Mohamed Aly Thiam prévient : « Tout parti politique qui ne pourrait pas remplir le critère… »

CONAKRY- C’est un sujet qui est très souvent revenu lors du débat d’orientation Constitutionnelle. La réduction des partis politique. Il s’agit d’un sujet sensible qui polarise les débats. Certains y voient une manœuvre visant à écarter certaines formations politiques des prochaines compétitions électorales. Le CNT travaille-t-il dans ce sens ? Le président de la Commission Constitution, lois organiques, administration publique et organisation judiciaire du Conseil national de la Transition apporte des précisions. Dans cette dernière partie de notre entretien, il lève aussi le voile sur le portrait-robot de l’avant-projet de la future Constitution.

AFRICAGUINEE.COM : Lors du débat d’orientation Constitutionnelle, la question de la réduction du nombre des partis politiques est souvent revenue. Certains acteurs voient cela comme un élément qui, s’il est pris en compte pourrait être un élément d’exclusion. Quelle est votre position sur cette question ?

MOHAMED ALY THIAM : A propos du nombre des partis, là ça peut-être un problème, pourquoi ? Parce que c’est quasi-unanimement que les opinions qui ont été exprimées ont dit que nous avons un nombre pléthorique de partis politiques et que cela pourrait engendrer une démocratie qui sera bâtie sur des bases conflictuelles. Or, il faut éviter que pour un pays comme le nôtre, la démocratie soit fondée sur des conflits. Il faut réduire les sources et les possibilités de conflits. Or, lorsque vous prenez le nombre de partis que nous avons aujourd’hui, certains sont d’accord d’autres ne le sont pas et c’est sur ça que nous allons partir en pensant que la majorité des partis sont d’accord ou la majorité n’est pas d’accord. Nous arrivons à quoi ? c’est qu’il y aura toujours une minorité qui bloque.

Lorsque vous prenez ce nombre de partis, qui connait aujourd’hui la statistique des membres de ces partis ?  Il y en a qui disent qu’ils sont partis politiques. Combien ont-ils en termes de militants ?  Ils sont 10, 15 ou 20 personnes, 1 ou 2 millions ? Personne ne sait. Il faut qu’il y ait maintenant des critères…Il ne faut pas seulement que quelques individus réunissent pour dire que nous sommes un parti et qu’ils soient là pour créer des conflits. Et qu’à chaque fois qu’ils ne peuvent pas être satisfaits, ils disent qu’on les a exclus sans qu’ils ne représentent en réalité un véritable parti politique à implantation nationale.

Parce qu’il ne s’agit pas de donner le nom d’un parti mais le critère d’être un parti politique c’est d’avoir une implantation nationale. Il faut maintenant réfléchir aux éléments, critères ou conditions de cette implantation nationale. Il ne s’agit pas d’éliminer quelqu’un. Il s’agit de faire en sorte que les partis soient représentatifs. De dire donc, pour être un parti politique, voici les conditions ou critères qu’il faut remplir.

Mais le premier critère, celui qui a été le fondement de toutes les Constitutions depuis la Loi fondamentale c’est l’implantation nationale. Parce qu’on ne veut pas qu’un parti soit ethnique, régional, c’est pourquoi il faut une implantation nationale parce que c’est ce qui vise l’unité nationale. Tout parti qui ne pourrait pas remplir cette première condition et d’autres qui ont été proposées, se verra exclu du jeu politique.

Peut-être qu’il y en a qui ont peur de ce caractère objectif, de construction du système partisan guinéen. Si nous sommes d’accord sur le principe de l’implantation, il s’agira maintenant d’ajouter des critères qui permettent de constater que tel parti ou autre sont d’implantation nationale et les autres ne sont pas là. Et, dans ces conditions, ces parti-là doivent reconquérir l’implantation nationale. En fait l’élaboration qui sera faite, c’est de pousser les autres partis à avoir une implantation nationale et ne plus être fondés sur des questions subjectives de nature à bloquer le fonctionnement normal de la démocratie en Guinée.

Six mois sur les 24 que la Guinée et la CEDEAO ont convenu sur la durée de la transition, se sont écoulés. Concrètement, qu’est-ce qui est fait pour ce qui est de la Constitution ?

La garantie que je peux donner, c’est qu’avant le dernier trimestre de cette année on pourrait avoir un avant-projet de Constitution. C’est cette garantie que je peux donner en tant que président de la Commission Constitution. Cela n’engage que moi en tant président de la Commission qui est chargée de produire un avant-projet.

