Le Colonel Diaby parle : « j’ai été la taupe du Pr Alpha Condé auprès du Général Conté… » (interview)

Colonel Aboubacar Sidiki Diaby

CONAKRY-Le Colonel Aboubacar Sidiki Diaby est un personnage hybride ! Resté longtemps dans l’ombre aux côté du Président Alpha Condé (alors opposant) il a fini par devenir le conseiller spécial du feu Général Lansana Conté qu’il a pourtant voulu renverser à travers une agression rebelle dont il était à la tête. Dans cette interview grand-format, cet officier de l’armée guinéenne a fait des révélations tonitruantes. Coup d’Etat de Diarra Traoré, lutte clandestine, création du RPG, réconciliation avec Conté, mutinerie de 1996, troisième mandat… le colonel Diaby parle sans langue de bois. Interview exclusive !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : On vient d’assister à une adhésion massive d’anciens officiers de l’armée guinéenne au sein du RPG arc-en-ciel. Dites-nous qu’est-ce qui se trame derrière cette affaire ? 

COLONEL ABOUBACAR SIDIKI DIABY :Tous ces militaires et leurs familles ont tous adhéré au sein du RPG arc-en-ciel parce qu’ils sont membres du parti politique appelé Collectif Militant pour l’Unité Nationale (COMUNA). C’est ce parti qui a décidé de faire fusion avec le RPG arc-en-ciel. Donc, tous ces officiers supérieurs de l’armée sont rentrés par la porte du COMUNA dans le RPG arc-en-ciel. 

Vous avez fait des révélations samedi dernier qui suscitent assez de controverses. Il s’agit de celles relatives au fameux coup d’Etat Diarra Traoré contre le Général Lansana Conté en 1985 qui vous a conduit à l’exil. Pouvez-vous nous dire qu’est-ce qui s’était passé ce jour là ? 

C’est malheureux lorsque les gens ne comprennent pas ce que le mot « rebelle » veut dire. Se rebeller veut dire se révolter contre un système. En 1985, suite au coup d’Etat de Diarra Traoré, tout le monde sait ce qui s’est passé après. 87 officiers ont été fusillés sans aucune forme de procès. J’ai eu la chance de quitter le pays, je suis parti à l’extérieur où j’ai mis un mouvement militaire en place que j’ai appelé (COMUNA) Conseil Militaire pour l’unité nationale qui a regroupé tous les militaires rescapés de ce pogrom. C’est ce mouvement qui a été dérouté, désamorcé par le Pr Alpha Condé qui n’appréciait pas notre vision de prise de pouvoir par la force des armes. Il nous a alors convaincu de le suivre pour enlever Conté par la voie des urnes. 

Après le coup d’Etat de Diarra Traoré, vous avez fui le pays. Mais vous avez été condamné par contumace à la peine capitale. Est-ce qu’effectivement vous faisiez partie de ce groupe de militaires qui a voulu renverser Lansana Conté ? 

Jusqu’à présent l’affaire du Coup d’Etat du 04 juillet 1985 n’a pas été élucidée. Parce que le coup d’Etat s’il a existé, ça été plutôt un règlement de compte. Ce sont les militaires malinkés, les officiers malinkés qui ont été arrêtés, fusillés sans aucun procès. Oui j’ai été condamné à la peine capitale par contumace avec confiscation de tous mes biens. Les archives existent. Quand vous les prendrez, vous verrez effectivement mon nom là-dans. 

Qu’est-ce  que ces officiers qui ont voulu renverser le régime militaire de Conté lui reprochaient concrètement ? 

Est-ce qu’il y a eu coup d’Etat d’abord ? C’est ça la question. Il faut d’abord répondre à cette interrogation. Moi je dis plutôt qu’il y a eu un règlement de compte. 

Mais  Lansana Conté était absent du pays…

En ce moment, j’étais lieutenant. Mais ceux qui étaient à la tête, les hauts gradés, les officiers supérieurs (les Généraux, les Colonels), je crois que ça été un règlement de compte entre les grosses cylindrées de l’armée à l’époque. Nous les petits, nous avons souffert de leur lutte, nous avons souffert de leur contradiction. 

