Alerte/N’zérékoré : Inquiétudes sur la présence massive de chauves-souris, « réservoirs » de maladies virales…

NZEREKORE- Depuis trois mois, une nuée de chauves-souris est en train de décimer à un rythme accéléré la grande forêt classée du 1er mai, située entre les quartiers Horoya et Burkina, dans la commune urbaine de Nzérékoré. Au-delà de la catastrophe écologique, la présence de ces mammifères représente un risque sanitaire énorme, alerte un médecin averti. Ce sont des réservoirs potentiels de maladies virales comme Ebola. (Image d’illustration)
Un danger sanitaire avéré
« Ce constat, je l’ai fait depuis plus de trois mois, puisque le siège du centre médical est situé juste à côté du site attaqué par ces chauves-souris. Leur présence a un impact négatif sur la santé animale, humaine et même environnementale. Comme nous sommes dans le domaine de la santé animale, nous savons que ces impacts peuvent se transmettre des animaux aux humains, avec de nombreuses conséquences », explique le Docteur Foromo Félix Haba, directeur du Centre médical vétérinaire privé Christ en moi.
La région forestière est souvent l’épicentre d’épidémies. Les fièvres hémorragiques à virus Ébola, Lassa et Marbourg, apparues en Guinée, sont parties de cette zone sud du pays. Selon le Dr Haba, les chauves-souris, notamment les espèces porteuses de zoonoses, sont des réservoirs potentiels de maladies virales, transmissibles à l’homme par le biais des animaux domestiques.
« Ces chauves-souris ont une particularité : ce sont des mammifères volants, différents des autres. Elles sont, en général, des réservoirs de maladies potentiellement dangereuses. Je parle de maladies virales telles que certaines zoonoses, notamment le virus Ébola. Certaines souches du virus Ébola se retrouvent chez ces chauves-souris, tout comme certaines souches de coronavirus. On peut également évoquer la rage. Ces animaux sont des réservoirs potentiels de ces maladies virales. Leur transmission est d’autant plus probable qu’ils se rassemblent en grand nombre. C’est vraiment inquiétant. Et nous ne connaissons ni leurs origines ni leurs sources de provenance. Jusqu’à présent, aucune investigation n’a été menée pour déterminer si ces chauves-souris sont porteuses ou non des maladies que nous venons de citer.
La communauté vit en contact direct avec ces animaux, ce qui expose les populations à de nombreux risques. Prenons l’exemple de la rage : cette maladie peut se transmettre de l’animal à l’homme par morsure, griffure ou léchage sur des plaies ouvertes », précise le Dr Haba.
Le guano, un danger supplémentaire
Les déchets de chauves-souris, appelés guano, constituent également un risque sanitaire, car ils peuvent être à l’origine d’une maladie appelée histoplasmose. Cette infection fongique se transmet par inhalation et provoque des troubles respiratoires pouvant être mortels.
« Ces chauves-souris sont présentes en très grand nombre. Certaines se déplacent vers 5h-6h du matin, d’autres vers 19h. Dans l’air, certaines, trop faibles pour suivre le mouvement, tombent parfois près des habitations. Or, notre système d’élevage n’est pas intensif, et de nombreux animaux domestiques, comme les chiens et les chats, sont errants. Si ces derniers consomment les chauves-souris mortes qui sont éventuellement porteuses de virus, la transmission à l’homme devient possible, car ces animaux vivent dans nos maisons.
De plus, les chauves-souris émettent des déchets qui se répandent dans l’environnement. Or, ces excréments peuvent contaminer les aliments vendus à l’air libre, surtout lorsque l’hygiène n’est pas respectée. Les vendeuses en bord de route, par exemple, laissent souvent leurs produits à découvert. Les gens consomment sans se douter du danger. Une fois contaminés, ils développent des troubles respiratoires, des affections cutanées et bien d’autres complications. Les personnes dont le système immunitaire est affaibli peuvent en mourir. Que ce soit pour la population humaine ou animale, nous sommes tous exposés à ces risques », insiste le médecin vétérinaire.
Une catastrophe écologique en cours
La forêt du 1er mai est fortement impactée par l’invasion de ces mammifères. Sur place, on constate la destruction massive des feuillages et des palmiers.
« Avant, l’intérieur de cette forêt était ombragé, mais aujourd’hui, tout est éclairé. Plus rien ne reste. Des arbres sont morts, des branches sont arrachées, et certains palmiers ne portent plus de rameaux. Cela crée un déséquilibre au sein de l’écosystème.
En temps normal, une petite quantité de chauves-souris peut être bénéfique, car leurs déjections enrichissent le sol. Mais lorsque leur nombre devient excessif, l’effet inverse se produit : le sol devient trop acide et les plantes utiles ne peuvent plus y pousser. C’est un véritable problème écologique », explique le Dr Haba.
Un appel aux autorités et à la population
Face à cette situation préoccupante, le spécialiste lance un appel aux autorités afin qu’elles prennent des mesures d’urgence pour éviter le pire. Il recommande notamment des investigations approfondies et des tests de dépistage sur ces chauves-souris pour déterminer si elles sont porteuses de maladies zoonotiques.
Il exhorte également la population riveraine à éviter la consommation de ces animaux, qui peuvent être des vecteurs de maladies transmissibles.
« Il est impératif de mener des investigations. Les autorités doivent faire appel à des spécialistes pour effectuer des dépistages sur ces chauves-souris et comprendre si elles sont des réservoirs de maladies zoonotiques.
De plus, il faudrait tester la population animale vivant autour du site, notamment les chiens et les chats, afin de détecter d’éventuels cas de rage ou d’autres maladies. Il serait aussi pertinent d’effectuer des prélèvements sur la population riveraine pour vérifier si certains individus développent déjà des pathologies comme l’histoplasmose.
Par ailleurs, ces animaux dégagent une odeur répugnante, ce qui affecte la qualité de vie des habitants. Nous demandons donc aux autorités d’intervenir rapidement plutôt que de rester inactives et de laisser la situation empirer », alerte le vétérinaire.
Enfin, il sensibilise la population sur les dangers de la consommation de viande de chauve-souris.
« Il faut éduquer la communauté. Certaines personnes consomment ces viandes parce qu’elles les trouvent savoureuses, sans savoir d’où elles proviennent et sans qu’aucun test sanitaire n’ait été effectué. Certains, au petit matin, ramassent des chauves-souris mortes et les donnent à leurs chiens ou chats. Or, si l’animal est infecté, la maladie reste dans la maison et peut contaminer les habitants.
Nous conseillons donc à la population de s’abstenir de consommer ces viandes et de faire preuve de vigilance », conclut le Dr Haba.
Nous y reviendrons !
Paul Foromo Sakouvogui
Correspondant Régional Africaguinee.com
Guinée Forestière
Tel : (00224) 628 80 17 43
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