Ukraine : Le destin singulier d’Aliou Tely Diallo, ancien boursier guinéen établi à Odessa…

ODESSA-Il avait 22 ans quand il est arrivé en Union Soviétique. Diallo Aliou Tély, 68 ans ronds est un ancien boursier de l’Etat guinéen. Il a passé près d’un demi-siècle de vie (46 ans) à Odessa en Ukraine. C’est le plus ancien des guinéens installés dans ce pays en guerre depuis deux ans.

Parti de la Guinée en 1979 grâce à une bourse octroyée dans le cadre de la coopération Guinée-Union Soviétique, Aliou Telly Diallo, né en 1957 à Dembein (Labé) est sorti après ses études, avec un diplôme d’ingénieur électricien qualifié. Revenu à Conakry dans l’espoir de trouver un emploi, cet ingénieur a vu le triste sort de certains de ses amis boursiers rentrés au pays. Ils sont aviateurs, mécaniciens, professeurs agrégés etc qui ont été « abandonnés » par l’Etat guinéen. Le jeune cadre qui voulait servir son pays, décida alors de retourner en Ukraine pour toujours, avec des pincements au cœur.  Dans cet entretien, il nous retrace son parcours.

Le sexagénaire regrette la mort inattendue de Sékou Touré en 1984. Pour lui, c’est la disparition du premier président guinéen qui lui a privé d’une carrière administrative en Guinée. Telly n’est revenu que 3 fois en Guinée pour de courts séjours depuis 1979. Son tout dernier voyage remonte à l’an 2000, soit 25 ans. Il a vécu toutes les situation politiques en Union Soviétique, dislocation de l’URSS, la fin des relations entre l’Ukraine et la Fédération de la Russie. En dépit de la guerre et les bombardements, il y est resté. De nos jours, il est devenu un véritable chef de village. Sa famille s’est élargie sur place : femme, enfants, petits-enfants et gendres. Le doyen Tely a tout eu dans ce pays d’accueil devenu sa seconde patrie. Interview.

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Aliou Tély Diallo, vous vivez en Ukraine depuis 1979. Comment êtes-vous partis dans ce pays si éloigné de la Guinée ?

(RIRES) Je n’ai pas vu le temps passé, c’était en septembre 1979, j’étais en 12eme année ; la bourse est venue suite au concours pour accéder à l’institut d’enseignement universitaire en Guinée. Le résultat du Bac a été donné. Les jours qui ont suivi, une liste a été lue à la radio nationale, c’était le lot des lycéens retenus pour la bourse en Union Soviétique, pour l’étranger de façon générale. Mon nom était parmi ceux d’autres lycéens au nombre de 160. Nous avons été partagés dans tous les pays et villes de l’Union Soviétique, dans 7 Républiques pour être précis. Par après, il nous a été signifié que c’est tous ceux qui ont à partir de 16/20 et plus qui sont boursiers, moi j’étais de la série Physique-Maths. Il y avait des biologistes aussi. Même ceux venus de l’institut de frigorifique. A Odessa où je suis, nous étions 16 guinéens à être orientés dans cette ville, c’est en Ukraine du Sud, près de la Mer noire. C’est avec toute la joie que nous sommes venus étudier en Europe.

Comment étaient vos débuts à Odessa ?

J’avoue que cela a été très difficile les premiers mois, surtout quand nous avons piqué les périodes de froid ; beaucoup sont tombés malades. A Moscou, je pense que 4 personnes sont décédées des suites de fièvre. Pour nous qui sommes arrivés en Ukraine, il vous souviendra qu’en Juillet-Août 1980, c’était les Jeux Olympiques à Moscou, donc le pays a été totalement fermé à ses frontières. Un moment passionnant auquel nous n’avons pas été permis de sortir de l’Ukraine pour y vivre une partie de ces Jeux en Russie. Nous étions très mécontents, je me rappelle certains guinéens se sont révoltés, ils ont quitté. Pour nous autres, on ne pouvait rien parce qu’on nous a dit dans ce pays ‘’la Révolte et la grève sont interdites’’ (éclats de rire). Je retiens ces mots depuis, à chaque fois je m’en rappelle et éclate de rire. Nous avons été envoyés à leur institut polytechnique, c’était la première année, une année facultative, notre rôle était d’apprendre le Russe. Maintenant le professeur Russe qui devait enseigner les pays francophones devrait connaître l’Anglais pour ne pas qu’il parle avec nous en France, une méthode pour nous faire apprendre vite le Russe. Et le professeur Russe qui parle Français aussi est envoyé chez les anglophones pour ne pas aussi échanger avec ceux-là en Anglais. Donc, ils nous ont obligés entre 3 et 4 mois à apprendre le Russe. C’était la langue officielle de tous les pays de l’Union Soviétique, c’était obligatoire. Maintenant en Ukraine, nous avons renoué avec la langue ukrainienne un peu avant la guerre. 

