A la découverte de Kouffa et Kollagui : Deux localités séparées par une « rivière hantée » qui a fait plusieurs victimes…

DALABA/TOUGUE-Kouffa et Kollagui sont deux localités voisines, séparées par une rivière appelée Dombele. L’agriculture et l’élevage sont les deux principales activités des habitants des deux contrées liées par des rapports à la fois sociaux et économiques. Mais en saison pluvieuse, ces liens se rompent presque. La crue des eaux de la rivière empêche les uns et les autres de se fréquenter. Or, depuis la nuit des temps, les deux villages sont interdépendants.

Selon les témoignages recueillis, plusieurs personnes ont trouvé la mort par noyade en tentant de traverser ce cours d’eau. Certains corps n’ont jamais été retrouvés. Des souvenirs lourds qui hantent encore les habitants. Malgré le risque et la hantise d’être avalé par les eaux, Dombéléwol reste un passage obligé pour les populations de ces deux localités.  Leur seul rêve, c’est de voir un pont construit sur ce fleuve. Africaguinee.com a rencontré les habitants. Ils interpellent le Général Mamadi Doumbouya. Reportage.

Doyen Sadio Condé, 78 ans, habitant de Kollagui a vécu plusieurs années de calvaire lié à la traversée de du Dombelewol. De pont en liane il y a des décennies à la pirogue depuis 2025, la situation reste pénible pour les riverains des deux côtés.

« On se souvient de nos parents qui devaient tendre les lianes pour en faire un point de traversée. Beaucoup ne connaissent pas ces lianes. Il fallait des volontaires qui descendent au fond de la rivière pour bien les fixer. Mainte fois des gens sont restés coincés au fond des eaux. C’est la communauté qui s’est toujours mobilisée pour les sauver. Nous avons connu de tels moments et c’est le même calvaire qui continue, parce qu’actuellement nous traversons à la pirogue. Pour fabriquer la pirogue, il faut un tronc d’arbre robuste de 6 mètres au minimum. Pour l’utiliser aussi, il faut des sacrifices pour prier Dieu de sauver les gens de la noyade. Au moins 3 chèvres sont immolées pour sauver des vies. Nous sommes déjà vieux mais rien n’a changé. Il y a une petite déviation au fond là-bas, c’est seulement en pleine saison sèche qu’on peut l’emprunter mais même à ce moment les vagues d’eau sont fortes, une personne faible ne peut passer. Nous sommes arrivés à bout de nos forces et de nos moyens, nous avons besoin d’un pont ici pour qu’on puisse traverser sans aucun risque. Nous souhaitons vivre encore jusqu’à voir un pont ici et raconter à nos enfants le mauvais souvenir d’ici » souhaite le doyen Sadio Condé.

Des dizaines de morts par noyade

Mody Ibrahima Sory, 57 ans, parent d’une victime de noyade se souvient encore de cette triste journée où son jeune-frère et d’autres personnes ont été emportés par les eaux, il y a un peu plus de 20 ans :

« Nous avons de la peine à traverser ce cours d’eau. Mon frère de lait a péri dans cette rivière lors d’une traversée. Nous étions ensemble, j’ai assisté impuissant à sa noyade. Nous sommes venus à l’aube, nous devrions traverser ensemble, mais il était du groupe qui devait traverser avant le nôtre. Ils sont allés jusqu’au milieu, c’est comme si une force avait retenu la pirogue dans les eaux. Nous avons pleuré jusqu’au petit matin mais il n’a jamais fait signe. Ce sont les corps que nous avons retrouvés, ils sont inhumés à côté. J’ai assisté à cette scène. Mon frère Sadio fait partie des victimes, il était sur le point de se marier. Cela fait plus de 20 ans.

Nous voulons effacer ces tristes souvenirs de la rivière en nous par la construction d’un pont sur Dombele. C’est un rêve de plusieurs générations, qui tarde à se matérialiser pour nous. Kankalabe, Koin et Kollagui payent les frais de l’absence d’un ouvrage de franchissement. Parfois il y a des mariages et d’autres affaires sociales, tout le monde prend le risque ici. Nous demandons au général Mamadi Doumbouya et à tout son gouvernement de tourner leur regard vers nous afin qu’on ait un pont ici. Nos familles sont éprouvées par cette rivière. Nous voulons des secours d’où qu’ils viendront » plaide Ibrahima Sory Bah.

‘’Cela fait 38 ans que mon grand-frère a été emporté par les eaux’’

Natif de Kankalabé, Mamadou Oury Kanté pleure encore la mort de son grand-frère dans cette rivière il y a 38 ans cette année : « C’est avant 1985. Depuis nous enregistrons à tout moment des morts par noyade surtout en saison pluvieuse quand les pluies sont fortes. Ces dernières années également, deux personnes ont péri ici le même jour. A chaque fois que je suis là pour traverser, mon cœur me ramène sur mon défunt grand-frère mort ici. Il nous a fallu 3 jours de recherche, c’est au 4ème jour que le corps a émergé. Il y a des tombes de victimes de noyade de part et d’autre. Nous ne voulons plus compter de morts pour une simple traversée. Nous plaidons tous pour la réalisation d’un pont sur la rivière Dombelè. A l’Etat de nous procurer ce bonheur surtout ».

