Postes et télécommunications en Guinée : Entretien avec le Ministre Moustapha Mamy Diaby…

Moustapha Mamy Diaby, Ministre guinéen des postes, des télécommunications et de l'économie numérique

CONAKRY- Comment remédier aux principales difficultés qui assaillent le secteur des postes et télécommunications en Guinée ? Près d’un an après son arrivée à la tête du Département des postes et télécommunications, le Ministre Moustapha Mamy Diaby vient de dévoiler ses principaux projets dans le secteur. L’ancien Directeur Général de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications s’est confié ce Mardi 29 novembre 2016 à notre rédaction. Exclusif !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur le ministre bonjour ! Quel constat avez-vous fait du secteur de la téléphonie à votre arrivée à la tête de ce département ?

MOUSTAPHA MAMY DIABY : Avant que je sois à la tête du ministère en charge des postes et télécommunications et de l’Economie Numérique, le secteur des télécommunications de façon générale et celui de la téléphonie ont considérablement progressé. Cette progression se traduit par les taux de pénétration de la téléphonie mobile, de l’internet, le taux de couverture de nos agglomérations, la diversification des produits et services qui sont mis à la disposition des citoyens guinéens.

En termes de chiffres à combien peut-on estimer ces taux de pénétration ?

Aujourd’hui nous sommes à un taux de pénétration de la téléphonie de 96.5%. Celui de l’internet tourne autour de 27%.

Les consommateurs se plaignent souvent de la mauvaise qualité des réseaux. Quels sont vos projets pour amener les opérateurs à améliorer la qualité des services ?

Les citoyens ont raison de se plaindre. Je suis citoyen consommateur aussi au même titre que mes compatriotes. Je suis donc concerné par la qualité des réseaux et des produits qui sont mis à la disposition des consommateurs. Mais il y a aussi un manque d’informations sur le type qu’ils souscrivent. Quand vous souscrivez pour un service, vous devez connaitre le type de service, la qualité à laquelle vous devez vous attendre sur l’ensemble des garanties associées au service que vous avez demandez.

L’internet mobile est différent de l’internet fixe. Les exigences de qualité sont différentes. L’internet mobile tout comme la téléphonie mobile est tributaire des conditions atmosphériques, il est tributaire des conditions de propagation des ondes. En temps de bonne propagation des ondes électromagnétiques, la qualité est bonne. Mais quand il y a des perturbations atmosphériques, quelque soit ce que l’opérateur fait, il y aura forcément des perturbations. Et ça va se répercuter sur la qualité des services qui sont mis à votre disposition.

En terme d’internet, il y aussi la capacité à laquelle vous avez souscrit. Si vous souscrivez à une petite capacité qui vous permet de lire des emails, d’aller sur des pages web pour lire des informations, et que vous vouliez utiliser cette capacité pour aller sur des applications telle que Youtube ou faire des téléchargements, ça ne va pas marcher. Mais tout ceci demande une certaine sensibilisation et d’information à l’endroit des clients pour qu’ils comprennent ce qu’il y a derrière sinon ça peut apparaître comme du dumping. Donc, il est de la responsabilité des opérateurs et de nous Etat de faire en sorte que le citoyen soit largement informé. 

Des opérateurs de téléphonie tels qu’Orange-Guinée a fait la demande pour le lancement de la 4G. Cependant nous apprenons que le Gouvernement aurait décidé d’octroyer cette licence à la SOTELGUI qui est en faillite. Pourquoi cette décision ?

Je voudrais vous dire que personne n’a demandé la 4G. Parce que pour moi, une demande  est officielle. Et personne n’a introduit une demande officielle. Personne n’a aujourd’hui une licence 4G. Je ne sais pas qui vous a dit que SOTELGUI a la 4G. Mais SOTELGUI est un opérateur au même titre que les autres. La Sotelgui est en difficulté, en faillite. On ne peut pas donner une licence à quelqu’un qui n’a même pas la possibilité de fournir la 2G. Mais si demain SOTELGUI commençait à fournir des services à la consommation, elle a le droit de souscrire, de demander une licence 3G et 4G. Et il appartiendra à l’Etat d’étudier les conditions dans lesquelles il va octroyer ou pas.

Est-ce que déjà il y a des conditions qui sont mises en place par le Gouvernement pour avoir la licence 4G ?

Ce sont les mêmes conditions. Ce sont des licences qui s’obtiennent sur la base des négociations commerciales. Il y aura un cahier de charges, il y aura une convention de concession et il y aura la clé et une licence qui sera conférée à l’opérateur en question. Ce n’est pas une seule licence. Nous avons la possibilité de donner plusieurs licences 4 G.