Dites-nous dans quelles conditions vous avez quitté Conakry ? 

J’ai quitté Conakry bras-ballant en abandonnant ma famille, mes biens, j’ai marché sur les rails de Conakry jusqu’à Kankan pendant plus de 15 jours. De Kankan je suis parti au Mali où le président Moussa Traoré m’a accordé l’asile politique. C’est là-bas où j’ai mis sur pied le mouvement dont je viens de vous parler. 

Comment avez-vous réussi à entrer en contact avec le Président Moussa Traoré jusqu’à obtenir l’asile ? 

Vous êtes le seul journaliste qui a eu à me poser cette question. Personne auparavant ne me l’avait posé. Quand je suis arrivé à Bamako, je me suis directement dirigé au camp de Djikroni Para qui est comme le BSG à Conakry ici, c'est-à-dire le bataillon spécial de l’armée malienne. Je me suis directement dirigé dans cette garnison. On m’a arrêté. Puisque c’était la nuit, on m’a demandé qui j’étais, j’ai dit que je venais de la Guinée. Tellement que j’étais mal fichu, tellement j’étais maigre, on m’a plutôt considéré comme un fou, on m’a mis en prison le samedi. Pour la première fois, depuis le 04 juillet 1985, j’ai dormi tranquillement sans aucune peur. Je suis rentré là-bas vendredi nuit, le samedi, le dimanche. C’est le matin, quand on m’a sorti de la prison on m’a amené chez le chef de garnison. C’est à celui-ci que je me suis présenté. C’est ainsi qu’ils ont su que je suis un officier de l’armée de la République de Guinée. Tout de suite, on m’a mis dans une Jeep, on m’a envoyé à l’Etat-major. Le président a tout de suite été informé qu’un officier guinéen qui avait échappé au coup d’Etat de Diarra Traoré était rentré au Mali. C’est le président même qui a donné l’instruction de me garder et de me protéger. C’est comme ça qu’on m’a accordé l’asile. 

Comment vous est venue l’idée de créer une rébellion dans le but de renverser Lansana Conté ? 

Ce n’est pas en un seul jour que j’ai créé le COMUNA. Non ! Le COMUNA a été créé en début de l’année « 87 ». De 1985 jusqu’à cette date, je prenais des renseignements : Qui a échappé au coup d’Etat ? Qui est où ? J’avais des amis qui étaient un peu partout à travers le pays, à travers la sous-région, le continent. Tout le monde n’était pas à Bamako. Il y en a qui étaient en Côte d’Ivoire, d’autres au Libéria, en Libye etc. Nous nous sommes renseignés les uns auprès des autres pour connaître la position de tout un chacun. C’est comme ça que j’ai pu regrouper tous mes amis.

Le groupe était composé de combien de militaires ? 

On était une trentaine. 

C’était suffisant pour venir renverser un régime militaire ? 

C’est une trentaine de personnes au départ. Mais si effectivement notre vision devait se réaliser, d’autres personnes allaient se joindre à nous même si c’était des mercenaires. Mais heureusement, Dieu n’a pas voulu ça. Le professeur Alpha Condé n’a pas voulu ça. 

Comment Alpha Condé a-t-il réussi à entrer en contact avec vous ? 

D’abord c’est grâce à un émissaire qu’on connaissait très bien. Il s’appelle Nansaly Bérété. C’est un de nos frères, il est de Kouroussa. Nous le connaissons très bien. Il était déjà membre du mouvement du Pr Alpha Condé qu’on appelait le MND (mouvement national démocratique). On savait déjà que ce mouvement existait et qu’il se battait contre le régime de Lansana Conté. Donc, on n’avait pas de doute sur la sincérité du Pr Alpha Condé pour dire qu’effectivement c’était des dissidents du régime de Lansana Conté. 

Vous avez dit que beaucoup de Chefs d’Etats de la sous-région étaient contre la prise du pouvoir par l’armée après la mort de Sékou Touré. Qui étaient-ils ?  Est-ce que vous aviez leur soutien dans vos velléités subversives contre Conté ? 