En 1985, après 6 ans d’étude, Aliou Tély n’est pas revenu s’installer en Guinée. Quelles sont les raisons ?

Je tenais vraiment à rentrer au pays après mes études. J’ai terminé en 1985 c’est vrai, mais je me suis marié en 1984. En 1985 après les études, Sékou Touré qui nous a envoyés était déjà mort. Le pays a connu des mouvements de bottes, tout était mélangé, au début ce n’était pas la seule raison réelle de mon maintien en Ukraine. C’est parce qu’entre-temps j’ai eu mon premier enfant, j’ai décidé de rester pour travailler un peu dans l’espoir de me faire une petite économie avant de rentrer au pays. J’ai travaillé 2 à 3 ans, les choses se sont améliorées ; j’ai passé les cours théoriques 5 ans à l’université en Physique électronique seulement. En 2 ans, je suis devenu ingénieur électricien en électronique, j’ai continué à travailler dans ce domaine-là. Je n’ai pas vu le temps passé et j’ai trouvé que ce n’est pas mal ; j’étais parmi ceux qui s’occupent des usines de fabrique automatique, c’était le début de l’ère de l’automatisme mais pas à grande échelle comme aujourd’hui. Donc l’Union Soviétique était là encore.

J’ai continué dans cet élan de 1986 à 1993. Dans les années 1984-1985, si je pouvais travailler dans un environnement décent, je n’allais pas rester ici définitivement. Mais avec mes enfants qui étaient encore petits, je n’avais pas voulu rentrer au pays, être au chômage et tendre la main à mon père pour des besoins personnels, j’ai cherché à éviter cette honte. Je suis resté en Ukraine avec le travail d’ingénieur électricien qui m’a accompagné toute ma vie avec ma famille. Toutefois j’ai espéré partir à tout moment avec des perspectives au pays malheureusement rien. Parmi tous mes camarades de promotion des 160 arrivés au même moment en Union Soviétique, c’est un seul qui a réussi à accéder à un ministère. Les autres beaucoup ont enseigné à l’école élémentaire contre leur gré, en tout cas difficilement ils ont trouvé du boulot parce que l’Etat a abandonné tout le monde

Est-ce que vous êtes venus au moins vous présenter aux nouvelles autorités du pays ?

Absolument, je suis venu plus d’une fois en Guinée après mes études, le désespoir m’a gagné après avoir rencontré à Conakry d’autres boursiers parmi eux des camarades de promotion rentrés au pays après les études, mais ils n’avaient pas trouvé ou se débrouiller à plus forte raison un emploi décent. Je voyais ces cadres sortis de grandes écoles au chômage en Guinée. Je voyais leur situation comme un motif de découragement, la situation ne se prêtait pas à un bon environnement de travail ; donc je suis revenu en Ukraine continuer ce que je faisais sur place. A mon deuxième séjour en Guinée, j’avais déjà 2 enfants. Si le climat de travail était bon, j’allais rentrer avec ma famille, malheureusement non. Je suis revenu continuer à vivre avec ma famille à Odessa. Je suis toujours parti seul en Guinée, jamais je n’ai trouvé l’occasion de partir avec la famille au pays 

L’emploi que vous avez eu en Ukraine, c’est dans le privé ?