Les opérateurs de téléphonies se plaignent souvent de la forte taxation qui se répercute sur le consommateur. Que faites-vous pour éviter de tuer la consommation ?

C’est vrai que les opérateurs se plaignent parfois à raison ou à tort que la pression fiscale est très élevée. Mais on le verra bien. Nous avons commandité une étude qui est en cours, qui va apprécier la pression fiscale dans le secteur des TIC. Cette étude va comparer cette pression fiscale à celle des pays voisins. Le Gouvernement est ouvert. Si après l’étude, le rapport arrivait à démontrer que la pression fiscale en Guinée est supérieure à la moyenne de la sous-région, bien entendu, on va baisser. S’il trouve qu’elle est inférieure à la moyenne, cela nous donne encore une marge. C’est un débat qui est ouvert. Nous aurons le rapport final début décembre. Ce rapport nous permettra d’avoir une meilleure visibilité et une lecture partagée de la situation. Parfois, quand on n’a pas cette lecture commune, tout le reste n’est que subjectif.

Il y a quand même un fait Monsieur le Ministre qui est celui des revenus. Le revenu du citoyen guinéen n’est pas forcément le même que celui de la Côte d’Ivoire. Tiendriez-vous comte de cet aspect ?

Attention ! Les gens parlent chaque fois de coût de communication versus revenu. Mais les équipements des télécommunications sont achetés au même prix. Ceux qui viennent en Guinée, au Sénégal, en France ou au Japon, sont achetés au même prix. Il n’y a pas un équipement estampillé destination Guinée pour dire qu’il a été acheté moins cher. Parfois même les conditions d’opération en Guinée sont beaucoup plus élevées puisque nous sommes un pays où il n’y a pas d’électricité où les routes ne sont pas en bon état. Pour se déplacer d’un site à un autre, c’est compliqué. Les sites sont alimentés par des groupes électrogènes et sur chaque site, il y a  des gardiens. En plus nous avons, en termes de communication locale, les coûts les moins chers pour ce qui est de la téléphonie. Bien entendu, l’Etat dans tout ce qu’il fait doit tenir compte du revenu moyen par habitant, mais même quand on joue sur ce ratio-là, je pense que le citoyen guinéen ne peut pas dire qu’il supporte plus que les autres de la sous-région toute proportion gardée.

Le poids de la fraude dans le secteur de la téléphonie se répercute sur les consommateurs. Est-ce que la Guinée dispose aujourd’hui de moyens techniques efficaces pour lutter contre cette fraude ?

Vous savez, la fraude est très dynamique. Vous luttez contre une forme de fraude aujourd’hui, demain vous verrez une autre forme apparaître. Chaque jour c’est comme ça. Donc c’est une lutte continue. Mais la fraude existe partout dans le monde. Mais à mon avis, il faut redoubler d’efforts, se munir d’équipements performants, s’adapter et continuer à lutter contre la fraude. C’est une lutte qui ne s’arrêtera pas. Et c’est normal d’ailleurs. A chaque fois que la technologie se développe, les usages se diversifient. Et parmi ces usages, il y a les travers. Il y a les délinquants qui réussissent toujours à passer entre les mailles.

Aujourd’hui l’économie numérique connaît un boom dans le monde. La Guinée qui n’est pas en marge de cette explosion dispose-t-elle de ressources dans le domaine de la fiscalité numérique ?

Oui au niveau de la fiscalité traditionnelle, nous avons des instruments qui nous permettent de l’évaluer. Mais il y a de nouvelles formes de services telles que certaines transactions électroniques dans les réseaux qui ont besoin d’être maitrisées, évaluées à travers des outils et des applications plus performantes qui permettent à l’Etat d’apprécier les volumes. Derrière l’appréciation des volumes, d’être capable de pouvoir les fiscaliser pour dire voilà la part qui devrait revenir à l’Etat. Mais aujourd’hui, on n’a pas tous ces instruments parce qu’on n’a pas été proactifs pour anticiper sur ces avancées technologiques.

Que faites-vous pour combler ce déficit ?

Nous attirons l’attention des autorités en charge de la fiscalité et nous nous mettons à leur disposition pour dire que nous sommes capables de vous aider à acquérir ces outils, et nous sommes capables de mettre à votre disposition l’expertise pour qu’on puisse se donner la main et faire face à cette problématique.

L’arrivée de la fibre optique en Guinée avait suscité beaucoup d’espoir chez les utilisateurs d’internet, qui, pourtant continuent de se plaindre. Où en est-on par rapport à son déploiement ?