Il me serait indiscret de dire ça aujourd’hui. Mais ce qui est clair, sachez que parmi nous, il y a des militaires qui s’étaient rendus par exemple en Sierra Léone, on les avait retournés ligotés. Le président Léonais les avait arrêtés, ligotés avant de les retourner en Guinée. Ceux-ci ont été fusillés. Si nous, on nous a acceptés en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Mali, nous pouvons dire que ces Chefs d’Etat ont été cléments envers nous. 

Qui finançait votre mouvement ? 

C’est difficile à dire. Mais disons que c’était les amis du président Ahmed Sékou Touré. 

Quand Alpha Condé a réussi à vous dissuader d’attaquer la Guinée, qu’est-ce qui s’est passé après ? 

Lorsque nous nous sommes rencontrés en 1987, le Président Alpha Condé était déjà à la tête de plusieurs mouvements qui se battaient contre le régime militaire en Guinée. Parmi ces mouvements, il y avait le mouvement « Unité-Justice-Patrie », il y avait les anciens dignitaires du président Sékou Touré qui avaient fait la prison à Kindia et qui avaient été libérés, il y avait le COMUNA, etc. Il y avait beaucoup d’autres sensibilités qui tournaient autour du Pr Alpha Condé pour la création du RPG. 

Comment est venue l’idée du RPG ? Pourquoi n’avoir pas gardé le COMUNA ou MND que dirigeait Alpha Condé ? 

Nous, nous étions des militaires, donc profanes en politique. C’est le Pr Alpha Condé qui nous a dissuadés de venir agresser le pays, qui a changé notre vision militariste, c’est lui qui a demandé d’oublier l’idée de création d’une rébellion. Nous sommes rentrés à l’école politique du Pr Alpha Condé. Donc de 1987 jusqu’à la reconnaissance du RPG en tant que parti politique guinéen, nous étions à l’école politique du Pr Alpha Condé. Je suis son disciple politique. N’importe quel nom choisi par le Professeur, on allait suivre. On l’a d’abord appelé Rassemblement des Démocrates et Patriotes de Guinée (RPDG), après on l’a appelé rassemblement des patriotes de Guinée (RPG), ensuite plus tard, il a remplacé le mot « patriote » par « Peuple ». Le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG). C’est comme ça que le RPG est né. 

Quand il nous a rencontré à Abidjan, après notre première réunion, il m’a dit Diaby viens à Ouagadougou. J’étais le Chef du COMUNA, je suis venu le rencontrer à l’hôtel de l’indépendance d’Ouagadougou. Il y a eu des liens particuliers entre lui et moi. Il était à la tête du MND, j’étais à la tête du COMUNA. Pendant tout ce temps, j’étais en exil, condamné par contumace à la peine capitale, interdit de rentrer en Guinée. On a fait toute cette lutte clandestine étant en exil. 

Dans quelles conditions êtes-vous rentrés en Guinée ? 

Je suis rentré en Guinéen en 1992 quand le RPG a été agréé et l’amnistie m’avait été accordée par le président Lansana Conté. C’est en ce moment que le Pr Alpha Condé m’a dit Diaby, puisque le parti a été officiellement reconnu, il est temps de quitter la clandestinité et partir mener le combat sur le terrain. C’est lui qui a payé le billet d’avion qui m’a permis de rentrer en Guinée avec ma famille. 

Dans quelles circonstances vous avez rencontré le Général Lansana Conté après votre retour d’exil ? 

J’ai pris part à la campagne présidentielle de 1993. Le Pr Alpha Condé avait gagné ces élections. En 1993, le RPG était un parti très fort. Aucun ministre du Gouvernement de Lansana Conté ne pouvait quitter Conakry pour l’intérieur du pays sans nous informer. J’étais secrétaire permanent du parti, tous les ministres venaient nous dire je vais dans telle région pour telle mission, parce que la population nous suivait unanimement. On était très fort. Quand il y a eu les élections, tout le monde sait qu’on a été triché. C’est pendant cette campagne que le Général Lansana Conté m’a vu, Il m’a fait appel, Je suis allé voir le Pr Alpha Condé, je l’ai informé que le Président voulait me rencontrer, Il m’a dit que si je veux, je pouvais aller le voir. C’est ainsi que je suis allé rencontrer le Général Lansana Conté. 

