Elevage de bovins au Foutah : immersion au cœur d’un secteur en souffrance…

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LABE- Les éleveurs font face à de nombreuses difficultés ces dernières années au Foutah, région agropastorale par excellence. Les acteurs de ce secteur en souffrance ne savent plus où donner de la tête. Confrontés au vol de bétails, à la carence alimentaire des bêtes, aux maladies…les éleveurs sont presque à bout de souffle. Certains ont d'ailleurs abandonné. La rareté est arrivée à un seuil inquiétant. Au grand abattoir de la ville de Labé, on peine à couvrir les besoins en viande pour nourrir les populations, faute d'animaux à abattre. Si dans les conditions normales, il faut 40 têtes par jour, on n'arrive à peine à avoir 10 bêtes à abattre. Notre grand reporter s’est plongé dans ce secteur en souffrance dans la région de Labé.

Nous sommes au plus grand abattoir de la ville de Labé situé dans le quartier périurbain de Hoore Saala. 10 bœufs viennent d'être abattus. Mais c'est largement insuffisant pour couvrir le besoin journalier en viande de la ville. Pourtant, la veille, le dimanche, c’était le plus grand marché à bétails de Thianguel-Bori  dans la préfecture de Lélouma. Boubacar Kanté est le président de la Coopérative des bouchers de Labé. Il décrit une pénurie sans précédent de vaches  destinées à l’abattage :

« La pénurie que nous vivons est grave.  L’abondance est rangée dans les souvenir. Il n’y a pas de marché à bétails bien fourni dans toute la préfecture de Labé. Nous comptons sur les marchés hebdomadaires de Konah dans Tougué, Matakaou dans Koubia et Thianguel-Bori dans Lélouma. Si avant, on s’approvisionnait surtout à Thianguel Bori, ce n’est plus le cas maintenant.  Les éleveurs préfèrent vendre à Gaoual désormais à cause de la zone aurifère qui attire du monde. Présentement, tu peux faire les marchés hebdomadaires pour rapporter moins de 10 têtes, comme c’était le cas hier dimanche. Il arrive des jours où tu ne trouves aucune vache, le jeudi passé par exemple nous n’avons rien trouvé, ce jour aucun kilo de viande n’a été vendu à Labé. Nous sommes également confrontés à la rude  concurrence de ceux qui viennent acheter à destination de Conakry. Ils proposent un prix qui dépasse nos moyens, c’est quand ces derniers finissent de s’approvisionner que nous venons prendre les restants. Ça fait plusieurs mois que nous n’atteignons pas le quota requis estimé à 40 têtes, nous atteignons à peine 10. Certains jours sinon  c’est 5 ou 6 par jour », explique Boubacar Kanté.

Désormais, il faut s’abonner en permanence auprès d’un boucher pour obtenir un kilogramme de viande à Labé, explique une ménagère. « Maintenant, je trouve la viande grâce à un boucher que j’ai connu depuis longtemps. Dès que je manifeste le besoin, il me dira au téléphone de patienter, parfois c’est après 3 ou 4 jours qu’il me dit de passer. Il arrive des moments où on est obligé de recourir aux poissons ou aux poulets faute de viande de bœufs. C’est compliqué. Le prix du kilogramme varie entre 50, 55 et 60 mille Gnf,  c’est selon la qualité. Comme la mairie veille au grain contre l’augmentation du prix, tu t’entends avec le boucher avant de venir chez lui. Ce n’est plus possible de se lever un bon matin et aller trouver la viande sans une commande préalable», regrette Mme Oumou Bah, ménagère à Konkola.

Selon le directeur préfectoral de l’élevage de Labé, cette situation s’explique  par plusieurs facteurs. «  Depuis plus de 4 mois, les opérateurs ont de sérieuses difficultés d’obtention de bêtes pour l’abattoir. Et cela a des répercussions directes sur la population. Les raisons sont multiples, c’est entre autres, l’influence de la saison sèche qui a amaigris les animaux, les éleveurs ne vendent  pas leurs bêtes en cette période parce que la valeur marchande n’y est pas. Mais le véritable problème qui a créé la rareté cette fois, c’est l’apparition de la mine d’Or à  Gaoual qui a mobilisé tout un monde avec les moyens dont ils disposent. Les vaches qui quittaient Gaoual et Koundara pour Labé et Conakry sont achetées et abattues à Gaoual centre et Kounsitel. Aujourd’hui le besoin de la viande devient criard pour la population. Certains jours on ne trouve aucune tête », précise Dr Mamadou Kalifa Diallo.

Elhadj Thierno Ibrahima  Diallo est instituteur à la retraite. Il est l’un des plus anciens éleveurs de Gaoual jusqu’à Koundara. Au début des années 2000, il possédait  plus de 1000 têtes de bœufs. C'est un éleveur complètement découragé par le vol de bétails que nous avons interrogé. Aujourd’hui, il n’a que 18 vaches. 

