Guinée : ‘’le projet Simandou est géré de manière opaque’’, selon Dr Zotomou

CONAKRY- Depuis plusieurs mois, le gouvernement guinéen et les responsables du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) sont engagés dans la promotion de Simandou. Ce mégaprojet minier, l’un des plus grands au monde est présenté par les dirigeants guinéens comme un programme qui va changer la Guinée dans les prochaines années. Mais au niveau de l’opposition, on dénonce un projet opaque.

Dans cette dernière partie de l’interview qu’il nous a accordée, le président de l’UDRP (Union démocratique pour le renouveau et le progrès), donne son avis sur le projet.

Africaguinee.com : Que pensez-vous du projet Simandou ?

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou : Simandou est un gisement minier réel et très important. Le problème, c’est ce qu’on disait, en prenant l’exemple de la compagnie des bauxites de Guinée. Avant qu’on ne mette ça sur pied, qu’est-ce qu’on disait ? La CBG et la bauxite en Guinée vont changer le mode de vie de la Guinée. Depuis 1976 nous sommes en train d’exporter la bauxite. Quel est le changement que cela a apporté ici?

Quels sont vos griefs par rapport à ce projet ?

On est dans un projet où, comme je le disais, la gestion est si opaque que personne ne sait comment il est en train d’être géré, puisque personne n’en connaît les détails. C’est pourquoi je dis, selon l’ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives), il faut exposer, publier toutes les données relatives à ce projet et permettre aux curieux, aux techniciens de regarder, de se prononcer sur ce que vous dites. Ce n’est pas simplement venir exagérer avec un certain nombre de concepts, un certain nombre de paramètres pour dire aux gens qu’il faut accepter comme tel. On n’est plus à cet âge. On reproche à ce projet, la gestion opaque, c’est ça. C’est de ne rien rapporter au pays.

Remarquez une chose, d’abord nous avons 15% dans ce projet, d’après ce qu’ils disent, un projet pharaonique de l’envergure de Simandou, nous sommes les propriétaires du gisement, on devait avoir plus que ça. Imaginez, Friguia, quand on faisait l’avenant de 73 ou 76, dans Friguia, on avait plus de 50%.

À CBG (Compagnie des Bauxites de Guinée), je crois qu’on avait 51 contre 49. Alors si aujourd’hui on parle de 15% et que les gens se tapent la poitrine pour cela, c’est qu’on n’a rien compris, de toute façon nous voulons les détails.

Quels sont les risques pour la Guinée, selon vous ?

Mais l’inconvénient majeur, c’est qu’on risque justement de transformer ce projet en un dépôt pour alimenter toutes les aciéries du monde occidental, si ce n’est pas seulement de la Chine. Alors, il y a peu de chances que les attentes soient réalisées une fois que le projet sera en train de produire effectivement du minerai de fer. Il y a beaucoup de choses qu’il faut voir.

Le développement, ce n’est pas vendre des produits qu’on en n’a pas, parce que tous les efforts aujourd’hui, c’est de faire en sorte qu’on puisse convaincre la communauté internationale, le monde industriel, que nous avons ce grand gisement.

Vous savez que la Banque mondiale ou le FMI, je crois l’un des deux, avait refusé effectivement de subventionner des prêts à la Guinée. Alors, ce sont des éléments très dangereux. On veut s’en servir justement pour emprunter de l’argent à d’autres sources et tout cela alourdira la dette extérieure du pays et ce sont les générations futures qui seront dans l’obligation de payer.

Alors nous, nous disons, qu’on ne peut pas vendre ce qu’on n’a pas. On ne peut vendre qu’un produit qu’on a. Si vous n’avez pas le produit, ne vendez pas. Attendez d’abord que vous soyez en fait sur la voie de pouvoir et effectivement obtenir le produit avant de chercher à vendre. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com