Fabien Offner : « On attend la libération ou l’inculpation formelle d’Alpha Condé… »

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CONAKRY-Quel sort doit-on réserver à Alpha Condé déchu le 05 septembre ? Les forces spéciales ont-elles pris part à la répression des manifestations entre 2019 et 2020 ? Africaguinee.com a interrogé Fabien Offner, chercheur à Amnesty International.

Un mois après sa chute, Alpha Condé est toujours retenu dans les mains de la junte militaire qui l’a renversé. Fabien Offner, demande la « libération ou l’inculpation formelle » de l’ancien chef d’État.

Dans cet entretien, ce défenseur des droits humains, s’est aussi exprimé sur le dossier du massacre du 28 septembre 2009 dont le procès tarde à s’ouvrir. M. Offner s’est aussi penché sur les crimes commis sous le magistère de Alpha Condé ces onze dernières années.

 

AFRICAGUINEE.COM : Douze ans après le massacre du 28 septembre 2009, les victimes attendent toujours un procès. Qu’est-ce que cela vous fait en tant que défenseur des droits humains ?

FABIEN OFFNER : Après douze ans, c’est une forme de grandes déceptions et de grandes colères de voir que rien n’a bougé. Il y a certaines des victimes qui sont déjà décédées, le temps passe. Certaines personnes ne verront pas la justice se réaliser puisque certaines sont décédées, d’autres sont malades. Et au rythme actuel, on peut douter que tout le monde pourra enfin avoir le droit de voir un procès ou d’avoir des réparations. Donc, c’est de la déception et de la colère mais en même temps, mais il y a toujours une grande détermination. Cela fait 12 ans que les organisations guinéennes et internationales ne cessent de faire des communiqués pour marquer cette commémoration. Douze ans après on continue et on continuera tant que cela sera nécessaire. Nous sommes en contact avec les familles et les victimes, notre objectif est de se faire écho de leurs revendications.

Est-ce que selon vous ce dossier doit être une des priorités de la nouvelle équipe dirigeante en Guinée ?

Cela doit être une priorité pour les nouvelles autorités de Guinée comme c’était la priorité sous Alpha Condé.  Quelque soit les autorités en Guinée en termes des droits humains, c’est toujours une priorité absolue. C’est encore plus une priorité d’aujourd’hui. Et je pense qu’il faut qu’il y ait un travail de réflexion commune sur l’impunité en Guinée ces dernières années et peut être depuis très longtemps. Donc, c’est d’autant plus important aujourd’hui qu’il y ait ce procès pour marquer un point fort dans l’impunité des crimes en Guinée. De la même façon qu’il sera toujours important de pouvoir enfin ouvrir des enquêtes indépendantes sur les personnes qui ont été tuées dans les rues de Conakry sous le régime de d’Alpha Condé.

Donc, cela est évidemment une énorme priorité et ce sera un symbole très fort qui pourrait marquer enfin la prise en compte de la question de l’impunité dans le fonctionnement de la société guinéenne. Peut-être dans une démarche de faire en sorte que ces choses ne se répètent pas, parce que les crimes qui ont été commis et les auteurs ne se sentiront plus Tout-puissants.

12 ans, c’est quand même énorme. N’est-il pas temps de confier le dossier du 28 septembre à la CPI (Cour Pénale Internationale )?