Quand on parle de l’arrivée de la fibre optique, il faut voir deux étapes. Il y a l’atterrissement du câble sous-marin. Cela a quand même permis de décongestionner les trajets internationaux et de permettre aux opérateurs de fournir des accès internet diversifiés avec des capacités plus ou moins considérables. Mais c’est comme un tuyau qui vient jusqu’à l’entrée d’un village. Après, à l’intérieur du village, vous avez des petits tuyaux. La grande quantité d’eau qui vient dans le tuyau jusqu’à la rentrée du village n’est pas diffusée de la même façon dans le ménages. Parce que nous avons jusqu’à présent de liens radios qui utilisent de petites capacités. Donc, tant qu’on n’a pas fini le déploiement du Backbone national par fibre optique à l’intérieur du pays pour pouvoir juguler cette capacité considérable, il ne sera pas facile d’avoir l’impact réel de toutes ces avancées technologiques sur la qualité et la quantité des services qui sont mis à la disposition des consommateurs. C’est à cela que nous nous sommes attelés pour la mise en œuvre du Backbone national qui est très avancée. A la fin de cette année, nous pouvons mettre plus de la moitié de l’infrastructure en service. Et nous tablons pour la fin 2017 pour finir la totalité des 3900 et quelques kilomètres carrés prévus dans ce projet.

Qu’est-ce que cela pourrait changer ?

Cela va changer les difficultés liées à la qualité, à la quantité d’informations. Par exemple vous qui êtes de la presse (en ligne) vous aurez la possibilité de faire le streaming, pouvoir avoir accès à des contenus vidéos en ligne, pouvoir vous-mêmes uploader des vidéos en ligne. Et à partir de votre site, vos clients, vos lecteurs auront la possibilité de pouvoir suivre l’ensemble des contenus vidéo que vous mettrez à leur disposition. Ça va faciliter l’ensemble des autres formes de transaction.

Dans ce domaine la Guinée n’a pas encore son identité en main. Dites-nous où est-ce qu’on en est sur le rapatriement du .Gn ?

Ce n’est pas un rapatriement technique simplement. La partie administrative est beaucoup plus complexe. Parce que nous traitons avec des structures américaines qui ont une orientation beaucoup plus libérale. Et ils ont jusqu’à présent dans leur tête que les gouvernements africains sont des dictateurs. Ils se disent qu’il ne s’agit pas de donner cette facilité au gouvernement qui risque d’en faire un outil qu’il va garder. Il faut faire en sorte que ça soit au service de la communauté. Donc, ce que nous sommes en train de faire, on organise la communauté, on crée un consortium à but non lucratif. On structure cette association qu’on valide par un décret et on transmet à ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) pour qu’ils sachent que la ré-délégation, ce n’est pas à l’Etat qu’on donne, mais à un réseau de consommateurs. Parce que l’objectif est de mettre cette ressource nationale à la disposition de l’ensemble des acteurs nationaux, y compris les populations qui sont les dernières utilisatrices.

Qu’est-ce qui bloque concrètement parce que ça fait quand même des mois qu’on annonce cette ré-délégation sans que ce ne soit effectif ?

Oui ça fait des mois, mais aujourd’hui nous sommes arrivés à la formalisation du décret. Le Projet de décret est prêt. On va le soumettre à Monsieur le président de la République. Une fois que le décret est pris, je pense que ça devrait aller très rapidement.

Votre prédécesseur à la tête de ce département M. Oyé Guilavogui avait annoncé avec tambour battant la relance très prochaine de la Sotelgui. Qu’est-ce qui bloque cette relance ?

Rien ne bloque la relance de la Sotelgui. Mais la Sotelgui, telle qu’elle est aujourd’hui ne peut pas être relancée. Parce que pour relancer une entreprise, il faut qu’elle ait un minimum d’infrastructures, il faut qu’elle ait un minimum de services à proposer à la population. La Sotelgui n’a pas ces infrastructures, elle n’a pas ces applications-là. Elle n’est pas prête à être relancée. Parce que quand vous mettez des services, vous devez être capables de maintenir ces services, de facturer ces services et de pouvoir assurer une gestion. Ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui, c’est de finaliser l’audit de l’ensemble des infrastructures de la Sotelgui, de nous entendre sur une stratégie commune, validée cette stratégie par le Gouvernement et s’entendre sur le processus de relance de l’entreprise. Il ne s’agit pas de se précipiter. Dans ce secteur qui est très concurrentiel, vous vous précipitez, vous ne vivrez pas une semaine. Pourquoi prendre le risque de lancer aujourd’hui et fermer la semaine prochaine ?

Ce qui voudrait dire que la relance n’est pas encore pour demain ?

Ce n’est pas pour demain Mercredi 30 novembre 2016 (rires !!!)

Monsieur le ministre merci.

C’est à moi de vous remercier.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel. : (00224) 655 311 112

 

 

Créé le 30 novembre 2016 16:34

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