Vague de chaleur à Conakry : quelles en sont les causes et comment y faire face ?

CONAKRY-Depuis la fin de la saison des pluies, les températures ont grimpé, plongeant de nombreux Guinéens dans une période de canicule à laquelle ils ne sont pas du tout habitués. Cette situation survient alors que la saison sèche, censée durer au moins six mois, vient à peine de commencer. Les populations se demandent déjà comment faire face à cette chaleur extrême et ses implications pour leur quotidien. Dans cette période d’incertitude, de nombreuses questions demeurent sans réponse : quelles sont les causes de cette hausse de température ? S’agit-il d’un phénomène temporaire ? Quelles sont les prévisions pour le reste de l’année ? Que faire pour se protéger ?

Pour tenter de répondre à ces interrogations, Africaguinee.com a rencontré le Directeur Général de l’Agence Nationale de la Météorologie (ANM), Dr René Tato Loua. Dans cette interview, le météorologue donne des conseils utiles. Interview

AFRICAGUINEE.COM : Ces derniers temps nous avons constaté une vague de chaleur dans la zone de Conakry. Selon vous, qu’est-ce qui est à l’origine de cette hausse de température ? 

DR. RÉNÉ TATHO LOUA : C’est trop tôt de parler de vague de chaleur pour la Guinée. Il faut noter qu’on sent actuellement des températures un peu élevées au niveau de Conakry. Mais, il faut retenir que nous sommes en train de migrer d’une saison pour une autre, c’est-à-dire que nous quittons la saison des pluies pour la saison sèche. Et nous avons constaté que durant la saison des pluies, il y a eu des quantités considérables de pluie tombées. Donc, le sol est encore très humide. Et avec l’ensoleillement, les rayonnements solaires vont bombarder et réchauffer la surface terrestre encore très humide provoquant une évaporation. Donc c’est de l’air riche en vapeur d’eau qui se dégage. C’est pourquoi l’humidité qui se dégage va être chaude. En plus de cela, il y a le microclimat de Conakry qu’il faut considérer.

Conakry, a une forme allongée dans la mer qui est naturellement chaude, le relief joue également un rôle. Tous ces effets conjugués vont faire que nous allons ressentir forcément la chaleur, surtout qu’actuellement le vent n’est pas trop fort. Donc, quand la chaleur se dégage et le vent n’est pas si fort, la température va être un peu maintenue car la masse d’air qui en résulte n’aura pas toutes les chances pour former des nuages pouvant occasionner de la pluie. Et quand vous dépassez Coyah pour aller vers Kindia, vous n’aurez pas le même microclimat que ce que nous ressentons à Conakry. Conakry, même si c’est pendant la saison des pluies, il fait toujours chaud quand il pleut. Du coup, quand on est à la fin ou au début de la saison de pluies, il faut s’attendre à ce temps. Ce qui fait que dans les soirées, il fait très chaud et il faudra attendre vers le petit matin pour sentir la fraîcheur.

Il y a d’autres aussi qui parlent de construction anarchique dans la zone de Conakry. Est-ce que cela aussi constitue un facteur ?

On appelle ce phénomène les îlots de chaleur. En face de cet événement, Conakry est une grande ville, c’est la capitale. Nous avons un nombre important d’engins roulants qui dégagent du CO2 en longueur de journée même la nuit. Si vous comparez cette chaleur par rapport au reboisement, ce n’est pas compensé. Si la ville est bien reboisée, la flore peut atténuer bien sûr la chaleur. Donc, durant toute la journée, la chaleur qui est dégagée déjà naturellement, c’est-à-dire avec l’insolation est là, les toitures vont réémettre la chaleur, les engins roulants vont dégager du CO2, tous ces effets combinés vont former ce qu’on appelle les îlots de chaleur avec l’influence de la topographie.

Donc, si l’air ne souffle pas convenablement, c’est-à-dire s’il est stationnaire, la quantité de chaleur va se confiner quelque part dans un endroit avec la topographie, comme si c’était dans un entonnoir. Par endroits, vous allez voir que la chaleur va être très intense. Comparativement à ceux qui sont dans les hauteurs ou en bordure de mer, ils ne vont pas sentir la même chaleur que ceux qui sont un peu dans les ravins. C’est de là où nous parlons d’îlots de chaleur.

A cet effet, pour compenser, il faut quasiment reboiser les lieux. Il faut reboiser les bordures de routes pour ne pas que les goudrons soient trop réchauffés. Il faut avoir des jardins, des petits jardins à côté qui couvrent un peu les sols nus, les toitures, il faut même choisir la couleur des tôles des bâtiments que nous utilisons, etc. Voici quelques mesures qui peuvent permettre d’atténuer un peu les effets du réchauffement climatique.

Est-ce que cette chaleur est juste de manière passagère ?