La CPI est censée se prononcer selon un fonctionnement qui est assez clair, c’est si les pays ne sont pas en capacité ou ne montrent pas une volonté politique de traiter ce dossier ou de faire ce jugement. Douze ans après, c’est beaucoup et on sait qu’il y a un nouveau procureur à la CPI qui vient d’être nommé il y a quelques temps. Comme tout le monde nous allons suivre avec intérêt l’implication de la CPI sur ce dossier. Pour le moment je crois que la CPI va voir ce qu’il en est de la volonté des nouvelles autorités guinéennes. Certes douze ans ça fait beaucoup, et en ce qui nous concerne on n’a pu que constater comme tout le monde, il était difficile de voir une grande implication et de volonté des autorités guinéennes ces douze dernières années de faire ce jugement. Ce, en dépit des déclarations multiples, il y a eu plusieurs ministres de la justice (…), on attendait l’ouverture du procès en juin 2020. C'est ce qui avait été annoncé par le gouvernement guinéen. Le ministre de la Justice avait réaffirmé dans une lettre aux représentants de l’Union Européenne que la volonté politique était là. Ce que l’on constate ce qu’après douze ans, les choses ont très peu avancé et qu’à chaque fois qu’il y avait une pression, on donnait de gages à la communauté internationale. Le résultat est que depuis 2009, il ne se passe rien.

Beaucoup réclament qu’Alpha Condé soit jugé pour les crimes commis sous son règne. Comment cela devrait se faire en tant qu’ancien président ?

Pour nous ce n’est pas une question de personnalité. Ce qu’on souhaite, ce que pour toutes les personnes qui ont été tuées, blessées sous Alpha Condé, qu’il puisse y avoir des enquêtes qui soient ouvertes. C’est à la justice guinéenne de le faire, ce n’est pas aux organisations internationales de s’en mêler. De notre côté, nous avons fait le maximum pour nous documenter sur ce qui s’est passé de façon très précise et la plus impartiale possible. D’ailleurs, je pense que Amnesty International a fait ses preuves, on espère avoir convaincu ceux qui ne l’étaient pas, de notre objectivité. Nous avons quand-même demandé la libération d’Alpha Condé quand il était détenu sous Lansana Conté, on l’a demandé, que les crimes sous son régime soient poursuivis. Aujourd’hui qu’il est détenu on attend sa libération ou son inculpation formelle.

Je pense que c’est une position importante par rapport à toutes ces personnes qui ont critiqué Amnesty ces derniers temps. Amnesty International n’est pas au centre de tout (…), on estime que les crimes commis sous Alpha Condé doivent être jugés et c’est à la justice guinéenne d’inculper ou pas certains responsables, en fonction des éléments de preuves ou de suspicions. Toutes les personnes impliquées ou responsables doivent être traduites en justice pour être face à un procès équitable. Que ça soit un président, un policier ou sous-officier, on n’est pas sur la question des personnalités. Donc, on n’appelle pas spécialement des poursuites envers Alpha Condé ou un autre. On appelle spécialement que les responsables soient traduits en justice de façon équitable après des enquêtes indépendantes.

Beaucoup s’interrogent sur le rôle des forces spéciales dans la répression sous le régime Condé. Est-ce que dans vos enquêtes vous avez des éléments montrant leur implication ?

Nous n’avons pas d’éléments qui nous laissent penser que les Forces Spéciales ont été impliquées. Mais en revanche, un certain nombre de tireurs qui sont chaque fois impliqués dans les manifestations, étaient cagoulés.

Donc, concernant cette question que tout le monde se pose parlant des Forces spéciales, par rapport aux enquêtes que nous avons mené, certains FDS (forces de défense et de sécurité) étaient cagoulés.  Nous avons d’ailleurs demandé dans notre rapport, que les FDS n’aient plus le droit d’être déployées avec des éléments cagoulés. Parce que ceci est contraire au Droit International, notamment au droit de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

Nous avons enquêté dans le rapport publié en 2020 qui s’appelle ‘’Marcher et Mourir’’, sur toute la répression depuis notamment 2019 et les premières grandes manifestations du FNDC suite à l’annonce du président Alpha Condé de se représenter pour un 3ème mandat après un referendum. Nous avons recueilli des dizaines de témoignages, des photos, des vidéos, qui selon nous, permettent de constater de manière assez claire que des FDS ont été impliquées de façons extrêmement graves dans la mort de dizaines de manifestants.

 

Entretien réalisé par BAH Boubacar LOUDAH

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 13

Créé le 6 octobre 2021 12:10

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