Évasion du gérant suspecté de vol de 335 millions, interpellation de militaires : le procureur de Koundara explique 

À Koundara, une affaire de vol présumé de fonds secoue l’opinion. Alpha Oumar Diallo, gérant de la station-service Total de la commune urbaine, est soupçonné d’avoir détourné près de 335 millions de francs guinéens. Après avoir été interpellé à Youkounkoun le 28 mai 2025, il s’est évadé du commissariat dans la nuit du samedi 31 mai au dimanche 1er juin. Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Koundara, Patrice Koma Koivogui, revient dans cet entretien sur les circonstances de cette évasion spectaculaire et donne des précisions sur les premières enquêtes.

AFRICAGUINEE.COM : Alpha Oumar Diallo, gérant suspecté de vol de 335 millions de francs guinéens, s’est évadé de là où il était en garde à vue. Comment cela s’est-il passé ?

PATRICE KOMA KOIVOGUI : Alors, comme vous le savez, actuellement, le commissariat central est en chantier. C’est donc l’ancien centre de santé qui sert aujourd’hui de local pour le commissariat central. Au niveau de ce centre, il n’y avait pas un lieu approprié pour les mesures de garde à vue. C’est donc le commissaire qui a aménagé un endroit pour pouvoir au moins garder, détenir les personnes placées en garde à vue.

Et comme vous le savez, pratiquement en fin de semaine dernière, il y a eu de fortes pluies qui se sont abattues sur Koundara, avec notamment des vents violents. Le local dans lequel les personnes en garde à vue étaient détenues n’étant pas bien sécurisé, quand il pleuvait, l’eau y entrait. Alors, pour mettre ces détenus à l’abri, très souvent, lorsqu’il pleut, on les fait sortir pour les installer dans les bureaux, où ils restent jusqu’au matin.

C’est ce qui s’est passé dans la nuit du samedi. Il y a eu une pluie. Quand elle a commencé, les agents qui étaient de garde, comme d’habitude, ont fait sortir les détenus pour les faire rentrer dans les bureaux.

Le jeune Alpha Oumar a également bénéficié de cette mesure. On l’a placé dans un bureau. Malheureusement, les agents, après les avoir mis là-bas, ont fermé le bureau et sont allés s’asseoir dehors, puisqu’ils étaient de garde. C’est ainsi qu’il a profité de l’occasion pour ouvrir la fenêtre, passer par les barreaux et s’évader. Voilà comment cela s’est passé.

C’est le seul qui s’est évadé parmi les détenus qui étaient là-bas ?
C’est le seul, parce qu’il était seul dans ce bureau. Oui, c’est le seul. À cette date, les recherches se poursuivent. J’ai l’assurance qu’on va l’arrêter, d’autant plus qu’il n’est pas encore sorti de la ville.

Où en êtes-vous par rapport aux enquêtes sur les montants restants des 335 millions de francs guinéens qu’il aurait dérobés ?

Concernant l’enquête sur le reste des fonds, je précise qu’au moment de son interpellation, le 28 mai dernier, il avait été arrêté par deux militaires.

Lors de son interrogatoire, il avait déclaré être en possession de 130 millions de francs guinéens. Le reste, selon ses dires, avait été dissimulé quelque part en brousse. Mais sur les 130 millions, les agents n’en ont présenté que 51 250 000 francs, le montant officiellement déclaré dans un premier temps.

Le jeune homme soutient mordicus qu’il avait bien 130 millions au moment de son interpellation. Et aujourd’hui, certains indices laissent croire que les militaires qui l’ont arrêté ont soustrait une partie de cette somme. Pas la totalité, mais une partie des 130 millions qu’il détenait ce jour-là.

Lui-même avait expliqué qu’il était fatigué de porter tout cet argent. Il a donc préféré le diviser en deux. Il faut rappeler qu’il est malade, physiquement affaibli, ce qui rend peu probable qu’il ait pu transporter seul tout cet argent.

Les deux militaires n’ont présenté que 51 millions. Après confrontation, il est apparu des éléments laissant penser qu’ils ont soustrait une partie de la somme. C’est pourquoi eux aussi sont poursuivis. À l’heure actuelle, ils sont en prison, dans l’attente que le juge d’instruction se saisisse du dossier.

Et ses autres complices ?
Au moment de la soustraction de l’argent à la station, il n’y avait pas de complice. Si complicité il y a, ce serait plutôt du côté de ceux qui l’ont aidé à sortir de la préfecture, comme certains conducteurs de taxi-moto. À part cela, non, il n’y a pas d’autres complices.

Cette évasion n’est-elle pas également liée au manque d’une maison d’arrêt digne de ce nom à Koundara ?

Ce n’est pas forcément lié, parce que ce n’est pas de la prison qu’il s’est évadé.

Je pense que cette évasion est surtout due au fait que le commissariat est en chantier. Le lieu actuel où le commissariat fonctionne n’est pas du tout adapté. Comme je l’ai dit, il s’agit de l’ancien centre de santé, réaffecté temporairement. Il n’y a pas de local sécurisé. C’est juste une petite chambre aménagée pour les besoins de la cause, en attendant la fin des travaux.

Ne pensez-vous pas que ce fugitif a pu bénéficier de la complicité des agents de garde cette nuit-là ?

Non, je démens formellement toute complicité. Je peux le dire à qui veut l’entendre : je ne vois aucune complicité de la part des agents.

Alors, à ce jour, que pouvez-vous dire à la victime de ce vol, sachant que le principal suspect est toujours dans la nature avec l’argent détourné ?

Concernant la victime, nous avons une chance : ce n’est pas la première fois que nous traitons une procédure dont elle est informée.

Je crois qu’elle ne doute pas de notre intégrité. Depuis que l’affaire a éclaté, elle s’est entièrement mise à notre disposition, comme elle le fait toujours d’ailleurs. Je tiens donc à la rassurer que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour retrouver le fugitif.

Quant à la population, nous lui demandons de continuer à nous faire confiance. Il n’y a rien à cacher dans cette affaire. D’ailleurs, si nous avions voulu dissimuler quoi que ce soit, les militaires impliqués, qui avaient agi dans l’ombre, n’auraient jamais été interpellés.

Leur arrestation est la preuve que nous sommes dans une démarche de justice pour tous.

Quelle va être la suite de cette affaire ?

La procédure suit son cours normal. Les deux militaires sont déjà détenus, et le fugitif est activement recherché. Je le répète encore une fois : nous finirons par l’arrêter.

 

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

 

Créé le 3 juin 2025 16:18

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