Dadis Camara ouvre un nouveau front : « Un recours sera déposé…devant la cour de justice de la CEDEAO », révèle son avocat
CONAKRY-Objet d’une condamnation à 20 ans d’emprisonnement pour sa responsabilité dans la commission des atrocités au grand stade de Conakry le 28 septembre 2009, le capitaine Moussa Dadis Camara n’a pas dit son dernier. L’ancien homme fort du CNDD (conseil national pour la démocratie et le développement), entend multiplier les lignes de front pour casser la décision prononcée par le Juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, le 31 juillet dernier.
En plus d’avoir déjà interjeté appel auprès de la Cour d’Appel de Conakry, les avocats de la défense de l’ancien dirigeant guinéen (2008-2009) comptent également saisir la Cour de Justice de la CEDEAO pour innocenter leur client. L’annonce a été faite à Africaguinee.com par maitre Pépé Antoine Lamah.
Dans cette interview, l’avocat ne mâche pas ses mots. Selon lui, le capitaine Dadis Camara est complètement déçu après ce verdict. Il soutient que son client n’est pas prêt à endosser les responsabilités pénales d’un crime qu’il n’a jamais connu. L’avocat prévient que ce procès n’a pas connu son épilogue. Entretien exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Quelle appréciation avez-vous faites du verdict qui a condamné votre client à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité à l’issue du procès sur le massacre du 28 septembre 2009 ?
MAÎTRE PÉPÉ ANTOINE LAMAH : Je commence par préciser que ce procès n’a pas connu son épilogue. Nous venons juste d’épuiser la première phase de l’instruction définitive. La défense du capitaine Moussa Dadis Camara, à sa demande, a déjà interjeté appel. Cette cause sera examinée à nouveau, en fait et en droit devant la Cour d’Appel de Conakry. Cette décision est rejetée par le capitaine Moussa Dadis Camara et sa défense. Nous estimons qu’elle a été rendue non seulement en violation frontale des droits de la défense mais aussi au mépris de la loi. Nous aurons le moment venu la possibilité de détailler les motifs de notre appel devant la Cour d’appel.
Mais nous déplorons tout de même que le Capitaine Moussa Dadis Camara soit condamné sur la base d’une infraction pour laquelle il n’a jamais été entendu devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d’appel de Conakry. Pendant les débats, quand la question de la requalification a été posée, nous avions estimé qu’il était juridiquement impossible de procéder à la requalification. Le tribunal a décidé de joindre cette question, sans apporter la moindre précision que l’accusé pouvait être interrogé sur les éléments constitutifs de l’infraction envisagée.
Ni le président du tribunal, ni le procureur du parquet, ni les avocats de la partie civile et de la défense n’ont posé des questions aux accusés relativement aux éléments constitutifs des infractions de crime contre l’humanité et de responsabilité de commandement. Cela constitue une violation grave des droits de la défense et nous sommes déjà en train de finaliser un recours que nous allons déposer très bientôt devant la cour de justice de la CEDEAO. Et nous espérons que cette justice va rétablir le plus rapidement possible le capitaine Moussa Dadis Camara dans ses droits.
Un mois après la sentence, quel est le moral aujourd’hui du capitaine Moussa Dadis Camara ?
Le capitaine est quand même déçu de la couleur de la décision qui a été prononcée le 31 juillet 2024. Jusqu’à présent il s’interroge du raisonnement, du cheminement, de la méthodologie empruntée par le tribunal pour aboutir à ses conclusions. Nous avons réclamé à deux reprises la délivrance de l’expédition de ce jugement, jusqu’à date n’avons pas la copie. Nous aurons le temps, s’il nous la délivre à temps de l’examiner, l’analyser, et préparer rigoureusement notre défense. Mais je dois vous dire que c’est avec une grande surprise, une grande déception que le capitaine Moussa Dadis et sa défense ont appris et par voie de presse l’intervention de cette décision. (Le jour du verdict, les avocats étaient grève, ndlr).
Quelle stratégie comptez-vous faire valoir pour convaincre la Cour d’Appel de l’innocence de votre client ?
La stratégie relève de la plus haute discrétion de la défense. Nous n’allons pas vous la dévoiler maintenant, vous allez la découvrir dans sa mise en œuvre.
Nous attendons impatiemment le jugement déféré pour pouvoir préparer notre défense. Pour le reste, c’est un dossier que nous maîtrisons parfaitement et nous n’avons même pas de complication à préparer notre défense en un laps de temps.
On se sait que l’ouverture de ce genre de procès peut parfois prendre de temps. Que comptez-vous faire pour pousser les autorités à diligenter la procédure ?
Nous utiliserons toutes les voies de droit pour que le capitaine Moussa Dadis Camara soit rétabli dans ses droits.
