Nouvelle constitution : voici les verrous pour « empêcher » son tripatouillage…

CONAKRY- Dans un contexte politique marqué par l’instabilité constitutionnelle récurrente, le Président du Conseil National de la Transition (CNT) a tenu à rassurer l’opinion publique nationale et internationale sur la solidité juridique de la nouvelle Constitution guinéenne qui sera soumis au référendum le 21 septembre prochain.
Face à un pool de journalistes dont un d’Africaguinee.com, Dr Dansa Kourouma a défendu les « intangibilités » inscrites dans le texte, présentées comme des remparts infranchissables contre toute tentative de modification opportuniste de la loi fondamentale.
Dans ses explications, le président du CNT parle d’un verrouillage inédit dans l’histoire constitutionnelle guinéenne. « Nous avons les intangibilités les mieux encadrées de toute l’histoire constitutionnelle de la Guinée », affirme Dansa Kourouma.
D’après le président du CNT, le nouveau texte constitutionnel est le fruit d’un travail rigoureux de prévention contre les dérives qui ont jalonné l’histoire politique récente du pays. Selon lui, pas moins de cinq articles y sont consacrés aux dispositions dites intangibles c’est-à-dire inaltérables allant jusqu’à criminaliser toute tentative ou même intention déclarée de les remettre en cause.
Parmi les actes désormais considérés comme de la haute trahison : la suspension, la dissolution ou l’appel à la révision de ces intangibilités. Une posture assumée par le président du CNT.
« Il y a des dispositions de la Constitution qui sont jugées intangibles, qui ne doivent pas bouger. Et nous avons des intangibilités les mieux encadrées dans l’expérience constitutionnelle guinéenne, c’est-à-dire les intangibilités de la Constitution qui est en question, c’est les mieux encadrées. Il y a presque cinq articles qui parlent de l’intangibilité, où il est même dit quelque part que le fait même de se prononcer contre une intangibilité est un acte qui peut être constitutif de haute trahison.
Vous savez de quoi ? Les déclarations de dissolution, de suspension de la Constitution sont également classées parmi les actes attentatoires aux intangibilités. Il y a plein d’encadrements juridiques pour éviter que les failles qui ont été développées par des constitutionnalistes favorables au changement constitutionnel, nous avons bouché ces trous dans la limite du possible.
Il ne s’agit pas de dire que telle disposition est intangible, il faut aussi verrouiller l’intangibilité elle-même, et en mettant des dispositions, des arguments qui ont été utilisés ailleurs pour profaner ces intangibilités-là », a expliqué Dr Dansa Kourouma.
Le référendum législatif sous surveillance
Selon toujours Dansa Kourouma, l’une des grandes innovations de cette nouvelle Constitution réside dans le traitement du référendum. D’après ses dires, les articles souvent détournés par le passé pour légitimer des modifications de fond, sont désormais strictement encadré par l’article 70 de ce projet de nouvelle constitution.
« On est allé plus loin. L’article 70 qui parle du référendum législatif. J’ai vu en Guinée des juristes, des grands juristes, ou des juristes dits grands juristes, qui ont justifié le changement de constitution par l’article sur le référendum législatif. Mais nous avons verrouillé cette partie aussi. Nous avons dit que le président peut soumettre au peuple tout projet de loi qui requiert la consultation directe.
C’est le référendum qui porte sur l’adoption d’une loi, par exemple. Mais ce référendum ne doit en aucun cas porter sur une révision de la constitution. Donc on a aussi verrouillé cette partie-là, parce que cet argument a été publié un moment par certains juristes pour dire effectivement qu’on peut soumettre n’importe quel texte au référendum.
En grosso modo, quand vous allez lire le texte, vous allez avoir les meilleures réponses. Mais pour être clair, nous avons même été un peu excessifs par rapport au verrouillage des intangibilités. Je me rappelle M. Blanquet, l’ancien ministre d’éducation de la France, qui a eu une copie de la constitution. Quand il a lu le document, il m’a fait des notes pour dire que vous avez l’une des meilleures constitutions de l’Afrique francophone. Mais en revanche, vous avez trop verrouillé certaines dispositions. C’est pourquoi, quand on a eu la relecture du texte par les experts et par d’autres citoyens guinéens, on a revu même certaines parties pour éviter que la rigidité du texte ne constitue un élément de sa vulnérabilité.
Donc, nous avons évolué positivement par rapport au verrouillage des intangibilités. On n’a pas régressé, mais on a évolué. On a apporté des éléments nouveaux qui rendent difficile l’utilisation de l’argumentaire révision pour faire le changement constitutionnel », a martelé Dr Dansa Kourouma.
De la minorité parlementaire à la minorité citoyenne de blocage
Une autre nouveauté évoquée par le président du CNT, c’est la mise en place d’une pétition populaire capable de bloquer toute tentative de révision ou de modification de la constitution. Le texte prévoit un délai de 30 jours selon Dr Dansa Kourouma, durant lequel les citoyens peuvent manifester leur opposition via une pétition.
« Nous sommes allés plus loin pour donner au peuple la possibilité de s’opposer à toute action de prise de pouvoir anticonstitutionnelle. La pétition a été aussi instaurée comme une modalité pour bloquer une révision inopportune de la constitution. Désormais, quand il y a un projet de révision qui est soumis et que le gouvernement ou le président veut soumettre à la population, les citoyens ont 30 jours, si je ne me trompe pas, un délai pour s’opposer par pétition. Et la nouvelle constitution donne un délai et un nombre de signatures requis pour empêcher que le texte constitutionnel issu d’une révision inopportune soit soumis à la volonté du peuple. Donc il y a une minorité de blocage populaire qui n’est plus une minorité de blocage parlementaire, mais aussi une minorité de blocage citoyenne », a aussi ajouté le président du CNT.
Une Constitution sécurisée, mais à vulgariser
Même si la solidité juridique de la nouvelle Constitution semble assurée, Dansa Kourouma reconnaît toutefois que le véritable défi réside dans l’appropriation populaire du texte.
« Il y a beaucoup de verrous de sécurité, mais ce que je vais dire, verrouillez votre texte comme vous voulez. Mais c’est une question de mentalité de ceux qui dirigent. C’est une question de mentalité du peuple. Plus la constitution est appropriée par la population, plus elle est expliquée, enseignée et comprise par la population, les velléités de changement constitutionnel deviennent improbables parce que le peuple sait déjà ce qui est prévu dans sa constitution comme sécurité. Donc c’est pourquoi je dis que l’élaboration de la constitution est importante, mais la vulgarisation est importante aussi. Elles ont le même niveau d’importance », a conclu Dansa Kourouma.
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 30 juin 2025 08:22Nous vous proposons aussi
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