Immersion à Koya, village des fracturés : «Quand un malade est en route, on le voit dans un rêve…»

N’ZÉRÉKORÉ-Koya est un village situé dans la sous-préfecture de Koulé, sur la nationale Nzérékoré-Conakry. Dans cette localité peuplée de plus de 3000 habitants, vit une famille qui a le don « surnaturel » de soigner les malades fracturés ou victimes d’entorses. Notre correspondant en Guinée Forestière est allé à sa rencontre. Reportage.

A Koya, on y croise plusieurs malades, le plus souvent, victimes d’accidents de circulation. Ils viennent de partout dans la région forestière pour se faire soigner. La réputation de ce village dépasse les frontières. Certains viennent des pays limitrophes pour rallier Koya, dans l’espoir de trouver un remède pour soigner leur mal.

Si chez certains soignants de l’indigénat ou encore dans la médecine moderne, on paye le traitement, à Koya les traitements sont gratuits. C’est ce qui rend efficace les soins. Les aïeux de de la famille Manamou héritière de ce don, ont laissé une consigne claire que nul n’ose violer.

« Le traitement que nous faisons ici, c’est un héritage qui nous a été laissé par nos arrières grands-parents.  Il a été légué de génération en génération dans notre lignée. Notre grand-père avait ces produits. Il les a laissés à notre papa, ce dernier nous a également légué. Quand un malade est en route pour Koya, nous pouvons le savoir à travers une vision dans le rêve dans lequel on nous annonce sa venue. Ce sont des fractures de toutes sortes que nous traitons ici… Dans cette activité que nous exerçons, nous ne prenons pas d’argent avec quelqu’un. Tous ceux qui viennent là pour leurs soins, nous leur réclamons seulement quatre noix de cola dont deux de couleur rouge et deux autres de couleur blanche, plus 500 Gnf s’il s’agit d’un homme ou d’un garçon.

Si c’est une femme ou une fille, nous demandons trois noix de cola dont deux de couleur rouge et une de couleur blanche, plus 500francs guinéens. Après le traitement, quand tu retrouves ta santé, tu peux venir nous remercier. Nous ne prenons pas de sous avec un malade puisque c’est la consigne. C’est comme ça nos que parents nous ont transmis le produit. Nous traitons toutes sortes de fractures s’il n’y a pas une affaire de sorcellerie derrière », nous a confié Félix MANAMOU, soignant.

Dans la Famille MANAMOU, actuellement, ils ne sont que deux personnes qui s’occupent des malades. Félix est accompagné par son jeune frère Alfred, qui a déjà passé près de 10 ans dans cette activité. Ils ont pris la relève après la mort de leur grand frère qui était très réputé dans la région. Comment se font les soins ? Alfred explique :

’Cette dame a eu deux fractures au niveau de son pied gauche. Comme nous avons passé une semaine de traitement, elle commence à se retrouver. S’il y a la plaie, nous faisons trois jours de travail sur la personne dans la semaine à savoir le mardi, jeudi et samedi pendant un mois trois semaines, pour ceux qui ont des pieds et des mains fracturés.

Mais il y a certains qui viennent dans des situations difficiles. Par exemple, il y en a qui viennent avec le dos cassé, d’autres sont paralysés. Là, il faut d’abord soigner la plaie puis on traite ensuite la fracture. C’est la famille qui travaille mais surtout ceux qui ont le temps, comme mon frère et moi, c’est nous deux qui travaillons actuellement. Avant, c’est notre grand frère qui faisait des soins mais lorsqu’il est décédé, nous avons repris sa place. Il y a de cela plus de 10 ans depuis que nous avons pris la relève’’, raconte Alfred MANAMOU.

Tout autour du village, on croise des fracturés, cane en main, en pleine rééducation. Richard Tokpa, est un citoyen libérien. Il s’est déplacé de son pays pour Koya après avoir subi un accident de circulation qui a causé trois factures sur le même pied.

’J’ai subi un accident de moto qui m’a causé trois fractures au pied, au genou et au niveau de la jambe. Ça s’est passé il y a de cela 3 mois 4 jours. Mais depuis que je suis arrivé à Koya, ça commence à aller. J’ai quitté le Libéria pour venir ici à Koya pour ce traitement. Je suis très content et satisfait du boulot qu’ils font’’, témoigne-t-il.

« Nous revenions de la plantation où était allé extraire de l’huile. Il faisait tard la nuit. Arrivés sur la grande voie, j’ai voulu traverser. Soudain, il y avait deux motos qui venaient. Je suis tombée dans le fossé, mon pied a eu une fracture. Mais depuis que je suis venue ici ça commencer à aller », témoigne Agnès Gbamou, une autre malade.

Andréa Kolié, mère de famille raconte elle aussi sa mésaventure. « J’étais allée au marché hebdomadaire où j’ai fait quelques achats. J’étais courbée en train de travailler quand un véhicule est venu débarquer des passagers à côté de moi. L’apprenti a dit au chauffeur qu’il veut se reposer dans la voiture. C’est dans ces circonstances qu’il a touché un bouton par inattention. Soudain, le véhicule a bougé de lui-même. Pendant ce temps moi j’étais courbée. Je me suis juste vu sous la voiture. Les gens sont venus me secourir. J’ai passé 7 mois dans un village qu’on appelle Komou mais rien ne s’est amélioré. Je suis venue là il y a à peine un mois et demi, je commence à marcher. Je demande aux autorités d’aider ces gens qui s’occupent de nous parce qu’ils font de leur mieux pour nous traiter », lance Andréa Kolié.

De nos jours, ce centre de traitement manque de moyen pour héberger les malades qui affluent vers Koya pour se soigner. Faute de lieux d’hébergement, certains sont tenus obliger de loger à deux par case. Ils profitent de l’occasion pour lancer un appel au gouvernement.

« On avait jusqu’à 21 bâtiments ici, mais les tempêtes en ont détruit beaucoup.  Il n’en reste que 10. Vous avez vu l’état délabré de nos bâtiments dans lesquels nous logeons les malades, c’est parce que nous ne prenons pas de sous avec des malades que nous n’avons pas les moyens de les construire. C’est pourquoi nous demandons à l’autorité, au gouvernement de nous venir en aide, en reconstruisant ces logements et de nous appuyer pour la nourriture des malades. Puisqu’il y a certains malades qui viennent ici qui n’ont personne pour les soutenir. Or, lorsqu’un malade ne mange pas, son soin devient très difficile », soutiennent-ils.

Un reportage de SAKOUVOGUI Paul Foromo

Correspondant régional d’Africaguinee.com

A Nzérékoré.

Tél : (00224) 628 80 17 43

Créé le 26 mars 2023 10:54

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