Urbanisation anarchique, prévention des inondations : Le Directeur national de la DATU s’exprime

CONAKRY- Alors que la saison des pluies bat son plein et que les défis liés à l’urbanisation demeurent, le Directeur national de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme, Amadou Doumbouya, revient sur les efforts déployés pour prévenir les inondations, encadrer l’urbanisation anarchique et moderniser les infrastructures urbaines. Dans cet entretien, il détaille les actions menées par l’État, souligne les responsabilités citoyennes et expose les perspectives de développement urbain à Conakry et dans les villes de l’intérieur du pays.

AFRICAGUINEE.COM : La saison des pluies s’installe en Guinée avec son lot d’inquiétudes. Quel est l’état des lieux actuel des zones à risque identifiées par votre direction, notamment à Conakry et dans les grandes villes de l’intérieur ?

AMADOU DOUMBOUYA : Depuis 2023 et 2024, nous avons mené une mission d’identification dans toutes les communes de Conakry. Cette opération nous a permis de repérer les zones susceptibles d’être inondées. Un état des lieux a été dressé à l’issue de cette mission, ce qui nous a permis de déterminer les actions prioritaires à engager pour prévenir les inondations dans ces secteurs.

Si vous observez bien, il y a eu plus d’inondations en 2023 qu’en 2024. Cela s’explique par les dispositions que nous avons prises pour en réduire l’ampleur. Nous poursuivons dans cette dynamique en mettant en œuvre de nouvelles mesures afin d’éviter une aggravation de la situation cette année.

Une commission a été mise en place, regroupant plusieurs départements sectoriels. Nous avons même tenu une réunion préparatoire, sous la coordination du général Balla Samoura, afin de faire en sorte que chaque ministère assume pleinement ses responsabilités face à la problématique des inondations.

Quelles sont aujourd’hui les zones les plus exposées aux inondations et aux glissements de terrain ?

Il faut souligner qu’une part de responsabilité revient à la population. Il existe des canaux naturels d’évacuation des eaux qui sont malheureusement obstrués. Même si les caniveaux sont réhabilités, ils ne peuvent pas fonctionner efficacement si ces passages naturels vers la mer sont bloqués. L’eau finit alors par remonter et inonder les chaussées, notamment lors de fortes pluies.

Nous prenons donc des dispositions pour dégager ces canaux et prévenir toute obstruction future.

Beaucoup d’habitations sont construites dans des zones non loties ou à flanc de colline. Que fait l’État face à cette urbanisation anarchique ?

Comme je l’ai souligné, les inondations à Conakry résultent souvent d’occupations anarchiques, notamment le long des canaux d’évacuation. Des constructions sont érigées dans des zones interdites, et aujourd’hui, nous en subissons tous les conséquences.

S’agissant des flancs de montagne, le ministère de l’Environnement a procédé à la délimitation des zones habitables, notamment à Coyah et Dubréka. Dans les prochains jours, des mesures concrètes seront prises. Lorsqu’on sort de Conakry, on observe de nombreuses constructions sur les collines, ce qui représente un véritable danger. Il faut agir avant qu’un drame ne survienne.

Récemment, à Kankan, les engins de la Direction de l’Aménagement du Territoire Urbain (DATU) ont été déployés dans le cadre d’une opération de récupération des domaines de l’État. Où en est cette initiative, et quelles en sont les prochaines étapes ?

Je tiens d’abord à remercier le Chef de l’État, le général Mamadi Doumbouya, pour son initiative de modernisation de l’autoroute. On parlait d’autoroute en Guinée, mais elle ne répondait pas aux normes. Le Président a donné des instructions claires : libérer les emprises et mettre en valeur la façade urbaine. Il est essentiel que l’environnement autour de cette infrastructure reflète l’importance des investissements engagés.

Nous avons constaté des constructions anarchiques tout le long de l’axe. Certaines personnes, pourtant indemnisées dans le cadre du projet, ont utilisé ces fonds pour reconstruire illégalement. C’est pourquoi nous avons lancé des opérations de démolition. Nous comptons également instaurer un règlement d’urbanisme qui garantira une façade urbaine digne de ce nom.

Certains observateurs estiment que les citoyens construisent plus vite que l’État ne planifie, compliquant ainsi la mise en œuvre d’une véritable politique d’urbanisation. Quelle est votre lecture de cette problématique ?