Pouvez-vous nous faire le portrait-robot de la future Constitution ?

C’est une Constitution qui pose les règles de la démocratie, de la transparence, de la redevabilité, de la loyauté envers la nation, du respect des droits humains, surtout de la dignité humaine, de la libre circulation et du libre établissement du guinéen sur toute l’étendue du territoire national. C’est le respect de l’hymne nationale, des couleurs nationales, c’est l’éveil de la Conscience d’appartenir à une communauté qui s’appelle la Guinée.

Une expression revient très souvent dans les discours. C’est celle d’avoir une Constitution résistera dans le temps. Comment y arriver ?

Une Constitution a deux vocations : la première c’est la perpétuité, c’est-à-dire qu’elle va durer longtemps, la deuxième c’est son adaptabilité, sa contextualisation. Il y a des éléments dans une Constitution qui, pour permettre la Constitution de demeurer longtemps permettent certaines dispositions touchant certaines matières, puissent s’adapter à l’évolution humaine. Malheureusement en Guinée, on ne fait pas la distinction entre les deux. Par exemple, depuis 1958 nous avons le même hymne, le même drapeau, la même devise, le même territoire, nous avons le même besoin du respect de la dignité humaine, le même devoir de respect de la loi, des libertés et droits fondamentaux. Donc il y a des choses qui ne peuvent pas changer dans une Constitution.

Alors comment voulez-vous dire que vous allez changer toute une Constitution en disant qu’on va maintenir la liberté d’opinion et de presse ?  C’est deux choses qui ne peuvent pas changer. C’est soit on est d’accord on va respecter les libertés ou on n’est pas d’accord. C’est des éléments qui ne peuvent pas changer. Il y a des éléments par contre qui doivent changer. Par exemple la compétence du Conseil Economique et Social. On peut également décider, qu’à un moment donné, que nous pourrions nous fondre dans un Etat plus large que la Guinée par un accord avec d’autres pays. Il y a des éléments qui ne peuvent pas changer dans une Constitution mais ce que l’on sait, c’est que la Guinée ne sera plus un royaume, ni sultanat, une principauté, c’est la République.

Donc, on ne peut pas changer toute une Constitution. Il y a des éléments qui peuvent ou doivent changer, d’où c’est qu’on appelle le principe d’intangibilité et de mutabilité de la Constitution. Malheureusement on met tout dans le sac et on est prêt à faire la démagogie pour dire qu’une Constitution doit être totalement révisée, non, c’est des éléments de la Constitution qui peuvent en raison de la survenance d’éléments nouveaux dans l’évolution de la Nation qui peuvent amener à changer cette partie de la Constitution et à en garder d’autre.

Mais la perversité politique a fait qu’on a pensé qu’il faut changer toute la Constitution. C’est par perversité politique qu’on change toute la Constitution. Sinon les droits et liberté ne changent pas. Le principe de l’indépendance de la justice ne peut pas changer, le principe de la séparation des pouvoirs ne peut pas changer. Donc, remettre toute la Constitution en cause est une perversité politique.

Votre mot de la fin ?

C’est que j’ai ajouté, les médias ont un rôle à jouer pour faire entendre raison à tout le monde. Nous avons actuellement un besoin impérieux de sortir de la transition. Nous avons un impérieux besoin d’une Constitution qui nous rassemble. Nous avons besoin d’une unité nationale qui nous permet de vivre ensemble dans la paix et le besoin impérieux que nous avons, c’est qu’il n’y ait plus de militants qui se dressent les uns contre les autres, mais qu’il y ait des citoyens guinéens qui, malgré la diversité et leur différence peuvent se mettre ensemble et discuter de leur patrie. Les militants ne le peuvent pas puisqu’ils sont dressés pour être opposés aux uns et aux autres mais les citoyens peuvent le faire, des patriotes ou des compatriotes peuvent le faire.

Alors ce qu’il faut en Guinée, c’est des individus qui se réclament dans la citoyenneté, qui sont des patriotes loyaux à leur nation. Le rôle des médias et des partis politiques c’est de former cet esprit citoyen.

Si nous contribuons tous à l’éducation civique, à la mentalité citoyenne, à la volonté patriotique, nous pourrons construire une Guinée paisible. Alors paisible ne veut pas dire qu’il y a absence de conflits mais au moins il y a des mécanismes qui permettent au moins de prévenir ou de résoudre rapidement les conflits afin que nous pussions avancer rapidement. Car le progrès se construit par la contradiction, la diversité.

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 21 juin 2023 15:53

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