40 ans de MSF en Guinée : une exposition photo pour ouvrir les festivités…

CONAKRY – À l’occasion de ses 40 ans de présence en Guinée, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé, ce vendredi 11 avril 2025, une exposition photographique dans les jardins de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. À travers 40 clichés emblématiques, répartis en 20 tableaux, cette exposition retrace les grandes urgences médicales auxquelles l’organisation a répondu au fil des décennies, dans un pays souvent confronté à des épidémies majeures (Ebola, rougeole, fièvre jaunes, diphtérie, choléra, COVID-19…) ainsi qu’à la pandémie de VIH/SIDA, pour laquelle MSF mène un projet de prise en charge gratuite depuis 21 ans. L’exposition évoque également en lumière les défis liés à l’accès aux soins et à la protection des communautés les plus vulnérables.et le VIH/SIDA avec un projet depuis 21 ans.
Elle rend hommage aux patients, aux soignants et aux acteurs communautaires qui incarnent le sens profond de l’action humanitaire. Les thématiques abordées incluent notamment la réponse aux épidémies, la santé primaire, l’innovation médicale, la formation, ainsi que le soutien aux personnes déplacées et marginalisées.
À travers cette initiative, MSF entend réaffirmer son engagement constant auprès des populations guinéennes depuis 1984, valoriser le travail des équipes médicales, logistiques et communautaires — composées à plus de 95 % de Guinéens — qui ont marqué ces quatre décennies d’action, et renforcer le dialogue avec les partenaires institutionnels, tout en sensibilisant le public aux enjeux humanitaires auxquels le pays reste confronté.
Le lancement de l’exposition a été marqué par une visite guidée en présence des responsables de MSF et de plusieurs journalistes. À l’issue du parcours inaugural, le Chef de Mission de MSF en Guinée, Julien Matter, a répondu aux questions de la presse sur le bilan de ces 40 années, les perspectives de l’Organisation dans le pays, ainsi que les défis rencontrés sur le terrain.
AFRICAGUINEE.COM : À l’occasion des 40 ans de MSF en Guinée, vous avez organisé une exposition de photos à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. D’où est venue cette initiative ?
JULIEN MATTER : Je trouve que c’est une magnifique initiative. C’est important de regarder parfois par-dessus son épaule, pour voir d’où on vient et ce qui a été fait. Et là, il y a quand même énormément de choses qui ont été faites ici en Guinée pendant 40 ans, dans toutes les régions du pays. Quelles que soient les urgences sanitaires — épidémies, déplacements de population — MSF était là, aux côtés du ministère de la Santé, aux côtés des populations, pour essayer de répondre aux besoins les plus urgents de la meilleure manière possible.
Donc, c’est une longue histoire que nous avons en commun, et il nous semblait important de pouvoir la mettre en images, de rendre hommage aussi à tous ceux qui ont rendu cela possible, que ce soit des médecins guinéens, des infirmiers, des autorités qui ont également permis à MSF d’avoir cet espace pour répondre au mieux aux besoins les plus urgents. Et donc, dans quelques jours, ce sera la célébration proprement dite, où plusieurs trophées seront remis à des personnes qui ont vraiment rendu tout cela possible.
Quel est le bilan de MSF durant ses 40 ans en Guinée ?
En 40 ans, il y a eu tellement d’activités, de réponses à plus d’une dizaine d’épidémies. Là, je pense au choléra, à la rougeole, à la diphtérie, à la fièvre jaune, à la méningite, à Ebola, au Covid-19 aussi, mais également à d’autres besoins qui sont peut-être un peu moins visibles, mais qui représentent un véritable appui au ministère de la Santé pour le renforcement du système sanitaire. Je pense notamment au VIH, domaine dans lequel MSF intervient depuis maintenant 21 ans aux côtés de l’État, pour essayer de mettre en place un modèle de soins efficace qui permette d’atteindre les patients même dans les zones les plus reculées.
Aujourd’hui, ce sont 15 500 personnes vivant avec le VIH qui sont prises en charge par Médecins Sans Frontières ici en Guinée. Donc, il y a d’un côté ces activités d’urgence, et de l’autre, des activités de renforcement des capacités du système de santé. Il y a également la santé primaire, avec beaucoup de choses qui ont été faites à Kouroussa : la réhabilitation de l’hôpital, le renforcement des comités de santé, des relais communautaires, des liens entre les communautés et les structures de santé, et puis la détection précoce. Ce qu’on constate souvent, c’est que lorsqu’une maladie est détectée rapidement, on peut la soigner efficacement et sauver beaucoup plus de vies. Il faut donc permettre une détection rapide des cas, suivie d’une prise en charge adéquate.
