Ses débuts, Alpha Condé et la Toyota Yaris, le coup d’Etat, Mamadi Dumbouya : Abdoulaye Saoupith Camara « Bras Cassé » parle…

COYAH- Abdoulaye Saoupith Camara connu sous le nom de « Bras Cassé » est l’un des artistes les plus connus en Guinée. Il a fait ses débuts dans la musique en 1961. Aujourd’hui âgé de 77 ans, celui qu’on surnomme le parolier de la Basse Côte, nous décortique son parcours.  Le concepteur du single « A ban ban fari » a ouvert son cœur à Africaguinee.com.

AFRCAGUINEE.COM : Pourquoi le nom Bras Cassé

BRAS CASSÉ : Le nom Bras Cassé est une longue histoire. Parce que je l’ai eu entre 1956-1957. J’avais deux ans à l’école. C’est mon bras qui était cassé. C’est pourquoi des gens se moquent de moi. Je ne vais pas vous expliquer tout ça, parce que c’est une longue histoire. Mais j’ai un bras qui est cassé au moins.

Comment c’est arrivé ?

Je suis tombé. Pour la petite histoire, c’est ma maman qui avait commissionné ma grande sœur, lui demandant de faire rentrer la natte à la maison parce qu’il menaçait de pleuvoir. Avant que ma grande sœur ne se lève, j’ai couru pour aller prendre la natte. C’est dans ces circonstances que l’accident est arrivé. C’est pourquoi ma main est restée comme ça. Mes amis se moquaient de moi à l’école en m’appelant Bras Cassé. Je me rappelle, à cause de ce sobriquet je m’étais beaucoup bagarré avec des gens. Finalement, ma maman m’a dit d’accepter. C’est ce qui est resté jusqu’aujourd’hui. J’ai le bras droit qui est cassé. Beaucoup de journalistes en parlent mais ils ne savent pas. Voilà les faits.

En quelle année avez-vous commencé à chanter ?

Dans ma carrière, j’ai fait sept albums. Moi, je ne suis pas issu d’une famille griotte. Généralement dans les familles Soussous et Peuls, on n’accepte pas que leurs enfants chantent. C’est maintenant que la donne change progressivement. Chez les peulhs dès que tu chantes, on te considère comme un vaurien. C’est pour ça qu’il n’y a pas eu beaucoup de chanteurs peulh ou soussous à l’époque. Mais maintenant, avec la nouvelle génération, la donne change. Nous, à notre époque, il n’y avait que moi et Fodé Conté et au Foutah ils n’étaient pas nombreux (…).  Quand on m’a inscrit à l’école en 1961-1962, c’était à l’époque où créait des orchestres en Guinée, dans les différentes écoles de Conakry. Sékou Touré avait envoyé des instruments dans toutes les régions, les 33 préfectures. J’ai commencé à chanter en 1962. A l’époque, il n’y avait même pas d’albums. Cette affaire de sortie d’albums, a commencé après la mort de Sékou Touré en 1984.

Qu’est-ce qui vous a poussé à chanter ?

C’est la pauvreté qui m’a poussé à chanter parce que j’ai perdu mon père très tôt.  Je suis l’unique fils de ma mère. Qu’est-ce que j’allais faire pour nourrir ma mère ? Alors il fallait danser, chanter, faire les louanges des gens. Je n’ai jamais travaillé dans le gouvernement guinéen mais j’ai aidé le pays. J’ai fait trois festivals panafricains pour la Guinée. A notre époque, à l’école les élèves faisaient le théâtre. Tout le monde devait apprendre. Il n’y avait pas d’autres activités presque.
Parlez-nous de la somme que vous recevez du BGDA ? 

Je n’ai jamais eu de salaire. Même dans mes moments de gloire. Le droit d’auteur que je prends c’est 1.800.000 Gnf. J’ai fait combien d’albums ? Mais les gens font du sabotage ici (…). Normalement, c’est chaque six mois ou par trimestre qu’on doit verser le montant parce qu’on a beaucoup travaillé pour ce pays. La Guinée ne finira jamais de nous payer (…).

C’est vrai que je suis chancelier de l’ordre national du mérite grâce à Mamadi Doumbouya. J’ai eu l’attestation mais c’est un peu difficile. J’ai appelé quelques responsables pour me venir au secours car je souffre d’une malade. Bien que j’aie mon passeport de santé, c’est compliqué. Pourtant j’ai servi six chefs d’État : Sekou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté, Alpha Condé.  Maintenant, je sers Mamadi Doumbouya. Je n’ai pas été battu. Je n’ai pas été injurié.

Normalement, je ne dois pas demander aujourd’hui de me donner quelque chose à manger. J’ai beaucoup fait pour ce pays. Et c’est le président Doumbouya qui m’a honoré en me décernant le titre de chancelier national de l’ordre de mérite. Mais si je suis chancelier sans rien comment nourrir ma famille ? Je n’aime pas trop en parler parce que je me fâche, non pas contre quelqu’un. Je me fâche contre ma personne. Parce que c’est ma personne qui a décidé d’être artiste.

