Victoire de Trump : « il faut s’attendre à des vagues de déportation de migrants… », prévient Edouard Zoutomou Kpoghomou
CONAKRY-Comment expliquer la victoire de Donald Trump face à Kamala Harris à l’élection présidentielle américaine ? Pourquoi les démocrates ont-ils perdu face aux républicains ? Quelles conséquences le retour de Trump à la maison blanche aura-t-il pour les migrants illégaux ? Dr. Edouard Zoutomou Kpoghomou, militant démocrate, qui a longtemps vécu aux États-Unis donne son analyse. Entretien !!!
AFRICAGUINEE.COM : Comment expliquez-vous ce come-back de Donald Trump à la maison blanche quatre ans après l’avoir quitté ?
EDOUARD ZOUTOMOU KPOGHOMOU : Le système électoral des États-Unis donne le Pouvoir à travers le collège électoral. Donald Trump a misé sur ce collège qui lui a donné la victoire. Mais l’avancée de Trump mettra mal à l’aise beaucoup d’entités et en tant que (militant) Démocrate je suis surpris.
A mon avis, le retour en force de Donald Trump a été planifié depuis qu’il a truffé la Cour Suprême de juges conservateurs qui ont favorisé la suspension de l’application des peines prononcées contre lui. Le fait de retarder ce processus et l’attribution d’une immunité présidentielle pour des actes criminels commis pendant qu’il n’était pas en fonction, lui ont permis de jouir de tous ses droits civiques et d’être candidat à l’élection présidentielle. En principe, quand quelqu’un est inculpé puis condamné devant une Cour de Justice, il n’a pas le droit et la légitimité de se présenter à des élections de quelque nature que ce soit.
C’est sur la promesse de déporter par vagues de milliers d’immigrants qu’il considère comme les ennemis de la prospérité américaine qu’il aura été élu. Quand quelqu’un parle de ses adversaires en les traitant d’ennemis, sur fond d’insolences vulgaires, ça donne déjà un avant-goût de ce qui va se passer. Il est prêt à expulser des gens de façon indiscriminée. C’est la démocratie à l’américaine, mais les autres doivent lutter pour l’abolition du collège électoral parce qu’avec ce collège, toutes les voix ne se valent pas. C’est ça le problème parce que c’est à l’avantage d’une classe donnée au détriment d’une autre.
On vous sent très « déçu » voire frustré…
Tout ce qui me fait douter, c’est sa haine contre les gens. Tous ceux qui l’ont combattu, le plus souvent à raison, pour lui ce sont des ennemis.
Est-ce que ce n’est pas « facile » comme argument d’affirmer que des juges de la Cour Suprême ont joué sur la balance en faveur de Trump ?
Ce n’est pas facile comme argument. Quand Donald Trump a été inculpé, il a été trouvé coupable de 34 chefs d’accusations. En principe il aurait dû aller directement en prison d’abord. Dans les conditions normales, étant en prison, il n’allait pas être candidat et donc il n’aurait jamais été élu. Les juges ne sont pas allés dans les urnes, mais le travail fait en amont fait que des conditions ont été créées pour retarder la prononciation des sentences contre lui.
Comment comprendre que malgré tous ces « défauts » que vous lui attribuez, les américains lui portent encore dans leur cœur ?
Dans la société américaine, beaucoup de gens n’expriment pas ouvertement leur ressenti, mais ils agissent dans les urnes. C’est dans la recherche du travail et dans d’autres domaines que les gens se manifestent. Pour le reste, vous ne voyez que le résultat.
Comment expliquez la défaite de la candidate démocrate Kamala Harris ?
Le problème des démocrates, c’est dès le départ. Le Président sortant Joe Biden savait qu’il avait un certain handicap. Il fallait reconnaitre ce handicap très tôt et donner la chance aux gens de se préparer. Kamala Harris est venue sur la scène politique en tant que candidate, il y a moins de quatre mois. Ça ne lui donne pas le temps de mettre en place un système cohérent très fort pour faire face à cette forme d’oligarchie que nous voyons. Depuis que Donald Trump a quitté la maison blanche, il prépare sa vengeance. Pendant quatre ans, il est en train de mettre en place les pions qu’il faut pour ce retour en force. C’est ce qui lui a réussi.
L’autre élément, le retrait de Biden de la course n’a pas été facile. Il a fallu des tractations qu’on ne voit pas flotter à la surface. S’il avait librement décidé de se retirer, il l’aurait fait dès le départ, sachant qu’il a un déficit, mais il ne l’a pas fait. Le faisant, il a donné du grain à moudre même aux gens dans son propre camp. Ensuite, il y a eu une sorte de populisme exagéré très tôt dans le camp de Kamala Harris. Dans la campagne, certains ont montré des traits de suffisance. Ils ont cru tôt aux chances de succès de Kamala Harris dans une attitude de complaisance.
Quelles répercussions le retour de Trump à la maison blanche pourraient-elles avoir pour les États africains ?
Par rapport à l’Afrique, Donald Trump a toujours dit que des millions de migrants noirs en majorité d’Afriques déferlent sur les États-Unis, phénomène qu’il a promis d’arrêter par vague de déportation. Donc, il faut s’attendre à des vagues de déportation de migrants noirs. Ceux qui comptent aller aux États-Unis en passant par le Nicaragua, Donald Trump a promis qu’il va construire un mur le long de la frontière avec le Mexique. Sur ce plan-là déjà, il y aura des problèmes.
Sur le plan de la diplomatie internationale, des relations bilatérales Donald Trump n’a pas une grande côte à l’échelle mondiale. Sur la guerre en Ukraine, il a toujours affiché son opposition de voir les États-Unis se mêler de cette guerre en y mettant de l’argent et des moyens militaires pour tenir tête à Poutine. Son retour va impacter les relations internationales, mais c’est surtout l’Afrique qui m’intéresse. Et pendant la campagne, aucun des candidats n’a évoqué les relations avec l’Afrique. Cela veut dire qu’elle est complètement mise de côté. J’ai déploré l’absence de projets pour l’Afrique dans les deux camps.
Entretien réalisé par Boubacar 1 DIALLO
Pour Africaguinee.com
Créé le 7 novembre 2024 08:21Nous vous proposons aussi
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