Banjul : le tourisme en berne, des milliers de gambiens dans la misère…

Vue d'une plage dans la capitale Banjul

BANJUL- A l’instar des autres pays du monde, la Gambie a été frappée de plein fouet par les effets de la crise sanitaire mondiale liée à la Covid-19. Ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest dont économie dépend en partie du tourisme, de l'hôtellerie et de l'artisanat a connu un coup d’arrêt systématique pendant ces deux dernières années. Environs 10.000 emplois directs, 40.000 indirects ont été perdus durant cette période. Les ¾ des touristes estimés à 150 milles par an qui avaient l’habitude de visiter le pays, ont disparu.

L’État Gambien a injecté 100 millions de dalassi monnaie locale (environs 20 milliards de francs guinéens) pour assister le secteur du tourisme qui a du mal à se relever. Des chauffeurs et guides touristiques squattent au quotidien les quartiers fréquentés par les européens dans l’espoir de trouver un client, en vain. Dans les belles plages et les grands hôtels, l’ambiance n’est plus comme avant. Reportage à Banjul d’Alpha Ousmane Bah.

« Le tourisme a un impact très significatif dans notre économie, malheureusement à cause de la covid, nous sommes aujourd’hui très affectés. Très sérieusement nous avons perdu des milliards de Dalassi », confie le ministre gambien du tourisme et de la Culture, honorable Ahmat Kumba Ba.

 

Senégambia, Bijilo, Kololi, Fadjara, Bakau, kotu ou encore Brufut, constituent l’essentiel des quartiers chics de Banjul. Ces endroits propres et bien fréquentés abritent les grands restaurants et les hôtels chics mais aussi les ambassades et consulats des pays amis de la Gambie.  Ces quartiers sont ceinturés par de belles plages au sable fin à des pertes de vue.  Ce qui explique le développement du tourisme dans ce petit pays qui n’est pas qu’une bande de terre enclavée dans le Sénégal. C’est dans ces quartiers que les milliers de touristes estimés à plus de 150 milles visiteurs en temps normal par an, s’installent. Ils boostent significativement l’économie nationale.

Le tourisme est l’un des secteurs le plus dynamique de l’économie du pays. Son apport au budget national se chiffre à hauteur de 25%. Au-delà du tourisme, l’hôtellerie et l’artisanat constituent à leur tour une grosse manche pour les caisses de l’État. La pandémie mondiale qui a mis le monde à l’arrêt a fait perdre à la Gambie des milliards. Des plaies qu’elle panse peu à peu avec le retour progressif des touristes 

A Senegambia, destination de choix des occidentaux, les restaurants sont régulièrement bondés de monde en majorité des citoyens européens et américains. Comparativement à l’autre rive de l’Atlantique, le coût de la vie est moindre ici pour ceux qui viennent de l’Europe, explique une belge croisée sur les lieux. Les touristes reviennent par petit groupe et trouvent la vie merveilleuse. Marie, une belge s’arrête à Banjul pour passer quelques jours avec son mari avant de continuer au Sénégal.

 « Les gens se sentent bien ici avec un coût de la vie moindre. Ici tu peux manger un bon plat dans les grands restaurants entre 1 et 5 euros. Ce qui est inimaginable en Europe pour manger il faut débourser entre 15 et 20 euros. Quand nous le disons à certains de nos amis en Europe ils ouvrent grandement les yeux pour marquer leur étonnement. Je pense que les habitués à ce pays ne tarderont plus à revenir », explique cette européenne.

YOURI, citoyen européen résident à Banjul, il mène une vie tranquille et souhaite voir le retour massif des touristes : « la Gambie est très bien lorsque vous avez quelque chose à faire ici, le pays est plaisant. Spécialement à pareil moment, quand les gens fuient l’hiver par en exemple en Belgique, ici vous constatez il fait très chaud et c’est plaisant. Le tourisme en Gambie est très populaire parce que le pays est un proche des pays européens. Quand vous prenez votre avion en Europe, des belges et des anglais accourent vers ici. On peut espérer avec la fin de la covid que beaucoup de touristes se tournent vers la Gambie », espère cet européen.

 Mais derrière la beauté des lieux, se cache une réalité particulière, le chômage. Le coût de la vie est bien ressenti dans cette partie de la Gambie. Des jeunes au chômage n’espèrent pas un changement sitôt. SEYNI DJIBO, un jeune diplômé sans emploi est très amer contre le régime de Barrow :

 « Les prix en Gambie ici montent crescendo, le prix du riz a augmenté, le carburant, même les bouillons et la monnaie connait une dévaluation. Le mieux pour nous que la monnaie garde sa valeur. Nous avons besoin de beaucoup plus de touristes et de sociétés. La jeunesse gambienne n’a pas de travail, c’est un problème ça parce que beaucoup de jeunes iront pour voler faute d’emplois. Nous voulons éradiquer ce fléau. Or, pour que les jeunes travaillent, il faut qu’ils étudient dans écoles de qualité », explique SEYNI DJIBO.

