Mamadou Moussa Barry, Directeur Préfectoral de l’Habitat de Koundara : « Un domaine de l’État ne s’achète pas… »

KOUNDARA- Depuis le 5 septembre 2021, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) déroule une vaste opération de récupération des domaines de l’État. A Koundara, l’occupation des domaines appartenant à l’Etat est une réalité. Par endroit, certaines anciennes bâtisses publiques sont vétustes et d’autres sont à l’abandon. Pour en savoir davantage Africaguinee.com a interrogé Mamadou Moussa Barry, actuel directeur préfectoral de l’habitat.
AFRICAGUINEE.COM : Depuis le 05 septembre 2021, les autorités ont engagé une vaste opération de récupération des domaines de l’Etat. Quel est le point de la situation dans la préfecture de Koundara ?
MAMADOU MOUSSA BARRY : Aujourd’hui, nous avons vraiment des difficultés parce que là, les gens ont vraiment morcelé les domaines de l’État et les ont vendus à des citoyens. A notre arrivée nous avons cherché d’abord à récupérer les domaines spoliés. A cette date, tout ce qui a été vendu par l’équipe sortante, nous avons pu récupérer. Beaucoup ont fait de la prison à cause de cette situation. Alors, nous avons nos domaines maintenant dans nos mains. Nous nous en félicitons même s’il y a toujours un souci par rapport à cela parce que ce sont des pratques ancrées. Ce sont des domaines qu’on a attitrés au nom de l’État, mais c’est quelque chose qui doit être amélioré parce que les domaines n’ont pas été délimités. Aujourd’hui, nous avons cette difficulté parce que, quand je prends l’exemple sur l’aéroport de Sambaïlo, qui fait 103 hectares, de nos jours, on ne peut pas dire que ça commence ici, le point A, c’est ici, le point B, c’est ici, etc.
Donc, nous avons cette difficulté. Même ici aussi, il y a une autre zone réservée au compte du ministère de l’Énergie qui fait 10 hectares, qui n’est pas encore délimitée. Il y a une autre aussi, au compte du ministère de l’Élevage, qui fait 3 hectares, qui n’est pas encore délimitée. Il y en a beaucoup dans les sous-préfectures, mais nous continuons la sensibilisation. Nous le faisons chaque jour en essayant d’expliquer à la population c’est quoi vraiment l’avantage de notre venue ici. Donc, celle ou celui qui a besoin d’une parcelle ou bien d’un domaine, c’est de vraiment passer à l’habitat. Nous sommes vraiment censés leur expliquer que telle zone c’est pour l’habitation et cette autre est réservée.
Cela relève de nos compétences et nous sommes là pour ça ; pour expliquer clairement des choses comme ça à la population. Mais pour le moment, à Koundara, les gens ne sont pas vraiment trop sensibilisés par rapport à cette situation. Dès que vous parlez d’habitat, vous faites face à des résistances ; à des personnes qui sont vraiment allergiques. Dès que tu parles, ils disent que nous, on nous a vendus, on nous a vendu un plan de masse sous sa main. Si on vous vend ce qui appartient à l’Etat, franchement, je suis désolé. Il y a même les faux titres fonciers à plus forte raison un plan de masse qui est établi par un simple directeur préfectoral. C’est important ça.
Vous dites que des membres de l’équipe sortante, avaient vendu des parcelles. Qui sont ces cadres ? sont-ils de la préfecture ?
Non, quand je dis l’équipe sortante, c’est par rapport à la direction préfectorale de l’habitat. Je ne parle pas de la préfecture, je parle de l’habitat. Je précise qu’avec mon homologue sortant j’ai un autre souci. Même un bout de papier, je n’ai pas trouvé. Qui parle de l’habitat, parle d’archives. Malheureusement, il est parti avec tout. J’ai remonté l’information auprès des autorités compétentes mais jusqu’à présent, je n’ai pas eu gain de cause. Donc, j’ai repris les choses à zéro. C’est ça. Je parle bien de l’équipe sortante, de la direction préfectorale de l’habitat.
Vous dites que vous avez récupéré les domaines appartenant à l’Etat. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour ce qui concerne la commune urbaine, 15 hectares sont totalement récupérés. C’est vérifiable. Pour preuve, il y a le département de l’énergie qui vient de quitter et qui a besoin d’implanter une centrale solaire là-bas. Donc, on vient mettre à leur disposition les documents pour 10 hectares, parce que ça, c’est d’utilité publique. Le reste du domaine aussi est disponible. Donc, pour ce qui concerne les autres sous-préfectures, quand je prends le cas de Terméssé, à Sambaïlo, c’est la même chose, à Saréboïdho, c’est la même chose. Tout est récupéré.
Selon vous, des gens ont acquis des domaines à l’aéroport de Sambaïlo. Pouvez-vous nous dire les cadres qui ont facilité cela ?
Encore une fois je parle de l’équipe sortante. Par exemple, le monsieur qui a eu à faire la plaque quand je lui ai demandé, il m’a dit qu’il a acquis son domaine à travers à l’ancien maire de la commune rurale de Sambaïlo ; paix à son âme. Mais je lui ai dit que j’étais désolé, c’est un domaine appartenant à l’État, qu’on ne peut ni vendre, ni donner. C’est titré au nom de l’État et ça doit être sécurisé. Donc, je pense qu’avec la sensibilisation, beaucoup ont compris.