Vous savez, la planète dans sa globalité est confrontée à ce qu’on appelle le réchauffement climatique. Du coup, habituellement, la saison sèche est toujours caractérisée par des chaleurs intenses entre octobre et mai, chez nous en Guinée et particulièrement dans certaines villes comme Conakry et dans d’autres villes du nord du pays, par exemple, Kankan, Siguiri, Koundara, Boké, où les températures sont relativement élevées. Donc, sur l’étendue du territoire, il faut s’attendre à la chaleur parce que c’est la saison sèche. Cela ne veut pas dire qu’on aura des températures jamais enregistrées en République de Guinée cette année.

Mais il faut déjà se préparer du point de vue santé, du point de vue environnement, du point de de vue mode de vie. Il faut avoir un espace bien aéré ou avoir son climatiseur qui fonctionne bien. Il faudra bien rester hydraté pendant cette période de sécheresse (Harmatan).

Quelles sont les prévisions pour cette année ? 

Pour cette année, on ne peut pas annoncer des canicules pour le moment. Parce que retenons que l’année 2023, pour le moment, a été l’année la plus chaude de la planète. Pour rappel, nous étions dans un événement qu’on appelle El Niño. C’est un événement planétaire qui a eu pour conséquence l’augmentation de la température. C’est ce qui a fait que l’hiver passé, on a enregistré des vagues de chaleur. Donc l’épisode El Niño est déjà terminé.

Nous sommes en début de sa phase contraire qui est La Niña, qui est équivalent aux basses températures de surface de la mer dans le pacifique entre 5°S-5°N et 170°W-120°W, c’est-à-dire au refroidissement. Donc, ce refroidissement normalement ne devrait pas contribuer à de grandes chaleurs. Même si on va avoir de la chaleur, dans notre prévision, on sait que nous sommes dans une période de refroidissement. Du coup, tout réchauffement pourrait être d’abord local parce qu’il faut tenir compte de son milieu ambiant…même si un événement planétaire ne vient pas envenimer la situation, parce que le climat dans sa globalité change.

Est-ce que cette chaleur a des risques sur la santé ? 

Oui, la chaleur a de forts risques sur la population. Je l’ai déjà dit, ça peut provoquer des maladies pulmonaires par exemple, ça peut provoquer ce qu’on appelle la méningite, parce que les hautes températures peuvent provoquer des cas de méningite. C’est pourquoi climatologiquement, quand on fait une analyse, les régions où le taux de méningite est très élevé, c’est là où les températures sont très élevées aussi.

Comme par exemple la moitié nord du pays, la haute Guinée, vers Koundara, voici les régions où les températures sont relativement élevées. Donc, il faut être en commun accord avec son médecin pour cela. Et aussi, il faudra boire suffisamment d’eau. Les médecins devront aussi s’en tenir compte pour maintenir les patients dans les conditions qu’il faut, parce que la forte température peut aussi aggraver certaines maladies.

Quels conseils donneriez-vous aux populations en cette période ? 

Au niveau d’abord de l’ensemble de la population, ce qu’il faut retenir, il y a le service météorologique qui surveille le temps du 1er janvier au 31 décembre sur toute l’étendue du territoire national. C’est le moment de remercier le chef de l’État, et de féliciter infiniment le CNRD avec le Ministre des Transports pour cette importante innovation. Vous avez dû constater que depuis 2022, la météorologie a changé positivement de manière exponentielle avec son nouveau leadership. Si vous analysez un peu sur tous les plans, la météorologie a changé. Les résultats ne sont pas à démontrer aujourd’hui. Ça veut dire qu’il y a un suivi pérenne qui est en train d’être fait. La météorologie, son rôle, c’est d’informer la population et tous les services sur le temps qu’il fera dans les heures, jours à venir pour pouvoir prendre les dispositions qu’il faut.

Donc la météorologie fera tout comme d’habitude pour mettre les informations qu’il faut à la disposition des usagers pour pouvoir prendre les dispositions nécessaires. Si nous prenons le côté sanitaire, il y a toujours des conseils qui vont être véhiculés. Il faudra, par exemple, faire son choix de nourriture à partir du conseil de son médecin. Il faudra s’hydrater perpétuellement c’est-à-dire boire suffisamment d’eau. Voilà un peu les conseils qui seront donnés.

Mais en cas de vague de chaleur extraordinaire, la météo fera tout pour alerter la population. Parce que déjà, dans la dynamique que je viens de souligner, c’est-à-dire le soutien indéfectible du chef de l’État, aujourd’hui le service météo est sur les rails et est en train de progresser vers une innovation exceptionnelle totale. Donc les alertes, les informations météo ne manqueront pas, pour pouvoir orienter la population sur les cas de vague de chaleur qui pourraient venir sur toute l’étendue du territoire.

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Tel : (00224) 666 134 023 

 

Créé le 28 novembre 2024 19:05

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