Les confidences d’Elhadj Abdoulaye Amie Soumah, vice-président du parti MoDeL : « ce que nous comptons faire pour obtenir la libération d’Aliou Bah…»

CONAKRY-Deux semaines après la condamnation d’Aliou Bah, à deux ans d’emprisonnement pour offense au chef de l’Etat, son parti Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL) envisage de nombreuses initiatives pour obtenir sa libération. Pour en parler, Africaguinee.com a interrogé Elhadj Abdoulaye Amie Soumah, vice-président du MoDeL. Interview !!!

AFRICAGUINEE.COM : Depuis deux semaines Aliou Bah croupit en prison, purgeant une peine de deux ans pour offense au Chef de l’Etat. Comment le MoDel vit-il cette situation ?

ELHADJ ABDOULAYE AMIE SOUMAH : Nous la vivons péniblement et avec beaucoup de regrets parce que, comme vous voyez, c’est un procès politique, une détention arbitraire. Donc, c’est ce que nous sommes en train de vivre actuellement au niveau du MoDeL.

Vous avez entamé certaines initiatives pour dénoncer et exiger sa libération. Parlez-nous en…

Il y a plusieurs initiatives. Étant donné que c’est un procès politique, nos avocats sont en train de faire ce qu’ils peuvent faire. Et au niveau du parti, nous sommes en train de faire certaines choses, des manifestations pacifiques, tels que des sit-in, que nous organisons au niveau de notre siège. Vous n’êtes pas sans savoir que la liberté individuelle et collective sont complètement piétinées dans notre pays. Et nous sommes limités à ça.

Nous ne sommes pas un parti violent. Nous essayons de faire les choses de façon pacifique et informer aussi les militants, les sympathisants sur ce qui se passe, sur notre parti, sur notre président. C’est dans ce cadre-là que nous avons encore projeté le deuxième sit-in qui va être organisé le 25 janvier, c’est-à-dire samedi prochain. Une manifestation à laquelle nous invitons tous les partis politiques, les activistes et tous ceux qui sont épris de liberté et qui défendent la liberté individuelle et collective dans notre pays. Voilà un volet que nous sommes en train d’explorer en ce moment.

Ce sit-in que vous projetez le 25, c’est toujours au siège du parti, où bien vous allez le délocaliser cette fois-ci ?

Ça va être au siège du parti. Mais c’est une occasion aussi d’informer parce que le sit-in est une forme de manifestation qui est plus connue dans notre pays.  Les citoyens doivent comprendre que ça fait partie du processus. Ce n’est pas une manifestation de rue. Nous faisons une protestation à l’intérieur de notre siège.

Je me sens un peu coupable par rapport à ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays parce que je fais partie des gens qui ont applaudi le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement). Je fais partie de ces personnes qui sont passées un peu partout, comme à la chaine Voix de l’Amérique, pour dire que le (CNRD) est une équipe qui doit être soutenue. Parce que nous avons cru au président de la transition, nous avons cru aux premières promesses dans son discours.  Et quand tu regardes aujourd’hui, il y a beaucoup de personnes aujourd’hui, dans le CNRD, militaires, comme civils, qui ont été victimes d’injustices à un moment donné de la vie de ce pays. On ne peut pas imaginer que ces personnes-là puissent cautionner l’injustice contre une autre personne. Et voilà, c’est très triste, c’est très dommage.

Mais c’est un peu ça aussi, l’être humain, les choses changent. Mais c’est très surprenant que nous voyons que ce qui a été dit n’est plus à l’ordre du jour aujourd’hui. Donc une fois de plus, ce sit-in, c’est un mouvement, une manifestation à l’intérieur du siège de notre parti.  Les gens ne viennent pas pour se jeter des cailloux, mais ils viennent pour se faire entendre et faire entendre la démocratie.

Au-delà des sit-in, quelle autre initiative comptez-vous entreprendre ?

Bon, sur le plan judiciaire, par exemple, les avocats avaient fait appel. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’autres options qui s’offrent à nous, telle que la CEDEAO (La communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Il n’y a pas un jour qui passe, par exemple sans qu’une personne ne m’appelle comme des avocats pour dire : écoutez, nous avons appris ce qui se passe autour de Monsieur Bah. On se fait volontaire pour aller le défendre. Mais vous voyez ce que ça fait ? Ça fait un peu très mal que nous, en tant que Guinéens, qu’on arrive à traîner notre pays vers des institutions internationales dans la mesure où nos autorités n’arrivent pas à nous permettre d’avoir une justice équitable pour tout le monde. Donc, nous allons mettre ces avocats à profit. Nous allons leur donner la possibilité de nous défendre. Et au niveau local, tout est mis en place pour que nous puissions le soutenir. Sur le dossier, je pense que les avocats vont s’exprimer sur ça. Mais la dernière nouvelle est que nous irons jusqu’au niveau de la CEDEAO et voire même beaucoup plus loin.

On sait que la décision a été déjà attaquée au niveau de la Cour d’appel.  À ce niveau-là, quelle est la situation à date ?

