Titi Camara met le pied dans le plat : « Le bilan de Kaba Diawara est catastrophique… »

CONAKRY- « Quand on prend le bilan de Kaba Diawara, il est catastrophique, personne ne peut le défendre… », tels sont les propos de Titi Camara, ancien international guinéen.

Nommé le 21 avril 2022 comme sélectionneur du Syli national A par le comité de normalisation (CONOR), Kaba Diawara a été remercié ce dimanche 4 juillet 2024 par la fédération guinéenne de football. Cette décision prise par l’instance dirigeante du football guinéen suscite beaucoup de réactions controversées. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, l’ancien ministre des sports et ex international guinéen fait sa lecture de cette situation. Exclusif !!!

AFRICAGUINEE.COM : Que pensez-vous du limogeage de Kaba Diawara par la fédération guinéenne de football ?

ABOUBACAR TITI CAMARA : Vous savez, il y a longtemps que tout le monde sonnait la trompette pour dire que Kaba Diawara n’était pas le bon choix pour diriger les U23 pour les Jeux olympiques de Paris. Et, il ne s’est pas rendu compte de la lourde responsabilité qu’il avait. C’est Morlaye Cissé qui a qualifié l’équipe pour les phases finales, en nous permettant d’être parmi les quatre meilleures nations d’Afrique. Ils ne l’ont pas reconduit pour qu’il puisse continuer l’aventure avec ces jeunes. Vous savez, dans cette vie, c’est nous-même qui écrivons notre propre histoire.

Au Cameroun, lorsqu’on a été éliminé, j’avais donné mon avis. Lorsqu’on a éliminé l’Indonésie pour obtenir la qualification, on pensait que l’essentiel a été fait, mais, gagner sur le terrain est certes le résultat d’un effort, mais après une phase finale où tu fais partie du quota des grandes nations de football, c’est un autre niveau.

Mais quelqu’un qui a joué le haut niveau, a été un professionnel, il se pose la question ; mais n’a-t-on pas de critère de sélection ? Parce que quand tu viens en sélection, tu as eu assez du temps de jeu dans ton club on t’appelle en sélection, c’est d’abord une fierté pour toi. Mais on a laissé Kaba faire, moi j’ai déploré le fait que la direction nationale technique n’est pas impliquée dans le choix de son staff. Nous avons un problème en Afrique, ce qui est arrivé au Cameroun avec le ministre des Sports et la fédération peut arriver à tous les pays.

Au fait, les décideurs, les politiques, le gouvernement ou bien les ministres qui n’ont pas compris le travail de la fédération et celui du ministère. Le payeur c’est l’Etat. L’employeur c’est la fédération. Quand-même, il faut un droit de regard quand tu sélectionnes des joueurs, il faut te référer à la direction technique nationale, soumettre la sélection soit à la présélection ou au ministère c’est comme ça que ça se passe partout. Maintenant, si vous pensez que c’est vous qui détenez le monopole de la vérité, vous ne vous référez pas à la direction technique ni au ministère, c’est un peu compliqué. Et quand on prend le bilan, il est catastrophique, personne ne peut défendre Kaba Diawara. (37 matchs, 13 victoires, 7 nuls et 17 défaites avec le Syli national A et les U23 ndlr).

Alors, quand tu dis l’équipe progresse, si l’équipe progresse, c’est d’abord les résultats, les titres, malheureusement ça fait plus de 30 ans ou des décennies que la Guinée n’arrive vraiment pas à gagner des titres majeurs, mais ça, ça demande beaucoup de travail, de la patience et mettre des gens autour de l’équipe nationale qui connaissent. Mais que ça soit l’équipe nationale A, il n’y a aucun ancien du Syli national, c’est du jamais vu.

J’aurais appris qu’ils ont choisi des personnes mais je n’ai vu pratiquement aucun ancien alors qu’il y a les Pablo Thiam en Allemagne, Saliou Diallo, c’est des gens, il faut aller vers eux.

Nous les africains, nous sommes arrivés à un niveau où on doit faire confiance à nos fils. Sinon, je n’arrive pas à comprendre le choix. Vous allez dire que c’est une équipe collégiale que vous allez mettre en place, mais pour quoi faire ? Il y aura encore des faux problèmes au sein du staff, parce que si vous choisissez un sélectionneur en faisant un appel d’offre, c’est vrai qu’il y a l’urgence parce qu’il y a le match contre la Tanzanie bientôt, on peut mettre quelqu’un pour assurer l’intérim, mais prenez vos responsabilités, faites un choix qui peut apporter quelque chose au football guinéen.