C’est une question très pertinente. Une politique d’urbanisation efficace repose avant tout sur des outils de planification. C’est justement sur ces outils que nous travaillons actuellement, notamment à travers l’élaboration de schémas directeurs d’urbanisme pour le Grand Conakry et pour les principales villes de l’intérieur du pays.

Ces schémas permettront de définir clairement ce qui doit être fait et à quel endroit. Ils serviront de guide aux techniciens pour orienter la population : où construire, où il ne faut pas construire, et dans quelles conditions.

Notre rôle, c’est d’accompagner et de conseiller les citoyens vers un développement urbain harmonieux. Ces instruments de planification vont nous permettre de mieux maîtriser l’urbanisation et de rationaliser l’occupation du sol. Donc, dire que la population va plus vite que l’État est une perception erronée. L’État reste en avance et met tout en œuvre pour mieux encadrer le processus.

Depuis l’arrivée du CNRD, plusieurs rues de Kaloum ont été rénovées. Au-delà de ces réalisations visibles, quels acquis concrets peut-on retenir, et quelles en sont les perspectives ?

C’est une excellente question. En 2020, l’image de Kaloum n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui. Grâce aux travaux engagés, notamment sur l’Avenue de la République et le boulevard Diallo Telli, Kaloum a connu une véritable métamorphose.

Ces transformations sont le fruit d’une vision claire portée par le Chef de l’État, qui a lancé un vaste programme de rénovation des voiries urbaines. Et cette dynamique ne s’arrêtera pas à Kaloum : nous avons l’ambition d’étendre ce type de projet aux autres communes de Conakry.

Un autre aspect souvent négligé, mais fondamental, est celui de l’assainissement — en particulier la gestion des eaux hygiéniques. Ces eaux, issues des toilettes domestiques, sont aujourd’hui prises en charge dans un cadre structuré. Kaloum, par exemple, dispose d’un réseau souterrain de 75 km, qui achemine les eaux usées vers des stations de pompage, puis vers une station d’épuration actuellement en cours de réhabilitation. Ce dispositif permet de rejeter les eaux traitées en mer, conformément aux normes sanitaires en vigueur.

Quel rôle jouent les collectivités locales dans ces efforts ?

Je pense qu’aujourd’hui, les autorités locales sont de véritables partenaires dans notre travail. Nous collaborons étroitement avec elles. Si vous observez les récentes opérations de déguerpissement menées dans le Grand Conakry, elles ont été réalisées en concertation avec les communes concernées. Nous avons travaillé ensemble, main dans la main.

Après ces opérations, ce sont les communes elles-mêmes qui ont pris leurs responsabilités et se sont engagées à veiller sur les espaces libérés. Ces terrains se trouvent sur leur territoire ; il est donc essentiel qu’elles assurent leur sécurisation. Lorsqu’un fonds public est mobilisé pour libérer un espace, il est impératif de le protéger contre toute réoccupation.

Le travail que nous menons est donc collectif. Chaque acteur a un rôle à jouer. De notre côté, nous ne pouvons pas être présents en permanence sur tous les sites. Ce sont les collectivités locales, en tant que structures déconcentrées, qui sont en première ligne. Elles doivent donc veiller activement à la préservation de ces espaces.

Concernant les opérations de démantèlement des zones dites « criminogènes », là aussi, nous avons travaillé ensemble. Et je dois saluer leur engagement : les autorités locales ont pris leurs responsabilités, et aujourd’hui, ces zones sont sécurisées. Jusqu’à présent, personne n’y est revenu, ce qui prouve l’efficacité de cette coordination.

J’en appelle donc aux autorités locales à poursuivre dans cette dynamique. Il est crucial de maintenir une synergie d’action entre la Direction nationale de l’Aménagement du Territoire et les différentes communes.

Avant toute action, nous devons nous concerter, nous entendre sur les approches à adopter. Cette collaboration est essentielle, et nous souhaitons qu’elle se renforce davantage dans l’intérêt général.

Dans nos missions, nous avons vocation à appuyer les collectivités, à la fois sur le plan de la planification et sur le plan opérationnel. Nous restons donc pleinement disponibles pour les accompagner dans la mise en œuvre de leurs politiques d’aménagement. Ce partenariat est indispensable pour bâtir un cadre de vie plus structuré et plus sûr.

 

Entretien réalisé  Par Sayon Camara 

Pour Africaguinee.com

Créé le 20 juin 2025 09:51

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