A la dernière nouvelle, nous avons appris que le dossier attendait la partie administrative. Mais ce qui est sûr, le dossier est maintenant sur la table de la Cour d’appel. C’est la Cour qui doit programmer le dossier pour que M. Bah puisse partir là-bas et puis nous souhaitons que tout s’arrête à ce niveau et que finalement il arrive à retrouver sa liberté.  Il faut que les gens comprennent, il n’y a jamais de forts pour toujours. Il y a le fort du moment, mais jamais de forts pour toujours. Et si on n’était pas religieux, inspirons-nous seulement sur notre histoire récente. M. Dadis, M. Alpha Condé, leur cas, ça dit tout de suite là, on dirait que c’était hier.

Le Comité National du Rassemblement pour le Développement nous avait promis qu’il allait s’inspirer du passé, qu’il allait éviter les mêmes erreurs. Malheureusement, ils ont multiplié voire même quadruplé les mêmes erreurs. C’est incompréhensible, c’est inimaginable.

Moi, quand les amis me disaient Soumah : comment tu peux supporter les militaires au pouvoir ?  Je répondais : ces messieurs-là sont différents. Après, il y a eu cette interview du président de la Transition Mamadi Doumbouya avec Alain Foka, j’ai envoyé la vidéo à ces amis-là, pour leur dire : voilà, lui c’est un soldat, il va respecter son engagement.

Aujourd’hui, ces mêmes amis m’appellent pour me dire Monsieur Soumah :  qu’est-ce qui se passe avec votre transition ? Mais ce qui est évident, quelle que soit leur durée là-bas, ils vont quitter ou partir. Ils sont venus nous dire ici, qu’ils allaient éviter l’erreur du passé, mais là ils nous ont créé des problèmes que la Guinée n’a jamais connus.

Aujourd’hui, on parle de kidnappings, des médias sont fermés, il y a quelques rares personnes qui ont un peu de courage et qui travaillent comme vous. C’est inhumain. Toute la promotion qu’ils font là, (Branding National à travers le NiMBA) et autres, tous ces bruits-là ne peuvent rien apporter. Parce que les gens que quand vous partez c’est des kidnappings, des arrestations arbitraires, c’est-à-dire, et puis il faut voir des infractions qui n’existent même pas et c’est à cause de ça que monsieur Aliou Bah est condamné tout simplement parce qu’ils ne peuvent rien prouver.

J’en appelle à la responsabilité, à la compréhension qu’ils sachent que c’est un père de famille qu’ils ont mis là-bas. Qu’ils (les dirigeants de la transition) sachent que c’est quelqu’un qui aime la Guinée, qui veut faire du bien pour la Guinée, qu’ils ont injustement emprisonné. Malheureusement, chez nous c’est comme ça. Les médiocres sont là, on leur donne tous les moyens pour détruire, au lieu de construire le pays. La Guinée a toujours été victime. Les meilleurs ont été emprisonnés ou complètement détruits, ou arrêtés et nous continuons à répéter la même chose depuis l’indépendance de notre pays, c’est vraiment regrettable. C’est difficile à comprendre. C’est pourquoi nous demandons qu’ils fassent tout pour libérer ce monsieur.

Chaque jour qu’il fait là-bas, c’est une honte pour la Guinée. Ça ne fait pas plaisir qu’on parle de la Guinée sur le plan négatif. Quels que soient les bruits que vous faites pour la promotion de votre pays, mais la réalité reste ce qu’elle est. Si vous voyez qu’il y a eu des diplomates qui sont partis assister au procès, ils ne sont pas partis forcément pour M. Bah, ils sont partis pour la Guinée. Ceux-là, ce sont des représentants des gens de l’extérieur. Ils vont informer la hiérarchie. Donc il faut que nos dirigeants là reviennent sur terre, qu’ils pensent que la privation de liberté, quel que soit ce que vous voulez faire, développement ou construction, si la liberté n’existe pas, je pense que tout ce que vous faites finalement ne peut rien apporter.

Alors vous êtes sans doute d’une manière ou d’une autre en contact avec M. Aliou Bah, qui est en prison. Quel est son état ?

Aliou Bah, c’est le corps qui est en prison mais jamais l’esprit. C’est un monsieur lucide et combatif. Il croit à la vérité, il croit à son destin, il sait qu’il est injustement arrêté. Donc rien ne changera sa détermination. À chaque minute qu’il est en prison, ça augmente sa détermination pour ce pays. Il croit à la Guinée, il croit aux valeurs républicaines, il croit à la démocratie. Donc c’est un monsieur serein et croyez-moi, c’est un corps qui est là-bas, mais pas l’esprit. Son esprit est plus libre que ceux qui l’ont condamné. La plupart des gens qui l’ont mis en prison, ce sont eux qui sont en prison aujourd’hui, parce qu’ils ne sont pas tranquilles avec leur conscience. Je ne sais pas comment tu peux condamner quelqu’un alors que toi-même tu sais que c’est sur du faux. Quand tu le fais, c’est que tu es dans la même prison et un jour, ces gens viendront réfléchir.