Généralement, les autorités locales sont impliquées dans la vente des domaines de l’État. Est-ce que c’est le cas à Koundara ?
Oui, bien sûr, c’est de cela que j’ai hérité ici. Ce n’est pas pour nous lamenter, mais nous on a prêté serment. C’est ça la différence entre l’équipe sortante et la nôtre. Nous on a mis nos mains sur le coran avant d’être là pour la gestion de l’habitat. Un domaine de l’État, on ne joue pas avec. Je ne suis pas venu ici pour le lotissement ou autre chose pour établir les plans de masse. D’abord, ma mission principale, c’est quoi ? C’est d’identifier les domaines appartenant à l’État, si c’est occupé, les récupérer, si c’est récupéré, de les sécuriser. C’est ma mission principale et j’ai prêté serment par rapport à ça. Donc, je pense que de nos jours, ça c’est acquis, je profite aussi de l’occasion pour vous dire, qu’à mon arrivée, nous n’avons rien hérité, il n’y a pas eu passation de service, je suis venu créer une cellule qu’on appelle cellule d’archives ici, qu’on est en train d’utiliser, c’est opérationnel. Durant le peu de temps qu’on fera ici, tout ce que nous allons faire sera archivé. Après, nous, celui qui viendra n’aura pas besoin de réfléchir deux fois, c’est de consulter les archives et puis voilà, il est mieux situé.
Il y a quand même des gens qui ont occupé des domaines de l’État et qui ont mis de l’argent. Comment gérez-vous des situations de ce genre ?
Bon, je prends le cas de l’usine, dans le quartier Dar Es salam, il y a un monsieur, un certain docteur Harouna, je pense. Si je ne me trompe pas, il a investi beaucoup d’argent, il a fait une grande école professionnelle de santé, donc là, à mon arrivée, je l’ai invité pour l’écouter. Il m’a dit qu’il a acheté ici, je lui ai dit qu’on l’a trompé en lui vendant un domaine de l’État, je suis vraiment désolé, nous, nous récupérons le domaine. Donc, de fil à aiguille, on a échangé avec lui, on a cherché à lui faire comprendre qu’on ne peut pas acheter un domaine de l’État. C’est impossible. Donc, je lui ai demandé si les gens qui lui avaient vendu étaient là ? C’est lui d’ailleurs qui a invité les gens, je prends l’exemple sur le directeur sortant, il a emprisonné ce dernier, et il y a un autre aussi… Tous ceux qui ont contribué vraiment à la vente de ce domaine, ils ont été interpellés, emprisonnés et puis ils ont remboursé l’argent.
Donc, c’est pour vous dire que de nos jours, on peut se lamenter et puis se frotter les mains et dire que vraiment, l’objectif est atteint dans ce sens. Donc, le fondateur de cette école, moi, je lui avais dit, que ce qu’on peut faire pour lui, c’est de lui accorder ce qu’on appelle un bail emphytéotique, c’est-à-dire, minimum c’est 18 ans, maximum 99 ans. Donc, je pense qu’il est dans cette lancée comme ça, il a entamé les procédures mais au plus haut sommet, à partir du département, maintenant, après, là-bas, ils viendront vers nous.
Alors, pour quelqu’un qui souhaite acquérir un domaine, pour s’installer ou investir, quel conseil pouvez-vous lui donner en tant que spécialiste du domaine de l’habitat ?
C’est simple. Comme vous l’entendez, c’est le ministère de l’urbanisme de l’habitat, donc il faut vraiment consulter, c’est-à-dire venir à la source. La source ici, c’est l’habitat. C’est nous qui pouvons vous dire que la zone-là, c’est une zone d’habitation, ici, c’est une zone réservée, c’est une zone industrielle, etc. Donc, c’est l’habitat seulement qui est censé le faire.
Si vous voulez acheter, c’est conseillé de venir à l’habitat. Si vous voulez vendre, c’est la même chose. Mais vous savez, la population n’est pas vraiment imprégnée de ça. C’est ça aussi un peu le problème, surtout à Koundara, parce qu’ici, les gens aiment tellement l’arrangement social que dès que tu leur parles un peu des principes, ils n’aiment pas ça. Mais avec la sensibilisation, franchement, beaucoup ont compris que celui qui veut acheter maintenant, passe à l’habitat et demande, oui, monsieur le directeur, nous voulons de ça. A mon tour, il y a les documents ici, que je fais sortir, je montre. Ceci pour dire au demandeur : évitez la zone là, c’est une zone réservée de l’État. N’acceptez pas d’acheter ici.
Ainsi, si l’intéressé veut acheter, il se réserve vraiment d’acheter et puis c’est comme ça. En tout cas, nous sommes sur la bonne voie par rapport à ça pour ce qui concerne vraiment la sensibilisation et nous le faisons au moins deux fois par mois.