A l’image de Baaba Cissay, sexagénaire, chauffeur guide touristes, ils sont des dizaines de gambiens pères de famille et célibataires à rallier ces quartiers à forte fréquentation des blancs pour espérer ne serait-ce qu’un client potentiel à conduire à travers le pays en vue de rapporter quelques choses en famille le soir.

« De notre côté c’est très difficile, notre revenu c’est dans le tourisme. Donc quand le système du tourisme est bas nous avons des problèmes. Nous avons des problèmes depuis Ebola. Même dans le cadre ça nous a affectés. Le coronavirus est venu faire le pire. Aucune aide du gouvernement ne nous parvient », se lamente Baaba Cissay.

Dans ce pays, les jeunes qui ne sont pas des guides touristiques, disposent d’un espace côtier pour aménager une plage, ils sont des milliers à compter sur un proche résident en Europe pour subvenir à leurs besoins. N’ayant pas un frère qui vit en Europe, Amadou N’Diaye est assis sous un arbre avec quelques amis. Il se contente de ses petites affaires au cœur de Sénégambia pour faire face au quotidien.

« Comparativement à la Guinée où les jeunes font le petit commerce et les métiers, ici en Gambie, beaucoup de jeunes ne s’y intéressent pas, ils sont juste assis à dire que mon frère est en Europe où je vais partir moi-même. C’est cette histoire depuis de notre enfance. C’est vrai que c’est certains commencent à travailler pour mieux vivre mais ce n’est pas facile très malheureusement… Il la famille, les enfants, c’est tendu mais Dieu merci », soupir M. M. Ndiaye.

ARTISANAT

 La baisse drastique des fréquentations des touristes en Gambien a entraîné un effondrement de l’artisanat. Le secteur sommeille depuis le début de la pandémie de la Covid-19.  Les expositions ne manquent pas, ce sont des clients qui se font rares. Sonia, une gambienne a sa boutique au sein du marché artisanal. Elle explique :

« Les clients viennent petit à petit mais les affaires sont très au ralenti. Nous avons fermé entièrement pour 2 ans et nous venons de reprendre, nous espérons que ça va continuer », dit-elle.

Souleymane Jammeh est à la fois sculpteur et couturier. Il reste optimiste quant à la reprise des activités.  « La première année du premier mandat de Barrow, la covid s’est déclarée donc les gens n’ont pas travaillé. Sinon le secteur de tourisme et de l’artisanat d’avant la covid, je vendais suffisamment aux touristes, mais un bon matin tout s’est arrêté. 2 ans nos boutiques sont restées fermées, les plages et les hôtels. Le ministre du tourisme et celui de l’artisanat essayent de changer la donne. Nous espérons que les choses vont revenir à la normale bientôt »

Au ministère du tourisme et de la culture gambienne, l’on est bien conscient de la situation difficile que traverse ce secteur névralgique de la Gambie.  Les épidémies d’Ébola et le coronavirus sont entre autres facteurs qui ont secoué le tourisme. L’État gambien aurait injecté 100 millions de dalassi, environs 20 milliards de francs guinéens pour réveiller le secteur en sauvegardant les emplois. Honorable Ahmat Kumba Ba, ministre gambien du tourisme et de la culture compte sur la réélection du président Barrow pour appliquer les plans touristiques en perspectives.

 « Maintenant nous mettons un focus sur différents aspects du tourisme. Le tourisme ne se limite pas au chaud soleil sur les plages, les demandes du tourisme se diversifient. Désormais les différentes techniques du tourisme, nous en tant que gouvernement, nous développons des textes stratégiques, une sorte de politique qui guide le secteur dans les 10 prochaines années. Nous nous sommes intéressés à l’éco tourisme, le tourisme portuaire, le tourisme médical, tout cela nous intéresse. Nous voulons développer des segments divers. Nous avons plus de 350 sites culturels, des sites historiques qui sont très importants. C’est pourquoi notre ministère du tourisme est composé de l’art et de la culture qui se complètent les uns les autres. Nous croyons aussi que les touristes ne viendront pas seulement en Gambie pour les plages mais ils viendront aussi pour d’autres aspects.

C’est pourquoi nous sommes en train d’améliorer nos sites culturels, c’est une politique qui pourrait toucher aussi nos artistes et de voir comment eux de leur côté peuvent parfaire leur production pour générer plus de revenus mais leur permettre de survivre. Donc nous avons vers un vaste programme de tourisme en touchant par exemple les grands hôtels qui pourraient éventuellement attirer non seulement des gambiens mais des guinéens, des sénégalais. Nous allons faire des routes et des ponts pour faciliter la traversée vers la Gambie. Nous ouvrons le pays. Nous sommes certains que la Gambie est un bon pays d’accueil en Afrique », rassure le ministre

Si le tourisme et l’artisanat rapportent à la Gambie avec plus de 10000 emplois directes, l’apport des hôtels reste encore très faible. La plus grande part des hôtels est détenue par des étrangers, en partie après des libanais. Ce qui expliquerait la fuite des capitaux vers les pays d’origine des tenanciers.

 

Reportage réalisé à Banjul par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Créé le 9 décembre 2021 13:26

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