Morissanda Kouyaté recadre un ex ministre français: « La Guinée n’est pas une tribune anti-Trump… »

CONAKRY- Un échange tendu mais révélateur s’est produit lors des Journées de planification et de la coopération internationale organisées à Conakry par le gouvernement guinéen.

Alors que l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, s’en est vivement pris au président américain, Donald Trump et à sa « politique unilatéraliste », le ministre guinéen des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens établis à l’étranger, Dr Morissanda Kouyaté, a réagi avec fermeté.

Dans une déclaration sans détour, il a recadré les débats et défendu la position de neutralité diplomatique adoptée par Conakry dans un monde en profonde mutation et de repositionnement.

Prenant la parole après l’intervention de Hubert Védrine, le chef de la diplomatie guinéenne a condamné ce qu’il a considéré comme une tentative de “transformer” la rencontre organisée par le Gouvernement guinéen, en une tribune politique à caractère partisan.

« La Guinée n’a pas organisé ce forum pour servir de tribune anti-Trump ou anti-américaine », a affirmé Dr Morissanda Kouyaté d’un ton ferme qui rappelle que la Guinée refuse d’être entraînée dans des querelles idéologiques ou partisanes des puissances mondiales.

Il a rappelé que l’objectif du forum était tout autre : favoriser un cadre de réflexion sur les mécanismes de coopération et les moyens de mobilisation des ressources en Afrique, et non un espace de règlement de comptes politiques. Citant l’actuel dirigeant guinéen, le Général Mamadi Doumbouya, Dr Morissanda Kouyaté a rappelé la ligne diplomatique du pays :

« Nous avons réuni ici, sur proposition du chef de l’Etat, nos amis, nos admirateurs, ceux qui nous comprennent. Donc, je voudrais préciser l’idée du chef de l’Etat qui a prévalu à la tenue de ce forum. Il s’agit d’analyser le passé et voir avec les structures actuelles, les mouvements actuels, comment peut-on mobiliser les ressources. Point final. A la tribune des Nations unies, en septembre 2023, notre président général Mamadi Doumbouya a dit ceci. ‘‘La Guinée n’est ni pro, ni anti-américaine, ni pro, ni anti-français, ni pro, ni anti turque, ni pro, ni anti chinois. La Guinée est simplement pro-guinéenne et pro-africaine’’.

Donc, ça doit être clair que la Guinée n’a pas organisé une tribune anti-Trump ici. Le président Donald Trump a été élu par le peuple américain, considéré comme une des plus grandes démocraties dans le monde, que nous respectons. Quelles sont les conditions ? C’est le peuple américain qui les a définies et ils l’ont choisi. Donc, la Guinée n’a aucune objection et la Guinée n’accepte pas qu’elle soit une tribune anti-Trump », a fait savoir Dr Morissanda Kouyaté à Hubert Védrine.

Un rappel historique à la souveraineté

En remontant à l’histoire post-coloniale de la Guinée, Dr Morissanda Kouyaté a évoqué les conséquences de la rupture avec la France en 1958 : sabotage économique, isolement international, et résistance farouche d’un peuple décidé à se tenir debout.

« L’histoire politique de notre pays rappelle que, lorsque nous nous sommes arrachés à la colonisation, nous avons été classés au banc des nations. Nos rails ont été sabotés, nos billets de banque ont été ponctionnés, l’éducation a été sabotée, l’économie a été injectée de faux billets pour faire agenouiller notre pays. Mais un peuple déterminé ne s’agenouille pas. Quand nous étions dans une situation difficile, quels sont les peuples qui sont venus aider la Guinée ? C’est le peuple américain, le peuple chinois, le peuple soviétique d’alors et j’en passe. C’est eux, qui sont venus aider la Guinée. La Guinée n’oublie pas et la Guinée n’est pas ingrate. Donc, ça doit être clair que la Guinée n’a pas organisé une tribune anti-Trump ou anti-américaine. Ça, ça doit être clair », a martelé le Ministre des affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Guinéens établis à l’étranger.

Dans un monde marqué par des conflits géopolitiques complexes, la Guinée entend jouer un rôle de stabilisateur et de médiateur. Le chef de la diplomatie guinéenne a souligné la position du président Doumbouya, militaire de formation, qui place selon lui, la paix au cœur de son engagement international.

« Dans les guerres dont nous parlons, la position du président de la République est claire : Notre pays, connaissant les affres de la guerre, puisque notre président est un militaire pur et dur, connaissant les affres de la guerre, s’implique lui-même à la tête de notre diplomatie pour que tous les foyers de tensions, de guerres, soient éteints pour que le monde vive en paix, en sécurité, pour le développement, pour le bien-être social, économique, la paix, le respect des autres peuples, le respect des autres gouvernements.

L’Amérique, il y a un an, était encore l’amie de beaucoup de pays. Elle était adoubée. Heureusement que la Guinée n’a pas changé de position. Nous sommes restés sur la ligne tracée par le chef de l’Etat. Si nous avions suivi à ce moment, où serions-nous aujourd’hui ? Après un an, tout ce qu’on venait défendre dans nos bureaux diplomatiques, tout a changé. Ceux qu’on venait défendre sont devenus des ennemis. La Guinée ne rentre pas dans ce jeu », a aussi martelé Dr Morissanda Kouyaté.

Le ministre guinéen des affaires étrangères a enfin insisté sur l’approche guinéenne : une diplomatie de respect mutuel, où chaque nation est accueillie sans jugement ni exclusion.

« La Guinée est un pays constant. Elle sait d’où elle vient. Elle sait ce qu’elle a subi. Elle sait ce qu’elle a choisi. Et encore une fois, tous les pays du monde, comme l’a dit le chef de l’Etat, sont les bienvenus ici. Et quand ils sont ici, ils sont protégés et respectés. Que cela soit la base diplomatique de votre rencontre économique et politique », a précisé Dr Morissanda Kouyaté.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

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