Après qu’est-ce qui s’est passé ? 

Il m’a demandé pourquoi je suis le Pr Alpha Condé. Je lui ai dit que je suis le Pr Alpha Condé pour le renverser. Il m’a demandé pourquoi, j’ai répondu parce qu’il m’a condamné par contumace et que tant qu’il est au pouvoir, je ne travaillerais pas. Toutes les études que j’ai effectuées en Chine, à Moscou, j’ai fini mes études en 1980, l’année suivante je suis rentré. En 1984, le président Sékou Touré est mort, Je n’ai même pas travaillé pendant cinq ans, il y a eu le coup d’Etat de Diarra Traoré en 1985, j’ai été condamné à la peine capitale. Je lui ai fait comprendre alors que tant qu’il est au pouvoir je ne travaillerais pas. Il m’a dit NON. Le Militaire ne doit pas faire de la politique. C’est ainsi qu’il m’a nommé Conseiller spécial à la Présidence de la République. C’est comme ça que nous avons travaillé pendant neuf années. De 1994 jusqu’à sa mort. 

C’est quand même curieux lorsqu’on sait que vous occupiez un poste clé au sein du parti d’Alpha Condé. Vous étiez le secrétaire permanent. Qu’est-ce qui a fait qu’Alpha Condé a accepté que Conté qu’il combattait vous débauche ? 

Ce n’est pas Alpha Condé qui a accepté. C’est moi plutôt qui ai accepté parce que j’ai connu d’abord Conté quinze années avant que je ne rencontre le Pr Alpha Condé. Nous avons travaillé ensemble dans l’armée étant tous militaires. Deuxièmement, il est le chef militaire, il est le président de la République. Quand le Président de la république dit qu’il a besoin de tes services, qu’est-ce que tu fais ? Tu te mets à sa disposition. Le Pr Alpha Condé est au pouvoir aujourd’hui, ceux qui sont avec lui aujourd’hui, certains ont travaillé avec Conté. Mais ils sont à sa disposition. 

Est-ce que vous n’étiez pas en quelque sorte la « taupe » d’Alpha Condé auprès de Lansana Conté ? 

C’est le mot. 

Ah bon ? 

C’est le mot justement. Même à l’heure où je suis assis, on me dit que j’ai été la taupe du Pr Alpha Condé auprès du Général Lansana Conté. Je l’assume. Je l’assume parce qu’en fin de compte on m’avait éloigné du président Lansana Conté à cause de cette caricature. Puisque tout le monde dit que je suis la taupe, j’ai accepté d’assumer. Quand tout le monde dit que c’est rouge, il faut dire que c’est rouge (…). Toi le journaliste, tu viens de penser que j’ai été la taupe du Pr Alpha Condé auprès de Lansana Conté. 

C’est une question que j’ai posée…

Cette question que tu poses-là, tout le monde se la pose. Ils m’en ont tellement demandé, je me suis tellement justifié que j’ai trouvé inutile de me justifier. J’assume d’avoir été la taupe du Pr Alpha Condé auprès du Général Lansana Conté. 

Concrètement, quel argument Conté a-t-il mis sur la table pour réussir à vous débaucher auprès d’Alpha Condé ? 

L’argument qu’il a mis sur la table n’était pas difficile comme je te l’ai tantôt dit. Il a d’abord dit que je suis un militaire qui ne doit pas faire de la politique. Deuxièmement il dit qu’il me pardonne tout ce que j’ai fait. Il m’a amnistié. Troisièmement, j’avais déjà fait neuf ans, dont sept ans d’exil et deux ans de chômage. Si je refusais, il fallait que je sorte encore du pays. Donc, compte tenu de tout ça, j’ai été obligé d’accepter son offre. Je ne pouvais faire autrement. Mes enfants avaient sept ans sans rentrer à l’école. C’est le Pr Alpha Condé qui me nourrissait, c’est lui faisait tout pour moi. Je vivais à ses dépens. J’étais exilé, apatride. Maintenant étant en face du président de la République qui m’accorde l’amnistie, pouvais-je refuser ça ? 

Alors vous étiez le conseiller spécial de Lansana Conté pendant neuf ans. Comment s’est passée la collaboration ? 

En réalité, Lansana Conté (paix à son âme) a eu beaucoup confiance en moi. J’ai été celui qui a pris Lansana Conté pour le sortir de ce pays, l’amener à l’extérieur pendant plus de quinze jours. Je l’ai amené au Koweït, en Malaisie, en Chine, à Singapour pendant un seul voyage pour la collecte des fonds pour Garafiri. Le président Lansana Conté m’a fait entièrement confiance et je me suis mis à son service sans arrières pensées. Je l’ai servi loyalement. Je l’ai fait pour la Guinée. 

Il a eu beaucoup confiance en moi. Au point que ma femme pouvait préparer un repas pour moi à la maison ici, j’amène ce repas au président, il le mange devant moi. Quand nous voyageons, dans les aéroports, il m’appelait : Diaby va faire mon petit café. Je le fais. Vous vous imaginez ? Tu prépares un plat chez toi que tu envoies au président de la République, il mange, il te dit de faire son petit café, tu le fais. Ça c’est le sommet de la confiance. Il a eu vraiment confiance en moi. C’est pourquoi je l’ai servi loyalement jusqu’à sa mort. 

De 1994 jusqu’à sa mort il s’est passé beaucoup de choses. L’un des plus marquants, ce sont ces mutineries de l’armée les 02 et 03 février 1996. Etiez-vous avec lui ce jour-là ? 

Ce jour-là, je n’étais pas loin de lui quand on bombardait le palais. Sow Yaya le sait. J’étais son conseiller, toujours près de lui. Quand ces évènements ont eu lieu, c’est le moment de le dire, c’est moi qui ai dit au Général Lansana Conté, j’étais avec Naby Youla au camp Samory (siège du ministère de la Défense) la nuit. J’ai dit : « Président, les gens-là (les mutins, ndlr) ont été arrêtés, mais si tu les tues, tu vas contenter tes ennemis et tes amis ». Il m’a demandé comment. Je lui ai dit : « beaucoup viendront te dire il faut les tuer parce qu’ils t’ont arrêté, envoyé au camp Alpha Yaya, ils t’ont humilié, ils t’ont déchaussé. Quand tu les tues, ceux-ci seront contents. Au contraire, tes ennemis te disent aussi de les tuer parce qu’ils sont contre les mutins qui t’ont arrêté sans te tuer alors qu’ils en avaient l’occasion. Ils t’ont relaxé. Donc, si tu les tues, tu vas les contenter ceux-ci aussi ». Il me dit alors-là Diaby je ne vois pas qu’est-ce qu’il faut faire. Je lui ai dit qu’il faut les mettre à la disposition de la justice qui va les juger. Tu t’arrêtes là. C’est ce qui a été fait. Mon ami Sow Yaya a été jugé et condamné à dix ans de prison. Il a purgé sa peine jour pour jour à la prison de Kindia. C’est Panival, un camarade de promotion à moi qui était le commissaire ce jour-là. 

Qu’est-ce qui était à l’origine de ce mécontentement général au sein des forces armées qui a occasionné cette mutinerie ?

Les militaires se sont révoltés parce qu’on leur avait fait croire qu’il y avait deux bulletins de paie. Les militaires qui étaient partis au Libéria devraient bénéficier de certains avantages que les officiers supérieurs de l’armée avaient détournés. C’est ce qui a été découvert. Les soldats se sont sentis brimés, ils ont dit qu’il faudrait qu’on améliore leurs conditions de vie. La révolte est partie de là. 

Etiez-vous à l’intérieur du Palais avec le président lorsqu’il a été bombardé ? 

J’étais à la Banque Centrale qui n’est pas loin du Palais. 

Comment vous êtes-vous sentis quand vous avez vu l’obus atterrir sur le palais où était le Président ? 

Pour moi il était mort parce que je savais qu’il était là-dans.  

Après qu’est-ce qui s’est passé ? 

Après on s’est rendu compte qu’il n’est pas mort, ils l’ont arrêté, ils l’ont mis dans la voiture pour l’envoyer au Camp Alpha Yaya Diallo.

Avec qui était-il lorsque l’obus est tombé ? 

Je ne saurai le dire. 

Il se dit que le Colonel Yaya Sow, l’auteur du largage aurait sciemment faussé le calcul pour éviter de tuer le président. Avez-vous parlé de cet épisode avec lui ? 

Ceux qui disent ça ne connaissent pas la vérité. Quelqu’un qui tire à plus de deux ou trois kilomètres de sa cible, comment peut-il savoir exactement le lieu où était le président dans le Palais ? Ce n’est pas possible. Il savait seulement que le Président était au palais. Mais où exactement, il ne savait pas. La preuve est que le président n’est pas mort. Parce que là où l’obus est tombé, il n’y était pas. 

Vous êtes très proche du colonel Yaya Sow. Est-ce qu’il vous a raconté ce qui s’était passé ce jour là ? 

Jusque maintenant nous sommes très proches, mais on n’a jamais parlé de cet épisode. On n’aime pas en parler. Il a été jugé, condamné, il a purgé sa peine, il s’en est sorti. Nous ne voulons plus nous remémorer de ça. 

En 1998 au lendemain des élections présidentielles, Alpha Condé a été arrêté par Lansana Conté dont vous étiez le conseiller spécial. Parlez-nous-en !

Aujourd’hui le professeur Alpha Condé est en vie. Chacun dit que c’est moi qui ai fait qu’il n’a pas été tué, il n’a pas été assassiné. Ce qui est clair. Dieu est là. Il sait le rôle que chacun a eu à jouer pour que le Professeur Alpha Condé sorte indemne de cette arrestation. 

Quel a été le vôtre ?

C’est mon soutien. Je l’ai soutenu parce que c’est mon maître. Je sais de quelle façon je l’ai soutenu. J’ai dit au Président Conté de veiller sur lui pour ne pas qu’on l’assassine. Je lui ai que si on l’assassine, il prendra le pot cassé, si on l’assassine il sera condamné par l’histoire. Quand il a été condamné, je lui ai demandé de le laisser purger sa peine en veillant sur lui. 

Est-ce que les faits qui lui étaient reprochés vous paraissaient vraisemblables ?  

Si c’était vraisemblable, il serait condamné à une peine plus grave. Mais il nous a dissuadés de faire la rébellion, on avait déjà mis un mouvement pour venir agresser le pays, celui qui nous a dit que cette option n’est pas bonne, qu’il faut privilégier la  voie des urnes, comment celui-ci peut aller armer d’autres personnes pour venir attaquer la Guinée ? Pour moi ce n’est pas possible. 

Comment avez-vous vécu la prise du pouvoir par l’armée au lendemain de la mort du Général Lansana Conté ? 

Je n’étais pas surpris. Parce que pour moi c’est l’histoire qui s’est répétée. Quand Dadis est arrivé au pouvoir, l’armée n’était pas unie, elle était divisée en classes. Tous ceux me suivent maintenant-là sont de la classe de 1971. Ils sont partis à la retraite en même temps que ceux qui sont partis les recruter. C’était un règlement de compte. Je dis aujourd’hui que l’Etat guinéen a énormément perdu dans la mise à la retraite de ces officiers. C’est des bons cadres qui ont été formés en Chine, en Russie, en France en Allemagne, à Cuba, aux USA. La classe qui était avec Dadis, c’est la crème de l’armée guinéenne qui a été mise à la retraite. Mais le Pr Alpha Condé n’a pas compris. 

Normalement, le président de l’Assemblée Nationale était censé assurer l’intérim jusqu’à l’organisation de nouvelles élections dans les six mois qui allaient suivre. Pourquoi ça n’a pas été possible selon vous ? 

Les institutions à l’époque n’étaient pas aussi fortes comme aujourd’hui. 

Alors vous êtes plus de 4 000 militaires qui adhérent au RPG à moins de deux ans de la fin du mandat du Pr Alpha Condé. N’est-ce pas suspect quand on sait qu’on parle de plus en plus d’un éventuel troisième mandat ? 

Ceux qui disent ça n’ont qu’à laisser le Pr Alpha Condé en paix sur cette question de troisième mandat. Si le Pr est un prophète, son Dieu c’est le RPG arc-en-ciel. C’est le parti qui mandate le Chef de l’Etat. C’est le parti qui choisit son candidat. Il n’est écrit nulle part qu’un parti ne peut pas choisir un candidat plusieurs fois. Donc posez la question au RPG pour savoir si le parti va choisir Alpha Condé comme candidat aux présidentielles. 

Sur la question, la Constitution a tranché. Est-ce que le RPG ne peut pas trouver un autre candidat qui ne soit pas Alpha Condé ? 

Moi je suis membre du RPG arc-en-ciel. C’est au bureau politique national du RPG de décider, si vraiment le bureau RPG décide que nous choisissions le Pr Alpha Condé en 2020, on le choisira sans hésitation ou en tout cas je le choisirai sans hésitation.

Est-ce que cela ne risquerait pas d’occasionner des conséquences tumultueuses pour le pays ? 

Il ne faut pas la Guinée soit un bâtiment qui est en train d’être édifié, l’ingénieur qui vient travaille un peu, quand il quitte, un autre arrive et  dit que le plan que celui-ci a fait n’est pas bon et on reprend encore à zéro ou bien il casse ici et il reprend là. C’est-à-dire que nous sommes toujours au même recommencement. Je ne vois pas aujourd’hui sur la chaine politique quelqu’un qui peut continuer les œuvres d’Alpha Condé mieux que lui.

On dit que l’Etat c’est une continuité. Au Sénégal, Abdoulaye Wade a bâti les bases du développement du pays et Macky Sall est venu il est en train d’exécuter cela. Ce n’est pas possible chez nous ? 

Nous n’avons pas la même histoire que le Sénégal. Nous nous avons eu notre indépendance en 1958 pendant 26 ans nous avons eu un seul parti politique, le PDG-RDA. Le Sénégal ce n’est pas comme ça. Après le PDG, l’armée est venue au pouvoir faire 24 ans. Comment voulez-vous nous comparer à ce pays qui a posé les bases d’une démocratie bien avant nous, qui est plus expérimenté que nous ?  C’est maintenant que nous posons les bases de la démocratie. Les 50 premières années passées aucune base n’a été posée et vous voulez nous comparer au Sénégal ? Ce n’est pas possible. 

Monsieur Alpha Condé qui s’est battu pendant 40 ans pour l’instauration de cette démocratie ne peut-il pas bâtir cette base et quitter en 2020 ?

Non ! Ça, ça dépend de lui-même. S’il sait qu’il a préparé sa succession, s’il sait qu’il y a quelqu’un qui peut effectivement continuer ses œuvres, qui peut par achever ses travaux il n’y a pas des problèmes il peut quitter et désigner celui-ci ou bien préparer celui-là pour la relève. Mais s’il sait en âme et conscience que la Guinée n’est pas encore mûre pour ça, vraiment je préférai qu’il reste encore parce qu’au moins nous vivons en paix et le progrès est visible. 

Un dernier mot ? 

Mon dernier mot,  je dois préciser d’abord que je ne fais pas adhésion au RPG je reviens au RPG, je reviens à la source parce que c’est par-là que j’ai commencé. Donc c’est un retour que j’ai fait et je me suis retourné parce que j’ai vu que tout ce que nous avons décidé à la création de ce parti à savoir Gouvernement d’union nationale, l’unité nationale, le développement économique, la justice sociale, le Pr Alpha Condé est en train de concrétiser ces points. C’est pourquoi je suis revenu et vraiment je lui souhaite bonne chance. Je souhaite que le peuple de Guinée le comprenne, je souhaite que la paix règne dans ce pays, je souhaite que le Professeur puisse réaliser tout ce qu’il a comme vision dans ce pays, la lutte qu’il a mené pendant 40 ans, je souhaite maintenant qu’il concrétise parce que son vœux a toujours été de faire de la Guinée un pays émergeant et il est sur cette voie.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 28 février 2019 12:26

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