Ce n’est pas fini. Ensemble, ça a été un travail de longue haleine, mais nous tenions vraiment à honorer tous ceux qui ont travaillé, qui ont sué pendant des décennies pour offrir des soins de santé de qualité et gratuits à la population guinéenne.
Quelles sont les perspectives de MSF en Guinée pour renforcer le système sanitaire ?
Nous restons très étroitement engagés aux côtés du ministère de la Santé, notamment sur les questions liées au VIH/SIDA, comme nous venons de l’évoquer. MSF, il y a encore une année et quelques mois, intervenait dans la réponse à une épidémie de diphtérie. On ne sait pas ce qui peut survenir demain. On espère évidemment qu’il ne se passera rien, mais l’histoire nous montre que le potentiel d’épidémies reste élevé dans toute la sous-région.
Avec le changement climatique, le risque de catastrophes naturelles est aussi de plus en plus grand, partout dans le monde. Ce sont des domaines dans lesquels MSF a acquis une solide expertise dans 70 pays depuis maintenant 50 ans. Nous avons du savoir-faire, des moyens logistiques, et surtout des budgets indépendants. 98 % de notre financement provient de dons privés : ce sont des individus qui nous donnent 20, 30 euros par mois ou par an. Cela signifie que nous ne dépendons pas des États pour nos financements, et que nous disposons de nos propres moyens pour réagir rapidement. C’est en cela que nous pensons pouvoir être un partenaire stratégique et privilégié pour la population guinéenne et ses autorités.
Qu’en est-il de la formation que MSF organise en faveur des agents de santé en Guinée ?
La formation est un aspect très important pour MSF. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons choisi l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry comme lieu d’exposition : nous voulions mettre en avant le lien avec le transfert de savoir-faire. Ce savoir-faire, acquis dans différents pays au fil des décennies, a été amené ici, mais aussi exporté à partir d’ici. De nombreux Guinéens travaillent aujourd’hui avec MSF dans d’autres régions du monde et partagent cette expertise ailleurs.
Notamment sur le VIH avancé, nous avons aujourd’hui un centre d’excellence à Conakry pour la prise en charge. Rien que l’année dernière, 300 agents de santé (médecins, infirmiers, microbiologistes, etc) ont été formés. Ces derniers mois, nous avons élargi cette formation à d’autres personnels et services des autorités. Nous sommes également en discussion avancée avec la faculté de médecine de l’université Gamal Abdel Nasser pour la mise en place d’une formation diplômante en VIH avancé, ce qui serait une première dans la région. Ces discussions se poursuivent. Pour MSF, il est essentiel que cette expertise soit disponible localement, qu’elle reste dans le pays, et qu’elle puisse également bénéficier aux pays voisins.
La célébration de ces 40 ans ne se limite pas à cette exposition. Qu’est-il prévu par la suite ?
Il y aura des surprises. Nous avons envie de mettre en lumière les parcours de certaines personnes clés. On pense notamment au tout premier médecin guinéen ayant travaillé avec MSF il y a 40 ans, ou encore au premier médecin ayant pris en charge un patient vivant avec le VIH en Guinée. Toute une série de distinctions sera remise à ceux qui ont contribué à rendre tout cela possible, y compris du personnel de MSF engagé depuis de nombreuses années.
Un grand événement est prévu ce jeudi, 17 avril, ici même à Salle CAMES de l’université Gamal, en présence de plusieurs autorités de très haut niveau qui ont confirmé leur participation.
Durant ces 40 ans, il y a eu des réussites, mais aussi certainement des difficultés. Pouvez-vous revenir sur quelques-unes ?
Il y a eu énormément de difficultés, comme c’est toujours le cas lorsqu’on intervient dans des contextes d’urgence. Il faut pouvoir être réactif. L’un des grands défis, c’est l’accès physique. En pleine saison des pluies, par exemple, il faut pouvoir acheminer du matériel dans des zones très reculées.
Il faut aussi convaincre certaines populations parfois réticentes à la vaccination ou aux traitements. Ce qui semble évident pour certains ne l’est pas nécessairement pour d’autres. On l’a vu pendant Ebola, ou lors d’autres épidémies. Cela demande énormément de communication, de dialogue avec les autorités locales, religieuses, les groupes de femmes, les jeunes… Il faut les associer pleinement au projet pour qu’il soit compris, accepté et porté collectivement.
Les difficultés ne manquent jamais. Mais comme le disait une de nos doyennes à MSF : « Il y a toujours une solution pour atteindre les populations qui ont le plus besoin. Il suffit de trouver le moyen d’y arriver. » C’est notre travail, et nous le faisons avec les populations locales et les autorités.
Propos recueillis par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 666 134 023
Créé le 13 avril 2025 06:55Nous vous proposons aussi
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