Ce procès est intervenu après plus de 13 ans d’attente, une première en Guinée. En votre qualité d’homme de droit, quelle leçon en tirez-vous ?
Une mauvaise leçon. On pensait avoir à faire avec une justice qui allait jouir de toute sa plénitude, de toute son indépendance. Mais je dois vous dire que nous avons des doutes et des réserves par rapport aux conditions dans lesquelles cette décision est tombée. Nous aurons la possibilité le moment venu d’en parler suffisamment ce n’est pas le lieu. Puisque les décisions de justice ne doivent pas être commentées dans la presse. Dans les amphithéâtres, dans les cours et tribunaux on pourra le faire en détail. Mais comme je vous l’ai dit, nous rejetons cette décision.
De votre œil de juriste, comment analysez-vous le déroulement du procès ?
Le procès ne s’est pas déroulé en réalité à notre entière satisfaction. Puisque nous avions quand même déplorer pendant un certain moment, le musèlement de la défense. À travers l’attitude du président contre laquelle d’ailleurs nous revenions de temps en temps. Vous avez même constaté des incidents qui sont en tout cas propres au procès pénal. Les incidents, il faut le rappeler, ça fait la beauté du procès pénal. Nous espérons que la qualité sera encore meilleure en appel, pour qu’on puisse avoir une décision qui n’est pas forcément à la satisfaction de toutes les parties mais qui paraîtra au moins aux yeux des professionnels comme scientifiquement consommable.
Est-ce que selon vous ce procès a tracé le chemin vers l’ouverture d’autres procès pour des crimes commis par des dirigeants en exercice ?
Absolument ! Nous sommes contre l’impunité. Même le capitaine Moussa Dadis Camara est contre l’impunité. Mais si les arguments retenus par le premier juge pour entrer en condamnation du capitaine Moussa Dadis Camara se confirment en Appel, ça veut dire que même les autorités actuelles ne sont pas épargnées par un procès de cette nature à l’avenir. Je pense que c’est un précédent dangereux qu’il faut bannir. Nous espérons certainement que la Cour d’Appel aura l’audace de réparer ce dégât. Pour que le droit soit dit, pour que la Guinée prononce une décision qui pourra faire la fierté, non seulement de notre souveraineté judiciaire, mais aussi de notre monde scientifique.
D’aucuns disent tout de même que le procès des événements du 28 septembre a été une belle expérience pour la Guinée notamment pour les magistrats, les avocats et les autres auxiliaires de justice. Partagez-vous cette idée ?
Oui. Plus ou moins, je partage l’idée.
Un message sur votre client le capitaine Moussa Dadis Camara.
Le capitaine Moussa Dadis Camara a eu un sérieux entretien avec sa défense les jours qui ont suivi l’intervention de cette décision que nous rejetons. J’ai trouvé un homme révolté, déçu par rapport à la justice de son pays, mais tout de même déterminé à défendre ses droits jusqu’au bout. Le capitaine Moussa Dadis Camara n’est pas prêt à endosser la responsabilité pénale des faits qu’il n’a pas commis. Il a été bien détaillé dans les débats que le capitaine Dadis n’a jamais donné des moyens, des ordres, des instructions à qui que ce soit d’aller commettre des infractions comme cela. Le tribunal a, dans sa décision, soutenu que c’est le capitaine Moussa Dadis qui aurait envoyé le commandant Aboubacar Toumba Diakité au stade. En ajoutant que le commandant Aboubacar Toumba Diakité est de bonne foi parce qu’il a aidé le tribunal à comprendre beaucoup plus dans cette affaire.
Mais paradoxalement, la personne qu’on qualifie de bonne foi, la personne qu’on indexe comme celle qui aurait aidé le tribunal à voir clair, a refuté cette thèse devant le tribunal. Vous l’avez tous suivi au même titre que moi. Le commandant Toumba a souligné qu’il n’a jamais été au stade sous instruction du président, il est plutôt aller le rechercher. Le tribunal a pris en compte cette version contestée qui a été véhiculée par voie de presse. Et le tribunal ajoute paradoxalement que c’est une personne qui est de bonne foi. Ce sont des détails sur lesquels nous allons revenir le moment venu.
Mais le capitaine n’a pas compris cette situation. Le capitaine fait confiance en sa défense et sa défense promet d’utiliser toutes les voies de droit pour obtenir sa remise en liberté. La défense du capitaine Dadis est plus que jamais engagée pour obtenir le respect et la sanction de ses droits qui ont été violés depuis le 27 septembre 2022.
Interview réalisé par SAKOUVOGUI Paul Foromo
Correspondant Régional d’Africaguinee.com
A Nzérékoré.
Tél : (00224) 628 80 7 43
Créé le 2 septembre 2024 11:37Nous vous proposons aussi
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