Le Chef de l’Agence Nationale de la Météorologie parle : « La météo n’est plus un luxe, c’est une question de survie…»

CONAKRY- « Pour construire des infrastructures, voyager, cultiver ou anticiper les catastrophes, il faut des informations météorologiques fiables ». Déclaration du Dr. Réné Tato Loua, Directeur Général de l’Agence Nationale de la Météorologie.
Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, le météorologue explique la position stratégique qu’occupe la Météorologie dans la sécurité des pays. Alors que la période des grandes pluies démarre en Guinée, il appelle à une meilleure collaboration avec les médias et plaide pour que la météorologie soit placée au cœur des priorités de l’État. Pour lui, les données météorologiques sont cruciales dans tous les secteurs. Interview!!!
AFRICAGUINEE.COM : Les pluies enregistrées actuellement correspondent-elles aux prévisions établies en début d’année ?
Dr Loua René Tato: Oui, ces pluies correspondent bien aux prévisions. Comme je l’ai déjà souligné, chaque année, nous élaborons un calendrier agricole et des bulletins saisonniers. Ces documents prévoyaient justement ce que nous observons actuellement : un démarrage tardif de la saison des pluies dans certaines zones et un démarrage précoce dans d’autres. Par exemple, dans certaines régions, la saison a commencé plus tôt que prévu, alors que dans d’autres, elle a été retardée. Tout cela était anticipé. En ce qui concerne la pluviométrie, nos prévisions indiquent, pour cette année :
Dans l’Est de la Guinée : une saison des pluies normale mais légèrement déficitaire ;
Dans le Nord du pays : une pluviométrie normale légèrement excédentaire.
Cependant, ces prévisions doivent être analysées en tenant compte de plusieurs facteurs, notamment géographiques, afin de mieux comprendre les impacts et les résultats possibles.
Chaque saison pluvieuse est souvent difficile pour certains citoyens. Quelles dispositions sont prises par la direction pour les protéger ?
La pluie en elle-même n’est pas un mal. Elle devient problématique lorsqu’elle cause des dégâts. La Direction de la Météorologie n’est pas chargée de gérer directement les catastrophes naturelles ; sa mission consiste plutôt à anticiper et alerter. Nous diffusons des alertes sur l’arrivée de phénomènes extrêmes comme les pluies diluviennes afin que les services compétents de l’État (protection civile, ANGUCH, etc.) puissent intervenir.
Nous émettons régulièrement des alertes à travers différents canaux pour informer les citoyens, les autorités et les services de gestion des catastrophes. Une fois le phénomène déclenché, notre rôle continue : nous suivons son évolution et contribuons à l’analyse post-événement, ce qu’on appelle le retour d’expérience.
Nous recevons de nombreux retours via nos plateformes de communication et lors des rencontres avec la population. Certains citoyens nous signalent que les alertes arrivent parfois tardivement. D’autres les trouvent très utiles. Globalement, nous constatons une appréciation croissante de nos alertes météorologiques, devenues aujourd’hui de plus en plus sollicitées.
Que souhaitez-vous dire à ceux qui sont sceptiques vis-à-vis de vos alertes ?
Les données que nous publions ne sont pas issues du hasard. Elles résultent de méthodes scientifiques, fondées sur des technologies avancées. Depuis deux ans, de nombreuses améliorations ont été réalisées dans la production de nos informations.
J’en appelle aux médias : qu’ils restent en contact permanent avec la météo afin de relayer rapidement nos alertes. Une information météorologique perd toute sa valeur si elle est diffusée après son expiration. Les médias ont donc un rôle crucial à jouer pour aider la population à se prémunir contre les phénomènes extrêmes comme les inondations.
Nous avons lancé de nouvelles initiatives, notamment le développement d’un site web permettant un accès direct à nos alertes et informations. Cela facilitera encore la diffusion auprès du grand public. Nous avons fait de gros efforts, mais ces efforts doivent être soutenus. Pour que la météorologie fonctionne efficacement, elle doit figurer parmi les priorités de l’État. C’est une recommandation internationale.
Aujourd’hui, nous utilisons des équipements automatiques et des systèmes de traitement de données basés sur la programmation et la haute technologie. Sur le plan scientifique, la Guinée est désormais bien positionnée au niveau international, ce qui encourage nos partenaires techniques à nous soutenir. Mais pour concrétiser cet appui, il faut que l’État accompagne véritablement la météorologie et ne la relègue pas au second plan. Les informations météorologiques sont essentielles à de nombreux secteurs prioritaires : agriculture, transports, sécurité civile, etc. Elles sont devenues incontournables.
Quel message adressez-vous aux citoyens guinéens ?
Le changement climatique est une réalité. Ses effets sont visibles et touchent tout le monde, sans distinction d’âge, de sexe ou de statut. Il est donc impératif pour la population de rester connectée à la météorologie, de suivre attentivement les informations que nous diffusons.
De leur côté, les autorités doivent mettre les moyens nécessaires à la disposition des services météorologiques afin de garantir la disponibilité continue et fiable des données, pour la sécurité des personnes et des biens. Aujourd’hui, la météorologie doit être au cœur du dispositif de développement. Elle occupe une position stratégique dans le système étatique, public et privé.
Rien ne peut se faire sans les données scientifiques de base. Pour construire des infrastructures, voyager, cultiver ou anticiper les catastrophes, il faut des informations météorologiques fiables. La météorologie doit donc être soutenue par tous les acteurs, publics comme privés, pour jouer pleinement son rôle au service du pays.
Entretien réalisé par Sayon Camara
Pour Africaguinee.com
Créé le 17 juin 2025 09:46Nous vous proposons aussi
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