Sa carrière, ses projets, son nom « Koundouwaka », Grand P : l’artiste Abraham Sonty parle et surprend…(entretien)

Titulaire de cinq albums à succès, l’artiste Abraham Sonty, connu sous le nom de scène Koundouwaka, a une carrière musicale très riche. Pourtant, les débuts n’ont pas été du tout faciles pour cette une figure emblématique de la musique guinéenne. Dans cet entretien réalisé par Africaguinee.com, l’homme au pied magique, comme on le surnomme, ne fait dans la langue de bois.

Dans un ton incisif, il évoque les difficultés qu’il a rencontrées au début de sa carrière. Des années de plomb qu’il a su traverser avec résilience et foi en son avenir. Terrassé par une poliomyélite à son enfance, cet artiste natif de Kindia a perdu l’usage d’un de ses pieds très tôt. Un handicap qui ne l’a pas empêché d’aller au bout de ses rêves. Dans cette livraison, l’homme au pied magique parle de sa carrière, de ses rapports avec le BGDA, de Grand P, ses projets et de son pseudonyme Koundouwaka. Excellente lecture.

AFRICAGUINEE.COM : Comment le pseudonyme Koundou waka vous a-t-il été attribué ? 

ABRAHAM SONTY « Koundouwaka » : Ce nom m’a donné tout ce qu’un être humain rêve d’avoir, car à travers ce nom je suis devenu célèbre, je suis à l’abri du besoin. C’est ce même nom qui m’a également donné l’espoir de vivre. Le nom Koundouwaka, m’a été attribué quand j’avais 7 ans et ce n’est pas au hasard. Koundouwaka est un pas de danse. Malheureusement moi je ne peux pas danser avec mes deux (2) pieds, donc il fallait que je crée mes pas de danse. Je n’avais pas le choix que de prendre mon pied et dès que je le faisais, tout le monde criait. C’est comme ça. Koundouwaka est en vogue depuis 1987 quand je l’ai hissé. Depuis, chacun danse en prenant son pied. Je suis né les membres au complet mais à l’âge de 4 ans -5 ans j’ai été terrassé par la poliomyélite, qui m’a rendu infirme.

Vous êtes auteur de combien d’albums ? 

Je suis auteur de cinq (5) albums. Mais le monde d’aujourd’hui ne paie pas les œuvres notamment musicales.  Il y a trop de piratage. Dès que tu sors un album, les 12 titres sont piratés. Par contre si tu produis par single, là tu bénéficies ; tu couvres tes besoins. On ne chante pas pour faire plaisir seulement. Je dois faire sortir mon album intitulé « la haine de l’autre » mais je le ferai one by one.  Pour que je puisse payer mon équipe qui dépasse trente (30) personnes.  Chacun de nous doit profiter. Donc c’est la politique d’un à un que je vais utiliser pour que chacun de nous gagne.

Parlons à présent de votre carrière musicale ?

Mon premier album est sorti en 2001 après quatre ans au studio parce que j’y suis entré en 1998. Tout ce temps s’est écoulé parce qu’aucun producteur n’avait pris mon album. Personne n’avait voulu le prendre.  Personne ne connaissait le style ou le rythme ou encore la manière de danser. Je n’avais donc même pas fait de clip. Personne ne connaissait Koundouwaka. Parce qu’à l’époque il n’y avait que CDS, AMACIF… Donc personne n’avait voulu prendre mon album. J’ai tellement rencontré de difficultés que j’ai failli abandonner. Je suis allé en studio au même moment que les Safiata Condé, Yaya Bangoura et beaucoup d’autres artistes.  Cette année Fodé Kouyaté dominait le marché, Ibro Diabaté, Kerfala Kanté et beaucoup d’autres. Donc personne ne s’était intéressé à moi durant une année. Deux ans après, Sambaly Diabaté et Safiata Condé ont sorti leurs albums. A la fin de la troisième année, Yaya Bangoura aussi a sorti son album et moi j’étais toujours là. Personne n’avait pris mon album même gratuitement. Personne ne voulait prendre.

Après ils ont appelé feu Sadougou Diané et petit Condé, on les a amadoués. Ils m’ont proposé de faire sortir mon album sans rien payer. Après tout, je prélève ce que j’ai engagé comme dépense et donne leur part. Voilà comment mon premier album a été accepté mais il n’a pas été acheté. Je n’avais même pas quoi manger et je voulais sortir un album. Celui qui m’a produit, n’avait pas pris une chambre d’hôtel pour moi. Il m’avait plutôt logé chez sa copine. Je dormais avec le petit frère de celle-ci.  J’ai accepté tout ça. Il faut que les jeunes acceptent d’être patients. Souvent le bonheur commence par des difficultés. Dès que c’est dure ce que le bonheur n’est plus loin. J’ai vécu toutes les difficultés sur terre. Tout ce que les gens ne pouvaient pas accepter moi je l’avais accepté pour ne pas gâcher ma chance. Quand j’explique, tous les gens diront que je mens.