Non, j’étais devenu fonctionnaire de l’Etat Ukrainien, je suis au compte de l’administration comme fonctionnaire, j’ai fait toute ma carrière administrative, j’ai pris ma retraite récemment après 25 ans de travail actif. Si c’était dans le privé ou à mon compte, je n’aurais pas encore pris ma retraite encore. Je serai toujours en activité. Maintenant je suis à la retraite avec ma pension. Je me considère heureux, mais à tout moment un rappel vous pique quand vous vivez à l’étranger c’est le sentiment de savoir toujours que vous n’êtes pas chez vous. Si vous vivez à l’étranger, vous restez étranger quel que soit votre niveau d’intégration. Bien que j’aie tout ce qu’il me faut autour de moi, la famille et autres, je ressens toujours que je ne suis pas dans mon pays natal.

Est-ce que vous ressentez souvent la nostalgie du pays après 46 ans ?

La nostalgie, elle est constante, chaque fois j’y pense, je remonte mon enfance, ma jeunesse, mes frères et sœurs sont au pays. Nous parlons souvent au téléphone comme si les choses devenaient plus faciles. Entre 1985 et 2000, mon dernier séjour, je suis allé trois fois seulement. Pendant ces séjours aussi je suis souvent allé par bateau. J’ai souvent profité du circuit de la Bauxite de la Guinée pour Nikolaïev, une ville portuaire et industrielle du Sud de l’Ukraine. Tout mon déplacement vers la Guinée, j’ai pris un de ses bateaux. C’était moins de contour que l’avion qui nécessite des longues attentes avec beaucoup d’autorisations, c’était obligatoire également de passer par Moscou et plus cher en termes de coût. Des visas exigés tout ça, j’ai trouvé que le bateau était plus facile et avec une ligne unique. Du fait aussi que j’avais le document constant de l’Ukraine ça me permettait de sortir et revenir sans visa. C’est littéralement le statut de réfugié guinéen en Ukraine. Pour toute la procédure de visa il te faudra des mois avec un déplacement vers la Russie alors que le bateau de Nikolaïev en Guinée, vous n’avez que 13 jours de voyage.

Est-ce que vous considérez cela comme un abandon par l’Etat guinéen qui a investi en vous ?

Je vous dis ce que je pense ; j’estime que si à notre retour Sékou Touré vivait, malgré les péripéties et tout ce qu’on dit derrière, la Guinée allait être autre chose que  ce qu’on décrit aujourd’hui. On aurait trouvé un emploi dans l’administration guinéenne, parce qu’il savait pourquoi il nous a envoyé en formation à l’étranger. Il connaissait le besoin du pays, nous étions partis nous former dans les domaines au sein desquels, le pays avait vraiment misé. On peut dire beaucoup de choses négatives sur le régime de Sékou Touré mais il y a plus de positif à mon avis. Ça ressemble comme si on vous dit faites ce que vous voulez on a plus besoin de vous.

Est-ce qu’il vous arrive des moments d’expliquer à vos enfants qu’ils sont guinéens loin de la patrie ?

Ils connaissent tout ça, ils sont bien édifiés sur mon origine jusqu’à la situation géographique de mon pays. Ils savent si je suis fils de paysan, de cultivateur, éleveur, ils distinguent la République de Guinée, des autres Guinée. Avec Internet aujourd’hui, ils regardent des vidéos sur youtube sur la Guinée, ils sont informés de toute l’actualité de la Guinée, ils partagent les moments de bonheur du pays mais s’attristent quand il y a des périodes difficiles. Malheureusement ils ne parlent aucune langue du pays particulièrement le Pulaar.  Là j’ai été un mauvais enseignant. Même mon épouse me dit Diallo tu ne nous a pas appris ta langue maternelle

Monsieur Diallo Aliou Telly, vous avez assisté à la dislocation de l’URSS, un moment plein d’histoires. Comment avez-vous vécu cette période ?

Oui nous avons vécu les faits, l’explosion totale de l’Union Soviétique a trouvé que nous sommes là, nous avons été témoins de certaines choses, mais le détachement total moi j’étais en Guinée pour un court séjour. Quand ils ont tiré sur Moscou j’étais à Conakry ce jour. En venant en Guinée, j’ai quitté en tant que citoyen qui vit en Union Soviétique mais au retour tout est fini, je suis tombé en Ukraine, les termes Union Soviétique n’y étaient plus. Finalement j’étais obligé de faire le visa à partir de Conakry. L’ambassade de l’Ukraine n’existait pas en Guinée mais juste un consul. J’ai rencontré le consul ukrainien de l’époque il m’a notifié quelques choses sur un document, c’est avec ce document que je suis rentré en Ukraine. Chaque pays est devenu libre pour lui-même.

Est-ce que la crainte de ne plus se retrouver n’est pas née dans la famille pratiquement auprès de votre épouse quand l’URSS a explosé sachant que le mari était en Guinée ?

Bien sûr que oui la crainte est née de partout, moi en séjour en Guinée alors que madame et les enfants sont de l’autre côté. L’unité des pays se casse de façon inattendue. Nous étions en contact mais mon épouse avait beaucoup plus peur de ne plus me revoir repartir en Ukraine avec le changement des conditions. Nous étions en contact mais la peur était là. Moi j’avais promis de rentrer, j’aime ma femme et mes enfants, je ne pouvais jamais imaginer que tout se casse d’un coup en une journée. Moi-même j’avais vraiment peur de ne plus jamais trouver les conditions de repartir, heureusement le consul de l’Ukraine m’a fait un papier pour pouvoir repartir en Ukraine, c’était tout un soulagement de reprendre le chemin de l’Ukraine.

On connaît nos familles très conservatrices.  Vos parents ne s’étaient-ils p pas opposés à votre mariage avec une Ukrainienne ?

Bon c’est comme si vous savez, mon père n’était pas d’accord pour ce mariage pour dire vrai ; c’était un moment où nos familles croyaient une fois marié à une européenne, le lien est coupé, par contre ma mère était d’accord. A cette époque en Europe de l’Est, tout mariage mixte il était exigé l’autorisation des parents des deux côtés. Mes documents ont été faits en Guinée, je suis venu en Guinée faire les documents de permission en Guinée en 1984. A la place de mon père, c’est mon grand-frère qui a signé, finalement le papa a marqué son accord avec une condition, tu feras en sorte que ta femme soit musulmane. Cela a été pour moi le meilleur cadeau de mariage que j’ai pu avoir de mon père. Ce qui fut fait, nous sommes restés d’accord sur toute la ligne après jusqu’à la fin de leur vie.

Ma fille est mariée à un russe, ils ont fui la guerre pour vivre en Roumanie…

Architecte de profession, ma fille aînée, mère de deux enfants, est mariée à un russe, mais avec le déplacement massif des uns et des autres pendant la guerre, ils se sont installés en Roumanie. Désormais elle travaille pour une branche de l’ONU au compte d’une association d’aide aux enfants ressortissants ukrainiens. Elle a réussi à créer une école primaire en Roumanie. Elle parle bien anglais avec son mari, ce qui a été un atout pour eux de s’intégrer en Roumanie, ils vivent dans ce pays avec leurs enfants âgés de 8 et 10 ans. Avant la Guerre, ils vivaient en Ukraine.

La raison de leur départ de l’Ukraine, c’est de peur d’être reconduits en Russie, mon beau-fils étant russe, son retour en Russie était synonyme de se faire enrôler dans l’armée. C’est pourquoi le couple est parti s’installer en Roumanie. Il ne pouvait pas bombarder la patrie de sa femme qui est l’Ukraine. C’est au 3eme jour de la guerre qu’ils ont quitté. 

Monsieur Telly Diallo ! Qu’est-ce qui explique votre maintien dans ce pays alors qu’il est déserté presque par tous ?

Les bombardements continuent toujours, le répit est très faible. Depuis le début de la Guerre, nous vivons des moments difficiles. Malgré tout je suis resté avec ma famille, bien que beaucoup sont partis y compris beaucoup de guinéens et d’autres africains, ils ont fui vers d’autres pays. Certains n’ont même pas pris leurs affaires, ils sont partis avec rien, d’autres mêmes sans documents. Moi de mon côté et quelques-uns sommes restés. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas peur. Nous avons bien peur. En fait ce qui m’a surtout retenu, mon garçon, le benjamin arrivait à l’université, le départ pouvait arrêter ses études, donc je n’ai pas voulu cela. En dépit de la guerre les cours ont continué, j’y suis resté pour l’encourager, il évolue dans le domaine de l’informatique. Son frère aîné aussi est là, il est architecte comme sa sœur en Roumanie ; ils travaillent ensemble à distance. Notre départ pouvait nous séparer et casser le rythme de vie de la famille. Tout cela m’a donné le courage de rester. On s’est convenu avec madame de rester ici avec les 2 garçons malgré tout.

Est-ce qu’il vous est arrivé des jours où vous avez passé des nuits sans fermer les yeux à cause des bombardements ?

Absolument et les bombardements continuent comme au début, c’est Dieu qui nous sauve, toutefois nous restons, bien que le quotidien a changé nous sortons moins, j’arrive à faire certains travaux dans ma spécialité, cela m’aide plus ou moins contrairement si j’étais partis vers les autres pays de l’Europe comme réfugiés sans travail. Un départ est toujours synonyme de reprendre tout à zéro. Si j’avais aussi un parent en France ou un autre pays qui pouvait m’aider pour une meilleure réinstallation, je serais parti malheureusement, il n’y avait pas de contact garanti pour ça. Mais partir aveuglément à mon âge je n’ai pas trouvé ça très sage. A 68 ans, je suis un vieux qu’on ne peut héberger à tout moment

Avez-vous des nouvelles de votre pays la Guinée ?

Je suis au courant de tout ce qui se passe, comme on dit le monde est devenu un village planétaire. Je suis en contact avec le pays, je suis enchanté quand des bonnes nouvelles tombent et je suis écœuré aussi si l’inverse survient ce que je ne souhaite pas. La famille est là, mes frères et sœurs je vous dis, beaucoup sont fonctionnaires d’autres à la retraite. Je partage tout ce qui est famille et liens sociaux à distance. Compte tenu de certaines choses je ne suis pas allé au pays depuis 2000 comme je vous l’ai dit. J’ai perdu mes 2 parents biologiques, mon père est décédé en 2003, ma mère en 2020. Il y a eu des impossibilités de bouger surtout avec les démarches administratives trop longues. Récemment c’est mon jeune-frère qui est décédé, la famille m’a consolé, donc c’est des moments qui m’attristent vraiment sans moyen de partir.

Je suis toujours guinéen et je le reste à jamais, je tiens des documents de séjour, par contre mes enfants ont la nationalité ukrainienne. Mon passeport guinéen, je l’avais renouvelé en 2013 à travers l’ambassade de Guinée, il a expiré en 2018. J’ai cherché à renouveler le consul et me dit que ce n’est plus possible sur place, même en Guinée il faudra ma présence, l’ambassade de Guinée est accessible en Turquie maintenant, ici à Kiev nous n’avons que le consulat. Je n’ai qu’un document de résidence permanente ici.

Est-ce que vous regrettez d’avoir été boursier guinéen un moment quand revenir servir le pays n’a pas été possible ?

Le regret ne se dégage vraiment pas en tant que boursier qui n’est pas rentré au pays travailler pour rendre service, mais nous avons des soucis profonds quand nous voyons nos collègues boursiers des autres pays africains venus avec nous qui sont rentrés au pays avec tous les honneurs à la fin des études. Ils sont devenus des cadres de leurs pays d’origines, ils sont professeurs émérites, des hauts cadres au service de l’Etat, ils partagent leurs expériences, leurs connaissances alors qu’ici on était meilleur par rapport à beaucoup d’entre eux. Ce n’est que la déception pour moi. De toutes les nationalités venues à notre temps il n’y a qu’un malien qui est resté ici, il travaille avec moi les autres sont partis depuis. Je peux dire que je suis déçu du fait que cela s’est passé comme ça mais que faire. Il n’y a eu tellement de changements de gouvernements qu’on ne sait plus à quel niveau la politique gouvernementale s’est perdue. Tellement de changement de gouvernements, de nominations, beaucoup de priorités sont oubliées, nous ne savons plus qui reprocher réellement sur la cause de notre sort qui est l’abandon.

Quand je vois les routes et les infrastructures en Guinée, sachant qu’il y a des ingénieurs des pont et chaussées guinéens à l’abandon ça me fait mal, des architectes qui participent au développement d’autres pays alors que nous en avons partout mais par la négligence de l’Etat guinéen, le pays fait recours à des étrangers moins qualifiés que les nôtres. Voici des choses qui doivent cesser. Quand je regarde tout ça, je dis au temps de Sékou Touré, c’était mieux, je m’interroge pourquoi on ne fait que régresser au lieu d’aller de l’avant. Trop de changement de gouvernements conduit à ces tristes réalités le plus souvent, chaque gouvernement venu promet mais à la fin ça revient à la même chose

Nourrissez-vous une volonté de venir en Guinée avec toute votre famille, ne serait-ce que pour quelques jours ?

Effectivement, un bon matin, je rêve de prendre toute ma famille et de partir passer des semaines en Guinée. C’est un rêve vraiment, je me demande si cela pourrait arriver un jour. Je pense que l’unique fois que les autorités guinéennes ont pensé à nous, c’est au début de la Guerre en Ukraine, la première semaine, un fond est venu de Conakry pour aider un peu l’ensemble des ressortissants guinéens en Ukraine. J’avais reçu ma part venant du consul de Guinée à Kiev. A part ça rien ; rien de notre cas ne fait priorité. La guerre continue, nous sommes là, mais beaucoup sont partis, je suis en contact avec beaucoup, c’est calme de la part des autorités guinéennes envers nous.

La Guinée doit savoir qu’elle a tout y compris les ressources humaines que nous négligeons. Il faut récupérer les plus jeunes pour le bien du pays. C’est une perte pour l’Etat et le pays quand ils investissent sur des enfants du pays pour des hautes études à l’étranger après on les oublie surtout à des moments où on se plaint du manque de cadres qualifiés alors que des boursiers une fois qu’ils prennent l’avion pour partir étudier, le plus souvent c’est le privé qui profite des investissements de l’Etat. Même si des boursiers rentrent au pays, l’Etat oublie qu’il a envoyé des gens en formation. Des ingénieurs en informatique, électriciens, électronique, dans tous les domaines, des médecins, des aviateurs, des ingénieurs auto, des météorologues, parmi les boursiers. Au même moment on se plaint du manque de personnel dans certains services au pays, des postes vacants partout, on fait recours à des étrangers pour gérer des besoins de la Guinée alors que des milliers de qualifiés dans le même domaine sont des guinéens mais oubliés tout simplement.

Moi, particulièrement, j’ai perdu tout contact avec la Guinée à travers les démembrements de l’Etat et c’est depuis mon départ du pays en septembre 1979. Aujourd’hui l’unique contact qui me reste avec l’autorité guinéenne, c’est le vice consul de Guinée à Kiev, il s’agit de Monsieur Issa Diallo venu aussi à travers une bourse mais qui est resté également, un aviateur. Personne ne pense à nous boursiers, pour notre catégorie ça dure depuis 46 ans. Le silence est absolu sur notre cas et une jeune génération est aussi partout dans le monde. La fuite des cerveaux est énorme pour la Guinée, j’ai un souhait, j’aurais voulu leurs dire, faites tout pour que vos cadres formés ailleurs au compte de l’Etat soient utilisés en Guinée au service des guinéens, créer toutes les conditions pour qu’ils aient le courage de rentrer. Ceux-là des autres pays que nous avons croisés étaient pressés de finir les études dans le but de rentrer parce que tout est réuni pour les accueillir chez eux. Quand vous envoyez des enfants les former, sachez que c’est des produits du pays il ne faut pas les abandonner. Dans tous les pays du monde, les boursiers qui rentrent au pays sont des héros, mais en Guinée l’abandon continue.

Merci Monsieur Diallo Aliou Tely !

Merci à vous aussi pour tous les efforts fournis pour nous retrouver où nous sommes isolés. A travers vous Africaguinee, nous sommes informés de tout ce qui se passe.

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45 

Créé le 8 janvier 2025 22:55

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