‘’Ma fille de 7 ans est avalée par la rivière’’

Mamadou Oury Sow, 82 ans, cultivateur de son état a perdu sa fille dans cette rivière. Jamais le corps n’a été retrouvé. Le vieil homme vit encore avec cette tristesse. Il n’arrive pas à faire le deuil :

« Ma fille a été emportée par les eaux de la rivière comme beaucoup d’autres personnes. Elle partait jouer avec ses amies. Elles ont quitté Kouffa pour Laabha. Ce jour, les eaux ont poussé la pirogue, elles étaient au nombre de 4 mais les autres ont été sauvées. Nous avons cherché le corps de ma fille toute la journée et les jours qui ont suivi, c’est resté comme ça, son corps n’est pas encore retrouvé. Les secours sont venus de partout pour la recherche, rien vraiment. Elle s’appelle Mariama, âgée de 7ans. Cette noyade date d’il y a 20 ans. En dépit de tout, nous continuons à vivre le même calvaire pour traverser le cours d’eau. Nous avons imaginé toutes les possibilités afin d’atténuer les peines des populations séparées par ce cours d’eau, hélas. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il faut absolument le pont. Des âmes sont perdues à Dombelè » se rappelle doyen Oury Sow.

Comme les autres familles endeuillées, Mody Mamadou Bhoye Sow a perdu son oncle maternel. Il était enfant mais la famille a mentionné le drame dans un manuscrit. Il raconte : « Mon oncle qui a péri dans la rivière était venu accompagner un autre parent à faire traverser une vache ici. C’est une période où la pirogue n’existait pas ; il fallait nager. Ils ont plongé à l’eau, un moment il a ressenti qu’il n’avance plus, il a signalé l’autre parent qui lui dit, abandonne la vache et sauve-toi, la vache a pu traverser avec l’autre ; mon oncle y est resté. Son corps n’a pas été retrouvé. Nous avons cette tristesse dans le cœur, malheureusement nous sommes obligés de rester avec nos familles. Je suis boucher, je traverse souvent avec les vaches, à tout moment je pense à mon oncle. Je suis souvent animé de deux sentiments quand je suis là avec les vaches, est-ce que je peux passer ou pas ? Je souhaite me retrouver ici un jour avec vous pour inaugurer un pont qui va mettre fin à ces années de tristesse ».

‘’Mon parent Sally Nouhou s’est noyé ici’’

Thierno Mamadou Samba Baldé, imam fait partie des parents victimes de noyade dans cette redoutable rivière de Dombelè :

« Sally Nouhou, c’est mon parent, il était muezzin. Il s’est noyé dans la rivière, c’est après des jours que nous avons retrouvé son corps. Comme il est de tradition, celui qui périt dans les eaux doit être inhumé au bord de la rivière. Toute la famille s’est réunie, l’enterrement a eu lieu à quelques mètres de là où nous sommes. Nous vivons toujours ce problème de pont, nous avons appris que le développement a touché beaucoup de zones du pays, nous souhaitons ressentir cet élan de développement chez nous. Nous ne voulons plus compter des morts par noyade à la rivière ici. Nos familles sont de part et d’autre, c’est la rivière qui constitue l’obstacle : c’est le moyen de rétablir le lien sans risque.

Nous avons eu un malade décédé de l’autre côté qui était parti pour des soins. A son décès les eaux étaient montées ce jour. On s’est entendu de faire son inhumation à Kouffa parce qu’il n’y avait pas de solution, tout le monde avait peur ce jour. Le défunt a été inhumé sans ses proches directs. C’était mieux que de risquer et avoir d’autres morts. Il y a un détour de plusieurs dizaines de kilomètres, là il faut aller à Fatako, ensuite à Koin puis à Kollagui.  Ceux de Kollagui doivent faire la même chose mais c’est loin pour celui qui habite près de la rivière ici qui entend même le bruit des vagues d’eaux ».

‘’J’ai perdu mon fils Lamine, 10 ans, de retour de l’école’’

Mamadou Siré Barry, 67 ans, est de Kouffa dans Kankalabé, préfecture de Dalaba. Lui c’est son fils écolier de 10 ans de retour de l’école, qui s’est noyé et a trouvé la mort par la suite : « Mon fils Mamadou Lamine revenait de l’école, il s’est mis à jouer avec la pirogue suivie d’autres enfants, il est tombé dans l’eau. Le lendemain, nous avons repêché son corps. Mamadou Lamine faisait la 4ème Année. Je me souviens de lui pour toujours. Malheureusement le calvaire continue encore ».

Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 25 mai 2025 14:07

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