C’est M. Alpha Condé qui était là-bas, nous on s’est battus contre le troisième mandat, mais ce monsieur-là connaît aujourd’hui qui sont ses amis. Les gens qui l’enfonçaient dans l’erreur, ce sont les mêmes personnes qui soutiennent le président actuel dans l’erreur. Ce sont les businessmen. On distribue les biens de l’État à ces personnes, et les gens qui sont là pour aider la Guinée, on les prive de liberté. Aliou Bah est un jeune modèle à l’international, c’est un écrivain, c’est un jeune qui fait la fierté de la Guinée, mais on le met en prison parce que tout simplement, il a demandé au CNRD de respecter son engagement. Je ne sais pas en quoi cela peut être un délit ou une offense contre un président.

Au-delà de la CEDEAO, comptez-vous aller plus loin au niveau d’autres organismes internationaux ?

Nous allons épuiser toutes les cartes que nous avons sous la main. Je ne peux pas vous décrire tout ça ici. Les avocats font leur boulot. Je ne peux pas prendre le devant, ils vont s’exprimer, ils vont donner des éléments, mais mon souhait le plus ardent et que les autorités comprennent que c’est la plus mauvaise publicité qu’ils sont en train de faire à la Guinée en gardant Aliou Bah en prison. Car à chaque fois qu’il va à la cour, c’est le monde entier qui en parle. Chaque minute qu’il est en prison, c’est le monde entier qui parle. Il faut que les dirigeants de ce pays acceptent qu’on parle de la Guinée dans le sens positif.

Un gouvernement, son premier rôle c’est de sécuriser sa population, ses citoyens. Mais ceux-là sont venus avec des méthodes je ne sais comment qualifier. Combien d’enfants sont forcés dans le chômage alors que ce sont des enfants qui ont fait des études, leurs parents ont investi pour eux. Des milliers d’emplois ont été enfermés comme ça. Tout simplement parce qu’on ne veut pas entendre une autre voix critique. C’est très regrettable. Alors, qu’ils comprennent que garder Aliou Bah, c’est faire la très mauvaise publicité de la Guinée. Je pense qu’il faut arrêter l’hémorragie.

Quel est votre dernier message ?

Je vous remercie pour le courage que vous avez de continuer à faire ce que vous aimez faire : votre passion. Mon message aussi, c’est à l’endroit du CNRD, du gouvernement et de tout le monde. Heureusement, dans le CNRD, il y a beaucoup de personnes qui ont été victimes d’injustices, soit eux directement, soit leurs parents. Je veux qu’ils comprennent un peu l’indignité, comment ils ont géré ça. Je veux qu’ils fassent un peu de parallèle avec ce que M. Aliou Bah vit aujourd’hui et fassent tout pour qu’il soit libéré le plus rapidement que possible.

Comme je le disais tantôt, il y a des forts du moment, mais jamais des forts pour toujours. Nous allons tous mourir un jour et personne ne va se rappeler combien de bâtiments vous avez construits. Mais ce que vous avez fait comme œuvre, vous êtes là pour un temps. Donnez la chance à l’histoire d’être heureuse avec vous, d’avoir des éléments qu’il faut raconter positivement sur vous et sur lesquels vos familles vont être fiers.  Mais chaque minute que M. Foniké Menguè, Billo Bah, M. Sadou Nimaga, Marouane Camara, et tous les autres que je ne connais pas, toute cette brutalité, chaque minute que ces gens-là sont privés de leur liberté, comprenez que la Guinée n’aura pas de bonne image. C’est donc l’image de la Guinée qui est ternie. Mais aussi c’est un frein que nous posons ici sur la volonté des gens qui aiment la Guinée, qui veulent venir aider la Guinée.

S’il vous plaît, arrêtez cette hémorragie, laissez la liberté à nos frères et laissez-les. Ce pays-là nous appartient tous. Chacun de nous, je suis convaincu d’une chose, nous voulons tous du bien pour notre pays. La Guinée est notre bien commun, peut-être que la façon de le faire est différente. Mais si vous êtes contre la moindre critique, cela veut dire que vous avez des problèmes. Les critiques ne sont pas mauvaises, il faut les écouter, elles peuvent vous aider à corriger vos insuffisances et faire de vous de meilleures personnes. Une fois de plus, merci pour cette interview.

Le CNRD ne devrait pas créer l’opposition. Ils ont finalement créé l’ami du CNRD et les opposants du CNRD, comme monsieur Aliou Bah le disait. Cela ne devrait pas être là. Le CNRD est là pour la transition. Quelles que soient les maquillages que vous allez donner, vous êtes là pour la transition.

Quand vous faites le forcing, je pense que ça va mal finir et on ne souhaite pas ça, parce que quelle que soit la durée, ça va finir un jour. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour notre pays, nous voulons un pays dans lequel chacun de nous peut vivre tranquillement et apporter ce qu’on peut apporter pour le bien de notre peuple. Une fois de plus, merci pour le temps d’interview.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo 

Pour Africaguinee.com

Créé le 21 janvier 2025 07:32

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