Vous avez évoqué le manque d’équipement et de matériels pour la sécurisation des domaines de l’État. Que voulez-vous dire concrètement ?
Ce n’est pas une situation spécifique à Koundara. Quand je prends l’exemple sur les TF (titres fonciers), ils ont eu à lever des domaines, déposer ça avec les coordonnées, malheureusement, nous qui sommes là, étant directeur préfectoral de l’habitat, nous n’avons pas un instrument de topographie qu’on peut utiliser pour délimiter, faire les relevés des domaines. Parce que le titre foncier doit être accompagné de coordonnées, s’il y avait vraiment un instrument topographie, c’était seulement introduire les coordonnées et ça pourra vraiment nous aider à délimiter.
Avec les bornes géantes, on pouvait le faire, ou bien délimiter avec une route. Malheureusement, nous ne sommes pas équipés. C’est avec mon téléphone, j’ai des applications que j’utilise. Malheureusement, avec ça, il n’y a pas de précision, la tolérance est grande. Donc, on ne peut pas. C’est ça le souci. Mais depuis mon arrivée à Koundara, j’ai fait beaucoup de rapports, par rapport à ça pour remonter à qui le droit. Pour le moment, il n’y a pas eu gain de cause, nous attendons. Comme c’est l’État, quel qu’en soit le temps, l’État va réagir.
L’autre constat que nous avons fait dans la commune urbaine de Koundara, les Infrastructures publiques, sont vétustes, et par endroit elles sont abandonnées. Qu’est-ce qui est en train d’être fait pour que cette situation change ?
Je vous informe, qu’au niveau de l’habitat, mon département de tutelle, il y a l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU). Elle existait sans moyens de fonctionnement. Le Président a nommé les gens, et a fini de meubler la structure.
Donc, les gens-là, ils ont été déployés ici, ils ont identifié tous les domaines, bâtis et non bâtis, les bâtiments administratifs qui sont là, vous avez vu, la cité-là, ça fait 4 hectares jusqu’au niveau de la commune urbaine, malheureusement, les bâtiments sont abandonnés, il n’y a pas grand-chose par rapport à ça. Donc, ces agents-là sont passés, ils ont identifié les bâtiments, ils ont fait un état des lieux et ils sont repartis. Donc nous sommes à l’attente parce qu’il y a des promesses.
Quel est, aujourd’hui, le message que vous pouvez lancer à l’endroit des habitants de Koundara et d’autres citoyens qui vont vous lire à travers cet entretien ?
Ce que je pourrais dire, c’est que si vous voulez acquérir une parcelle ou des parcelles, c’est de passer à l’habitat, c’est simple. Ici, nous avons vraiment les documents qu’on peut vous soumettre. Pour avoir une parcelle, on va vous expliquer les conditions et les démarches à suivre. Donc, nous, nous sommes bien placés pour vous expliquer et c’est ce que nous sommes en train de faire chaque jour que Dieu fait. Moi, dès qu’il y a deux ou trois personnes dans mon bureau, je profite. On a toujours cherché à leur expliquer comment il faut faire pour avoir une parcelle et si vous êtes prêt à vendre aussi, comment le faire.
Je pense que beaucoup sont vraiment informés maintenant par rapport à ça mais d’autres aussi refusent. Quand je prends l’exemple sur le permis de construire, certains ne le prennent pas. Mais on a fait de la sensibilisation par rapport à tout ça. Petit à petit, les gens sont en train de comprendre. Car non seulement il faut prendre les documents légaux et en même temps, ils demandent de prendre aussi tout ce qui est lié au foncier.
Comment faciliter l’accès à ces documents ?
A Koundara, il n’y a pas de problème. Je vous informe qu’ici, un plan de masse, par exemple, le maximum, si ça dure, c’est 5 jours. Ça, c’est le maximum. Parce que je vous dis, il n’y a pratiquement rien. Je peux rester plus de 10 jours, 15 jours ici sans avoir de client pour un plan de masse. Là où on peut parler de ça, c’est là où j’ai quitté à Coyah par exemple. Là-bas, tu peux attendre un mois, deux mois, trois mois sans avoir ton plan de masse parce que les clients sont nombreux. Mais ici, malheureusement, il n’y en a pas. Donc, l’affluence n’est pas comme ça et, il n’y a pas beaucoup de personnes qui sont intéressées par ça. Mais maintenant, ça va. Petit à petit, ils comprennent.
Quel est votre dernier message pour clôturer cet entretien ?
C’est de vous remercier. Remercier mon ministre, Monsieur Mory Condé qui est en train de beaucoup faire pour ce département de l’urbanisme et de l’habitat et de passage, remercier mon préfet aussi, qui est toujours à mes côtés et chaque fois que le besoin est là. C’est un monsieur qui est à l’écoute et puis, il me donne son coup de main. Je ne pourrais terminer sans remercier le président refondateur, Bâtisseur, son Excellence Général Mamadi Doumouya qui est en train d’œuvrer pour le changement dans ce pays. Comme on aime le dire souvent, nous sommes dans l’esprit du CNRD et on est prêts à l’accompagner sur tous les plans. Je vous remercie.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 5 janvier 2025 07:04