On va parler d’Alpha Condé. Pourquoi avez-vous d’abord chanté pour lui ?

Moi j’aime tout le monde. Tous les chefs d’État qui viennent, je les aime tous. Quand un Guinéen dit qu’il veut être chef d’État, je ne vais pas être contre lui. Je vais l’aider avec mes moyens mais c’est à lui maintenant d’agir à sa manière. Moi je l’aime jusqu’aujourd’hui. Voilà sa photo ici. Je ne suis contre personne. Mais un chef d’État quand tu chantes pour lui et qu’il gagne (…), on doit le sentir. Les gens disent assez de choses qu’ils ignorent. Même quand je suis allé à la Mecque on dit que c’est Alpha Condé. Quand je mange on dit que c’est Alpha Condé. J’ai connu Alpha Condé en France. Ce n’est pas ici. Je l’ai connu en France profondément. Donc quand il est venu ici, ils m’ont appelé pour l’aider. Et je l’ai aidé.

Qui vous a appelé pour l’aider ?

Même sa propre femme. Même mon ami Malik Sankon.

 Quelle a été votre récompense ? 

J’ai chanté pour lui « A bambam Fari » et on a gagné. Mais moi j’étais le plus perdant. Qu’est-ce que j’ai eu en retour ?  (…). Si Alpha Condé me donne même un képi, je le dirais à tout le monde parce que je suis un noble fils de Soumbouya. Je suis digne fils de Coyah. Donc, oui il m’a donné une voiture, Toyota Yaris. Mais je lui ai dit dix-sept personnes, moi je ne prends pas cette voiture. C’est une voiture de jeunes filles. Je le lui ai dit face à face. Ils ont donné à Ibro Diabaté il a refusé de prendre. Par la suite, ils m’ont éloigné d’Alpha. Ils m’ont effacé du palais.

Qui ?

Je ne dirai pas de nom. Mais ils savent tous quand je parle. Ils sont là. Ils se connaitront tous.

C’est des artistes ?

Non pas des artistes.

Des membres de l’ancien gouvernement d’Alpha Condé ?

C’est ça.

Donc c’est une Toyota Yaris seulement que vous avez reçue ?

Je voyais qu’on donne des Prados à des enfants qui n’ont rien fait pour Alpha. Quand je venais voir le Président, on donne l’argent aux militaires pour ne pas que j’accède à la présidence. J’ai tout vu. Ils m’ont fait ça. Avant, au départ, je rentrais, je déjeunais même avec le président. Mais finalement, ils m’ont effacé. Ils ont donné l’argent aux gardes de là-bas. Quand je vais, on dit : le président est en conseil. Le président est occupé. Le président n’est même pas là. On m’empêche de ne plus jamais voir le président. Mais moi, je n’ai pas de problèmes avec ça, c’est leur affaire. Ils se connaissent. Moi, je l’ai aidé à être sur président devant tout le monde. S’il n’a pas reconnu ça, si ses membres n’ont pas reconnu ça, c’est fini.

Êtes-vous déçus ?

Très déçu. Heureusement que je ne suis pas décédé. Mamadi Doumbouya est venu pour m’honorer. Beaucoup de Guinéens ont un passé sale ici. Ils ont été méchants, très méchants envers les Guinéens.

C’est pourquoi Doumbouya ne va plus partir.

Ah bon ?

Oui, ça je vous dis maintenant, il ne va plus partir. Parce que les gens qu’on a aidés, ils ne nous ont pas aidés. `

Donc vous le soutenez ?

Je le soutiens à 100%.

Vous allez chanter pour lui aussi ?

Je ne chante pas, mais moi, je suis quelqu’un qui aide sans parler, qui détruit sans parler. De par mes gestes tu peux être chef d’État tout comme tu peux échouer. Je suis de la basse côte. Je le dis en me tapant la poitrine. Je suis un vrai soussou de la basse côte.

Quels sont vos rapports avec le CNRD et le président Doumbouya ?

Il n’y a pas de relations entre moi et Mamadi mais il est venu m’honorer. Ceux qui devrait le faire ne l’ont pas fait. Il est venu m’honorer. Je vous le dis et notez-le très bien. Mamadi Doumbouya va rester au pouvoir jusqu’à sa vieillesse (…). Il ne connaît pas tout ce qui est passé en Guinée, parce qu’il est très jeune. Mais il est sur la bonne voie.

Quelle a été votre réaction lors que vous avez appris le coup d’état du 05 septembre contre Alpha Condé ?

J’étais très content. Parce que j’ai aidé (Alpha Condé) pour qu’il m’aide, mais il ne m’a pas aidé. Mamadi est venu l’enlever là-bas. Ce jour-là, j’ai dansé jusqu’à Forécariah à pied. C’est vrai, moi je l’ai aidé. Les peulhs disent « Walan mi Wanlê » (aide-moi je vais t’aider). Moi je l’ai aidé. Les gens m’ont insulté père et mère.

A suivre !

Yayé Aicha Barry

Pour Africaguinee.com

Créé le 5 janvier 2025 16:19

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