Les juridictions ont rendu certains voleurs très puissants

« Il n’y a plus d’élevage, c’est un secteur en phase de disparition totale. A cette allure, il y aura une génération qui ne connaitra pas les vaches, c’est certain. Entre 1986 et l’an 2000, je disposais de plus de 1000 têtes  de bovins avec une vingtaine de gardiens des troupeaux. Nous étions partout pour nous occuper des bêtes.  Pendant certains mois, au moins 30 vaches pouvaient mettre bas. Chaque année. Rassurez-vous il y avait d’autres éleveurs qui nous dépassaient largement avec 2000 ou 3000 têtes. En ce moment, il n’y avait pas de voleurs comme aujourd’hui. Chaque année, tu pouvais offrir une tête à chaque gardien de troupeaux sans sentir. La viande était abondante, moins chère, une calebasse de lait a couté moins de 5000 Gnf à  un moment donné dans la zone de Gaoual. Ces derniers temps, il y a eu l’impunité des voleurs de bétails. Ils sont bien connus et sont devenus des amis intimes des procureurs, des commissaires et des commandants. Si les uns sont victimes de vol, d’autres ont tout revendu de peur de recevoir la visite des voleurs devenus puissants. Les conséquences, il n'y a plus de viande. Le lait consommé à l’occasion des cérémonies, c’est du lait importé. Finalement, le secteur s’affaisse. Je suis animé de regret d’assister à cette catastrophe de l’élevage en Guinée. Les juridictions ont rendu certains voleurs très puissants », s’indigne cet ancien éleveur.

En tant que vendeur de bétails, Abdoulaye Diallo a du mal à trouver son quota habituel. Son malheur, selon lui, est dû en partie à la découverte de la mine d’or Kounsitel. «Habituellement, les éleveurs utilisent des jeunes les aider à retrouver les vaches en brousse pour les revendre. Cette fois-ci, on nous dit que les jeunes qui avaient l’habitude de rechercher  les animaux sont tous partis dans les mines. Donc on ne compte sur personne pour le faire. Moi, particulièrement, je suis allé acheter dans la zone de Gaoual, je n’ai trouvé que deux jeunes pour acheminer les vaches vers Thianguel Bori, alors que j’avais besoin d’au moins 10 jeunes. Tout le monde est dans les mines à la recherche du profit. C’est un autre handicap pour le marché à bétails», témoigne Abdoulaye Diallo.

Pour Dr Mohamed Diakité médecin-vétérinaire, chef de poste à Thianguel-Bori, cette rareté des vaches n’est pas liée à la découverte de la mine d’or de Gaoual. Il estime que la cause est ailleurs. « C’est un  peu hâtif d’affirmer que la situation actuelle est liée à la ruée vers l’or de Gaoual. Nous vivons souvent une période de soudure dans ce marché à bétails qui est le plus grand dans la région de Labé en cette phase de transition. Presque chaque année à la fin de la saison sèche les animaux sont plus maigres et au début de la saison pluvieuse, il y a l’agriculture et tous les travaux champêtres. Tout ça réuni, amène la rareté des animaux sur le marché parce que tout le monde est dans les champs. C’est vers le mois de septembre que les gens se libèrent et ça coïncide à l’embonpoint des animaux. De septembre à février, vous verrez des animaux physiquement bien arrêtés. La période de rareté aussi s’étend du mois de mars à août. Maintenant, si après cette période les animaux ne viennent toujours pas, en ce moment nous pouvons dire que la mine d’or en est pour quelque chose. Les animaux viennent de partout pour ici, Mali, Lelouma, Gaoual, Koundara et une partie de Labé proche de Lelouma » précise Dr Diakité

Doyen des bouchers de Popodara, Elhadj Amadou assiste impuissant aux difficultés liées à son activité. «  Ce qui fait mal, nous n’avons pas appris d’autres métiers que d’acheter  et aller revendre les vaches. Comme vous le voyez, les animaux sont trop maigres et très chers. La bête la moins chère c’est 4 et 5 millions alors qu’elle ne pèse pas 80 kg et nous sommes obligés d’abattre et revendre à perte comme ça juste pour rester sur la chaine de vente. Une vache un peu forte physiquement peut aller jusqu’à 10 millions sans impliquer les frais de transport. C’est regrettable et nous sommes dans le Foutah. Alors que les autorités communales nous obligent de vendre le kilo à 40mille Gnf. Pourtant, pour recouvrir ton argent sur une vache de 5 millions, il faut vendre le kilo à 60 mille et même avec ça tu ne fais aucun bénéfice», regrette ce doyen des bouchers.

L'autre difficulté non des moindres, c’est les maladies qui rongent le cheptel. Des inspections sur la santé animale sont déjà mises sur pied. «  Il y a des maladies fréquentes en cette période. Toutes les maladies sont presque liées à la sous-alimentation. Notre façon de faire l’élevage fait que les animaux sont exposés à toutes les maladies. La carence alimentaire est à la base des autres comme les maladies parasitaires et celles infectieuses notamment le charbon bactérienne, le charbon symptomatique par endroit. Les maladies dépendent aussi des zones. Cerner tout ça pose des problèmes parce que les animaux viennent de partout. Comme c’est un lieu de regroupement de bétails, nous procédons à l’inspection physique des animaux, nous retirons les animaux qui doivent partir d’ici de ceux qui sont malades. C’est le cas, il y a trois ans avec l’épidémie de la fièvre aphteuse qui a fermé carrément le marché pour éviter la propagation dans les autres préfectures. A l’abattoir également, il y a l’inspection sur pied pour contrôler la santé animale. Après l’abattage aussi, il y a l’inspection des organes pour savoir si la viande est propre à la consommation. Les conséquences directes c’est la rareté de la viande et son coût élevé » souligne le médecin -vétérinaire

Un reportage réalisé par Alpha Ousmane Bah(AOB)

De retour de Thiaguelbori et de l’abattoir de Labé

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 17 août 2021 10:09

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