procès parce que même là-bas on nous menaçait. Les parents des accusés nous menacent et nous agressent à tout moment. On nous menace partout où on nous voit, que ce soit dans les marchés, dans les véhicules, dans la circulation, à nos domiciles partout. C’est pourquoi ces derniers temps toutes les victimes ont décidé de ne pas s’exprimer publiquement parce qu’on n’est pas en sécurité. Donc nous demandons vraiment de l’aide pour qu’on assure notre sécurité », a expliqué Oumou Barry tout en exprimant ses attentes le jour du verdict prévu le 31 juillet 2024.

« Notre souhait le jour du verdict est que nos bourreaux soient condamnés parce qu’ils sont responsables du massacre du 28 septembre. On peut pardonner mais on ne peut pas oublier ce qui a été fait, donc nous demandons que justice soit faite pour toutes les victimes parce que n’oubliez pas qu’on a attendu 13 ans avant l’ouverture du procès et on n’espérait pas qu’un jour ce procès allait avoir lieu. Donc il faut qu’il y ait d’abord la justice et la réparation avant de parler du pardon », a souhaité cette victime des événements du 28 septembre.
Mamadou Ciré est un autre rescapé qui a reçu une balle à son épaule gauche le 28 septembre 2009. Au micro d’Africaguinee.com, cette victime affirme avoir constaté lors du procès l’incompétence et la faiblesse de la justice guinéenne.
« La tenue de ce procès est un grand soulagement pour nous parce que bon nombre des Guinéens ne s’y attendaient pas surtout nous les victimes. Personnellement de manière globale, je suis satisfait du déroulement du procès mais honnêtement ceux-là qu’on a présentés devant la barre pour nous dire ce sont les accusés sont minimes par rapport à ceux qui ont commis les crimes sur le terrain. Franchement nous savons tous que ce ne sont pas seulement ceux qui ont été jugé qui sont les responsables du massacre du 28 septembre parce que nous nous étions sur le terrain ce jour et on avait vu tous ces gens qui commettent des actes inhumains sur des milliers des personnes. Sur ce point donc nous avons constaté l’incompétence de la justice guinéenne de rechercher tous les auteurs de ce massacre et les présenter devant le tribunal pour les juger et aussi à travers ça nous avons constaté la faiblesse du ministère publique dans cette affaire parce que normalement on devait juger tous les auteurs de ce massacre », a réagi cette victime avant de faire part de son attente vis-à-vis du tribunal le jour du verdict tant attendu par les Guinéens.

« J’attends que justice soit faite pour toutes les victimes. Parce que de façon générale, chacun d’entre nous a subi un 28 septembre différent de l’autre donc nous demandons non seulement une réparation collective mais aussi individuelle. Chaque victime doit avoir sa part de dommage et intérêt en fonction du préjudice qu’il a subi. Maintenant en ce qui concerne nos bourreaux, la Guinée a ratifié des conventions au niveau international et vu que ce massacre du 28 septembre est un crime de masse et que les crimes de masse relèvent du droit international alors ils doivent être condamnés en fonction de cette infraction. Je demande au tribunal de requalifier les faits en crimes contre l’humanité et les condamnés sévèrement pour non seulement prévenir d’autres à l’avenir mais aussi donner une leçon aux autres dirigeants et les empêcher de commettre de tels actes », a aussi souhaité Mamadou Ciré.
A suivre !
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : 00224 666 134 023
Créé le 27 juillet 2024 10:06Nous vous proposons aussi
Massacre du 28 septembre 2009 : Bienvenu Lamah et d’autres « nouveaux » accusés attendus à la barre…
TAGS
étiquettes: 28 septembre