Je suis un infirme et je ne voulais pas faire la mendicité et je ne voulais pas quémander. Donc il fallait que je patiente. Je me rappelle qu’on avait payé ma chambre d’hôtel à Abidjan mais on dormait à trois et j’ai accepté. Et pendant trois à quatre ans, il n’y avait pas de preneur de mon album. Chez moi à Coronthie on me disait que je ne suis même pas allé au studio. « C’est faux il n’est parti nulle part » disait-on. Et mon travail n’avait pas réussi comme je le voulais. J’avais décidé d’annuler parce que celui qui m’avait produit l’avait fait juste pour se débarrasser de moi du fait que je les avais trop acculés. C’était vraiment un débarra. Mais après j’ai travaillé sur le morceau Koundouwaka avant de donner à feu Sadigou Diané contre rien et si ça réussissait tant mieux. Si c’était le contraire aussi tant pis.

Dès que Koundouwaka est sorti, les autres morceaux ont disparu du marché, ils se sont éteints.  Ce sont les camions qui venaient de la Sierra Leone pour acheter les cassettes, d’autres venaient du Mali. Donc Koundouwaka m’a donné du succès et de la célébrité. Vous imaginez ? Quand un chef d’État me voyait, il s’arrêtait. Quand je venais à la présidence, je ne demandais pas d’audience. Même les enfants des présidents me réclamaient. Je l’étais partout. Quand je rentrais au stade alors que le président tenait un discours, il ne pouvait pas le continuer. Voyez-vous le fruit de la patience ?

Chez moi, certains pensaient même que j’avais attiré le diable de mon père. Après la sortie de Koundouwaka quand je rentrais dans une ville, c’était mortel. Un jour, en partance pour Forécariah, on avait fait jouer le morceau Koundouwaka. Dès que les enfants ont entendu, ils sont sortis sur la route. Un camion qui venait les percute, ils sont morts sur place. Même si un enfant était sur le pot, dès qu’il entendait le son, il se remuait. Et après ils ont dit que j’ai un pied magique. Donc depuis la sortie de Koundouwaka, je n’ai jamais quémandé dans ma vie et je touche le bois. Et toute ma famille compte sur moi. Je suis devenu une personne importante.

Voulez-vous chanter pour le président de la transition ?

Non. Cette question ne se pose pas. Elle ne se pose pas….  Vous les journalistes vous aimez manger votre piment dans la bouche des gens.

Comment voyez-vous le BGDA (Bureau guinéen des droits d’auteur) ?

Non ! Parce qu’il n’y a rien là-bas.  Ce que je reçois, c’est comme une goutte d’eau dans un océan. Ce n’est rien. Tu vois des artistes qui applaudissent le BGDA. Doit-on ou peut-on applaudir le BGDA ?  Ce qu’il te donne ne vaut même pas ta dépense d’une semaine. Et toi tu as travaillé pendant une année et on te donne ce qui ne te fait même pas trois jours de dépense. C’est pourquoi je dis qu’il y a trop de soi-disant artistes. Aujourd’hui quand on parle des célébrités guinéennes, c’est le grand P qui est devant. Je ne me moque pas de lui. Grand P est loin des célébrités guinéennes. On doit avoir pitié de lui et tout le monde doit l’aider mais, il ne fait pas partie des célébrités guinéennes dont les gens pensent en réalité. Ce n’est pas du sabotage.

On ne peut pas citer les noms des gens parce qu’il y en a certains parmi nous, qui ne peuvent même pas chanter avec la guitare et aujourd’hui, ils sont les meilleurs chanteurs guinéens. Ils prennent des trophées de meilleur artiste guinéen alors que quand on est ensemble, ils n’osent même pas lever le petit doigt. Même vous les journalistes vous ne faites pas de recherche. Parmi vous, on se connaît.  C’est à cause de tout ça que les gens disent que je ne suis pas modeste. Il y a des artistes qui sont célèbres aujourd’hui, ils ne savent même pas quel rythme ou quel style ils vont mettre. On doit d’abord pousser la culture guinéenne et après les raps et autres vont venir après. