Tollé après la grâce accordée à Dadis Camara : La Défense de l’ex Président met les points sur les « i »…

CONAKRY – C’est la toute première réaction d’un avocat de la défense du capitaine Moussa Dadis Camara, bénéficiaire d’une grâce présidentielle après une condamnation à 20 ans de prison pour des faits liés au massacre du 28 septembre 2009. (Image d’archive).

Dans cet entretien exclusif accordé à notre rédaction ce mercredi 2 avril 2025, l’ancien bâtonnier, maître Dinah Sampil, prend le contre-pied de toutes ces voix qui dénoncent la décision du général Mamadi Doumbouya en faveur de son client. Il y livre un véritable cours de droit. Interview !!!

AFRICAGUINEE.COM : En tant qu’avocat de Moussa Dadis Camara, comment avez-vous accueilli la grâce accordée à votre client ?

MAÎTRE DINAH SAMPIL : D’abord, il faut comprendre que le décret est une prérogative du chef de l’État, un pouvoir discrétionnaire. Autrement dit, il s’exerce conformément à la loi qui l’organise, sans autre référence. Parmi ces attributions discrétionnaires figure la grâce présidentielle. Cette mesure permet au chef de l’État d’exempter un condamné de l’exécution de sa peine de prison, sans toutefois annuler la condamnation elle-même.

Beaucoup de gens ne font pas la distinction entre la peine et la condamnation. Tant qu’une loi d’amnistie ne vient pas effacer cette dernière, elle demeure attachée à celui qui l’a écopée, et ce, jusqu’à sa mort. Dans certains pays, même après son décès, une condamnation peut continuer à produire des effets sur sa progéniture, mais ce n’est pas le cas en Guinée.

Maître Dinah Sampil
Maître Dinah Sampil

J’ai défendu Moussa Dadis Camara dans le cadre de ma profession, qui est régie par la loi. Mon rôle n’est pas de faire échapper mon client à une condamnation à tout prix, mais de veiller à ce que seule la loi lui soit appliquée, ni plus ni moins. J’ai également la possibilité de solliciter la clémence du juge pour une réduction de peine, ce qui est parfaitement légal. Si, après condamnation, le chef de l’État estime, dans sa magnanimité, qu’il faut gracier Dadis, il n’a fait qu’exercer un droit qui lui est conféré. Cet exercice me satisfait, car il permet à mon client de retrouver la liberté.

Certains avocats et défenseurs des droits humains jugent cette mesure anticipée, voire illégale, au motif qu’une procédure d’appel est en cours. Que leur répondez-vous ?

Nous, Guinéens, avons tendance à nous livrer à des spéculations excessives. Chacun prétend tout connaître et s’exprime abondamment, parfois abusivement, sans maîtriser tous les contours d’une question. La grâce porte sur la peine et non sur la condamnation. Ainsi, même si un recours en appel a été exercé, la grâce présidentielle ne bloque pas la procédure. La Cour d’Appel peut statuer, soit confirmer les 20 ans, soit les réduire. Toutefois, grâce à la mesure présidentielle, Dadis ne purgera pas cette peine.

On parle de violation de la loi, mais quelle loi a été violée ? On ne cite jamais d’articles précis du Code pénal ou de la Constitution. Or, le Droit est une matière précise et stricte, surtout en matière pénale.

Le décret invoque des raisons de santé. Qu’en est-il exactement ?

Je ne suis pas médecin, je ne peux donc pas me prononcer sur son état de santé. Ce que je sais, c’est que le président de la République ne prend pas ce genre de décision à la légère. Si la grâce repose sur des motifs médicaux, c’est sans doute sur la base d’un avis d’experts. Il ne faut pas oublier que Dadis a été blessé à la tête par balle, ce qui fait de lui un convalescent.

Plusieurs organisations, dont l’OGDH, la FIDH, Human Rights Watch et même l’ONU, ont dénoncé cette grâce et demandent sa suspension. Quelle est votre réaction ?

Ceux qui s’agitent ne connaissent pas le dossier. Ils se focalisent sur la forme plutôt que sur le fond. La condamnation reste, seule l’exécution de la peine a été suspendue. En quoi cela remettrait-il en cause la justice rendue ? Dans une décision de justice, il y a deux volets : la sanction du comportement et la réparation du préjudice subi par les victimes. Ce dernier est ce qui intéresse les parties civiles. Or, la condamnation, qui inclut les indemnisations, demeure.

Pensez-vous que cette mesure contribuera à l’apaisement de la société guinéenne ?

Je pense que le chef de l’État a pris cette décision dans un esprit d’apaisement. Nous devons apprendre à pardonner. L’organisation du procès était déjà un pas important vers la réconciliation. Les condamnations ont été prononcées, privant ces personnes de certains droits civils et politiques à vie (à moins qu’il n’y une mesure d’amnistie).

Seriez-vous favorable à l’élargissement de cette mesure à d’autres condamnés du même dossier ?

Je ne peux pas préjuger des décisions du chef de l’État. En tant qu’avocat, je défends les droits de mes clients. Si d’autres condamnés peuvent bénéficier de la grâce, cela ne me gênerait pas.

Entretien réalisé par Boubacar 1 Diallo
Pour Africaguinee.com

Créé le 2 avril 2025 20:05

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