Jacques Léwa Léno répond à Bah Oury : ‘’Nous n’avons insulté personne…’’

CONAKRY- Le Directeur Général de la télévision privée Espace Tv du Groupe Hadafo Médias vient de répondre au premier ministre Amadou Oury Bah. Dans cet entretien, Jacques Léwa Léno affirme que contrairement à ce que le Premier ministre a dit devant les conseillers nationaux, aucun journaliste n’a insulté quelqu’un dans leurs différentes émissions.
AFRICAGUINEE.COM : Comment réagissez-vous aux propos qu’à tenus le premier ministre ce lundi devant le CNT suite au retrait des agréments et des fréquences de vos médias ?
JACQUES LÉWA LÉNO : Je suis un peu surpris de voir monsieur Bah Oury s’exprimer comme ça parce qu’on l’a connu de par le passé comme défenseur des droits humains et de la liberté de la presse. Donc, il ne peut confondre un ton libre à l’injure. D’ailleurs, si c’est le cas il y a des institutions dans notre pays pour sanctionner et la HAC (haute autorité de communication) n’est pas restée silencieuse ces derniers temps. Elle a sanctionné suffisamment nos confrères pour des faits de diffamation dit-on. Quelques-uns ont été suspendus pour trois mois et d’autres six mois. Je crois que personne n’a refusé d’obéir aux décisions de la HAC. Maintenant parce qu’on a constaté qu’il y a des gens qui ‘’auraient’’ eu des propos désobligeants à l’égard de ceux qui gouvernent, à cause d’eux on éteint tout simplement les médias. Je suis surpris et je ne comprends pas cela venant de sa part.
Voulez-vous dire que vous êtes déçus ?
Une déception totale ! Et ma déception même va au-delà de sa personnalité. Je suis un peu déçu de ce que l’intellectuel guinéen est en train de devenir. Parce que Bah Oury n’est pas le premier à avoir une telle attitude. C’est-à-dire qui rassure quand il se bat pour les valeurs quand il n’est pas encore aux affaires, mais une fois aux affaires il devient partisan de l’autorité administrative. Rien que dans ce gouvernement si on compte nous avons cinq (ministres ndlr) qu’on a acclamé ici en disant ‘’défenseur des droits humains, défenseur de la démocratie, défenseur de la liberté) et qui, aujourd’hui sont plus hargneux contre les critiques. Par le passé, on a eu ce type de cadres sous Alpha Condé, même l’expression ‘’Abaraguè landé’’ c’est un cadre influant de l’opposition à l’époque qui l’avait créé. Et celui qui dirigeait la CODENOC c’était le porte-parole de l’opposition et on a eu beaucoup d’autres comme ça.
Donc quand l’intellectuel guinéen se comporte de cette façon selon les circonstances, je pense que c’est assez grave. Vous pouvez ne pas aimer les opinions, mais vous devez les respecter et les accepter.
‘’C’est comme si une mouche les avait piqués davantage…’’, a déclaré le chef du Gouvernement faisant allusion aux journalistes. Comment vous réagissez à ces propos ?
(Rires), et puis il a calé ça dans la période du 2 au 21 mai. Nous, nous pensions que l’Etat ne nous écoutait plus parce qu’il a brouillé nos fréquences, il nous a retiré sur les bouquets de diffusion. Pour nous, c’était suffisant pour que nous soyons silencieux mais nous sommes fiers d’une chose parce que nous avions fait une promesse à nos auditeurs et téléspectateurs quand les restrictions ont démarré. Nous avions dit qu’on n’allait pas se taire, on va les obliger à se dévoiler et à prendre leurs responsabilités pour poser des actes concrets comme cela a été fait même si c’est de la manière totalement illégale par Fana Soumah. Mais au moins l’acte a été posé et eux-mêmes ils sont venus sur le terrain pour arracher nos émetteurs à Koloma. Donc, c’est eux qui ont détruit nos médias et ils nous ont contraint à nous taire. Nous, nous savons une chose : nous n’avons insulté personne. Si nous avions insulté quelqu’un, on aurait attenté un procès contre nous.
