Amara Balato Keita,syndicaliste : « ce que nous exigeons du gouvernement… » (interview)

Elhadj Amara Balato Keita

CONAKRY-Que réclament concrètement les syndicalistes au Gouvernement guinéen ? Pourquoi les négociations sont-elles bloquées ? Le secrétaire général de la Fédération syndicale des professionnelles de l’éducation de Guinée (FSPEG), Elhadj Amara Balato Keita s’est confié à notre rédaction en exclusivité.

Africaguinee.com : Elhadj Amara Balato Keita, vous êtes le secrétaire général de la Fédération syndicale des professionnelles de l’éducation de Guinée (FSPEG). Le syndicat de l’éducation est en grève depuis début février. Que réclamez-vous ?

Elhadj Amara Balato Keita : Nous sommes rentrés en grève depuis le 6 février. Le problème des enseignants se résume en neuf points, mais grosso modo tout tourne autour des essentiels. De quoi il s’agit ? C’est la valeur du point indiciaire qu’on appelle VPI qui est fondamentale. Cela se chiffre à 100030, mais cela est retombé à 751. C’est réellement le nœud du problème.

Ensuite, conscient de la qualification du système éducatif guinéen, nous devons avoir le regard sur le système dans sa globalité. D’où la situation des contractuels qui souffrent dans les écoles à cause miettes. Ils n’ont que le SMIG (salaire minimum individuel garanti), 470.000GNF. Ces gens se sont sacrifiés, appris le métier dans le tas, ils se sont donnés, pour nous ce sont des enseignants. Bon nombre parmi ces gens ont composé, pour le recrutement à la fonction publique, ils ont été rejetés parce qu’ils ont échoué. C’est vrai, c’est l’échec, nous ne disons pas le contraire mais pour nous, ceux qui ont déjà mis du temps à la tâche sont différents de ceux-là qui nous viennent d’ailleurs et de partout. Parce que c’est un concours ouvert. Même si tu fais la 2ème année de l’élémentaire si tu réussi le concours, alors tu es enseignant. Est-ce que c’est ça ? Puisqu’en principe n’est pas enseignant qui le veut ! Est enseignant qui le peut. Il faut le minimum de pédagogie et de tact pour enseigner en classe. Ces enfants se sont révoltés, après eux les élèves les ont suivi, parce que dans la plus part des cas aujourd’hui, le système éducatif repose sur ces contractuels. Il y a même d’autres qu’on appelle des enseignants communautaires. Il y a des villages qui prennent des lettrés qui continuent à alphabétiser les enfants sans pédagogie. Mais c’est pour entrainer les enfants à lire, à écrire et à compter. Est-ce que c’est ça l’école ? Dans pas mal de villages aujourd’hui, ce sont les communautaires qui travaillent, la population trouve à manger pour ces gens. On a demandé à l’Etat pour boucher le trou, il faut ces contractuels. Il y a lieu de les appeler et les faire intégrer dans la fonction publique. C’est le second point.

Le troisième point qui est fondamental aussi, c’est la grille salariale qui a rétrogradé certains fonctionnaires enseignants. Quelqu’un qui a étudié ici par exemple ici, il a son doctorat, il a enseigné des étudiants à l’université qui se battent aussi pour avoir leur doctorat, ce nouveau diplôme est payé à la même valeur que l’ancien doctorat. Je crois que c’est une rétrogradation. C’est une injustice. Il y a lieu de rectifier cela. On a confondu aussi ceux qui ont leur maîtrise qui correspond au DES (diplôme d’étude supérieur) d’alors  et aussi le DEA (diplôme d’étude approfondie) et le master. Si on paie ces gens de la même façon, je crois que c’est difficile de comprendre. C’est difficile pour celui-là qui a le titre le plus élevé. Il y a plein de ça. Il faut corriger cela.

Ensuite notre statut nous consacre des choses. L’article 100 de notre statut particulier dit que plus la vie devient chère plus on doit penser aux enseignants qui n’ont pas où voler sinon que la craie et les enfants du pays. Comme l’a dit Le Lynx : « les gens-saignants », alors nous voulons qu’on nous aide à soigner cette plaie qui n’a que trop saigner. Il faut que ces avantages liés à notre statut particulier, qu’on regarde ça de près pour qu’on puisse revenir au bon sentiment afin d’enseigner les fils du pays.

Nous sommes patriotes, nous sommes pères d’enfants, on a nos frères, nos sœurs contrairement à nos détracteurs qui nous prennent comme des détournés de l’Etat. Nous sommes pour le pays et pour son avenir. Parce que pour enseigner peu, il faut connaître beaucoup quand même. Même la présentation compte en matière d’enseignement. L’enseignant c’est l’exemple même.

Fondamentalement c’est ce qui a provoqué ce remous. Nous sommes à l’écoute, quand ces problèmes seront réglés, nous reviendrons au bon sentiment. Que les étudiants et élèves de Guinée sachent que leurs professeurs, leurs maîtres ont des problèmes. Quand ces problèmes seront réglés tout rentrera dans l’ordre. Nous sommes des patriotes. S’il y a d’ailleurs des patriotes c’est nous. Parce que parler de développement et de science, ceux qui ouvrent la porte à la science, ceux qui mettent le minimum de sciences dans la tête du pays ce sont les enseignants. Parler d’école, c’est parler d’enseignants, parler de sciences c’est parler d’école. On apprend la science à l’école. Donc, le développement est dans nos mains. Et nous sommes prêts à le faire si les conditions sont réglées.

Trois jours depuis que vous avez rencontré le Chef de l’Etat, les lignes ne bougent pas. On a l’impression d’assister à un dialogue de sourds. Qu’est-ce qui bloquent les négociations ?

En ce qui nous concerne, nous avons toutes les bonnes volontés. Nous sommes préparés et prêts pour le dialogue. Parce que c’est autour de la table qu’on gagner ce qu’on chercher et non dans la rue. On a été chez le Président, on a vu la volonté du Chef de l’Etat, il ne faut pas mentir. Si à la table les gens sont sourds c’est que le fondamental, le nœud du problème n’est pas réglé. Mais sachez que je suis représenté à la table de négociation, je n’y prends pas part directement. On me rend compte du jour le jour.

Quelles sont les concessions que vous pourriez faire pour une sortie de crise ?

Il n’y a pas de consensus s’il n’y a pas d’entente entre la partie gouvernementale et la partie syndicale. C’est eux qui peuvent réellement débloquer la situation parce que ce que nous ne demandons pas de la mer à boire. Les avantages liés statut particulier, qu’on nous les accorde, la VPI, qu’on nous l’accorde aussi. Si on le fait aujourd’hui, on peut aller faire ce qui plait au peuple de Guinée et ce qui plait à la base. Nous sommes pour le bonheur du pays mais tout dépendra de la décrispation que les représentants du gouvernement feront preuve autour de la table. Je vous remercie.

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

 

 

Créé le 18 février 2017 18:38

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