Quand vous mettez des gens, Michel Dessuyer, personne n’est contre lui, mais qu’on arrête avec ces histoires de sorcier blanc pour venir sauver le football de l’équipe nationale. Il y a des guinéens qui peuvent, ils ont des diplômes, pourquoi ne pas leur faire appel ? C’est vrai que Kaba Diawara, ça n’a pas marché, et maintenant il faut tout recommencer à zéro. C’est le seul pays où vous verrez qu’il n’y a aucun ancien international dans le staff. La fédération a accepté qu’on enlève Pascal Feindouno, Kémoko Camara, ce n’est pas normal ça. Comment dans ces conditions vous voulez que la frustration n’accompagne pas l’équipe nationale ? Ce n’est pas normal. Quelqu’un ne peut pas faire tout le travail après vous le lui retirez pour donner à quelqu’un qui ne peut pas. C’est ça le problème.

On pensait que cette fédération allait sauver, parce qu’ils disent que ça fait des années qu’ils sont dans le football, qu’ils dirigent des clubs, mais il n’y a rien, nous on a l’impression qu’ils sont là pour se promener dans les avions, ils y profitent alors que le travail à faire c’est en Guinée. Dès qu’on parle on dit que c’est des aigris, mais non, parce que le destin de tout un chacun est déjà tracé par le bon Dieu. Quand vous êtes aux affaires, faites du bon boulot. C’est ce que le peuple vous demande. Voyez-vous comment les choses se passent, et si on ne fait pas attention on va droit au mur.

Son éviction ne risque-t-elle pas d’avoir des répercussions sur la campagne de l’équipe nationale dans les éliminatoires de la coupe du monde et la CAN2025 ?

Non, non, mon frère. Il faut arrêter de telles analyses. Ce n’est pas parce qu’on a enlevé le sélectionneur que ça va impacter les joueurs. Ce que nous demandons, si les joueurs sont performants dans leurs clubs, de les appeler automatiquement pour venir mouiller le maillot et représenter la Guinée. Mais si on trouve souvent des excuses pour dire que ce n’est pas le moment d’enlever X ou Y, mais, et si le discours ne passe plus dans le vestiaire. Prenez le bilan, il est catastrophique. C’est ça le problème. L’entraîneur c’est d’avoir un discours rassembleur, que tout le monde adhère au projet de qualification pour la CAN 2025 au Maroc, et puis de la coupe du monde. On peut bien le faire.

Connaissez-vous Charles Paquille son successeur par intérim ?

Je ne le connais pas, moi.

Et vous ne pouvez-pas non plus vous prononcer sur ses chances de réaliser des prouesses à la tête du Syli national ?

Vous savez, le choix des hommes a fait qu’il y a un désamour total du Syli national envers le peuple de Guinée.  Or l’équipe nationale c’est notre patrimoine commun, mais aujourd’hui, le fait qu’on parte de déception en déception, les gens ne se retrouvent pas avec en équipe nationale.

Il faut un quota. Dire que pour la sélection, nous allons appeler des joueurs qui sont dans leurs clubs et le championnat local aussi, il y aura six (6) joueurs qui pourront faire partie de la sélection. C’est comme ça que ça passe ailleurs sauf en Guinée. Sinon comment on peut laisser le meilleur buteur du championnat guinéen et prendre d’autres, il faut quand-même les appeler, les encourager, ils vont y apprendre. Mais vous appelez des joueurs, on ne sait même pas dans quel club ils jouent en Europe, et quand ils viennent ici, ils n’ont même pas un temps de jeu…

Aujourd’hui c’est l’équipe nationale qui nous réunit. Mais quand on voit que l’équipe nationale n’est pas performante, ce n’est pas encourageant et c’est inquiétant à tous les niveaux.

Nous on essaie de conseiller mais ce n’est pas souvent évident. Sinon, lorsque vous entendez un dirigeant du football dire que notre l’importance de participer au tournoi olympique ce n’est pas de gagner, mais non, on n’est pas là uniquement pour participer. C’est comme votre enfant que vous mettez à l’école, ce n’est pas  simplement pour y aller, mais il doit également revenir avec de bonnes notes.

Entretien réalisé Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com