Dans l’acte pris par le ministre Fana Soumah, il parle du non-respect du cahier de charge. Est-ce que Hadafo Médias se reproche de quelque chose ?
Nous ne nous reprochons de rien. La loi a tout prévu. Si vous constatez que quelqu’un a violé le contenu de son cahier de charge, il y a une démarche très simple : l’interpellation mais si vous ne voulez pas interpeller, vous pouvez au moins notifier. On dit simplement le contenu du cahier de charge mais c’est vague, il n’y a rien de spécifique à l’intérieur. Parce que le cahier de charge comporte des éléments auxquels on doit se soumettre et respecter mais le ministre n’a pas donné de détails. Je crois que les juristes qui connaissent cette loi sont déjà revenus largement là-dessus dans les tribunes que j’ai pu parcourir et ce n’était pas lui de prendre cette décision. Plutôt c’était à la HAC de nous saisir et en ce moment il aurait pu réagir. Et je sais une chose, la HAC ne l’a pas saisi parce que si c’était le contraire, la HAC aurait pu réagir pour dire ‘’oui c’est nous qui avons pris cette décision’’.
Après la fermeture de vos médias il y a eu beaucoup de réactions sur la toile. On a notamment vu cette vidéo où vous dansez la musique ‘’Dady mou peuple kolon’’. Certains ont réagi pour dire qu’à un certain moment vous avez soutenu le coup d’Etat du 5 septembre et qu’aujourd’hui vous êtes dans le regret. Dites-nous dans quel contexte cette vidéo a été prise ?
Cette vidéo est très récente, c’est Mamoudou Boulléré même qui a filmé cette vidéo dans mon bureau. Et, il n’y avait rien de particulier, on avait fini les grandes gueules, on voulait se défouler, on était en train d’écouter les musiques guinéennes mais tout le monde sait que ‘’Dady mou peuple kolon’’ fait danser et on s’est mis à danser, ça n’avait rien à voir. Et c’est totalement décalé par rapport à l’actualité du coup d’Etat du 5 septembre.
Maintenant l’autre question de savoir si on avait soutenu le coup d’Etat du 5 septembre ? Nous ne regrettons pas d’avoir soutenu ce qui est arrivé le 5 septembre. Peut être qu’aujourd’hui on va dire qu’à l’avenir on va se poser un certain nombre de questions sur ce qui se passe. Surtout on va œuvrer et on va demander à tous les guinéens d’œuvrer ensemble pour éviter que nous soyons dans l’obligation de passer par un coup d’Etat pour faire respecter nos lois. Qu’est-ce qui n’a pas été fait en 2020 pour empêcher qu’il y ait le 3ème mandat ? Tout a été fait, les gens sont sortis dans les rues. La population et les intellectuels les plus crédibles ont pris la parole, ils ont dit ‘’il ne faut pas y aller’’, il y a des ministres qui ont démissionné, le président Alpha avait dit à l’époque ‘’ailleurs les gens sont morts ça s’est passé, ici aussi ça va passer’’ et c’est ce qui s’est passé. Je crois que face à cette situation, vous ne pouvez pas dire un changement qui est intervenu ne doit pas être acclamé. Et puis c’est tout le monde quand même qui a acclamé ça.
Aujourd’hui est-ce que vous vous sentez menacé dans ce pays ?
Personnellement je n’ai reçu encore aucune menace, mais par contre certains de mes collègues ont reçu des menaces. La menace globale qui pèse sur nous, c’est le fait que nous soyons désormais au chômage. Mais ce n’est pas peut être le manque de travail en soit qui nous fait mal, mais c’est le fait que chaque matin on se lève mais qu’on ne vienne plus dans ce studio pour commenter l’actualité nationale.
Propos recueillis par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 666 134 023
Créé le 29 mai 2024 08:59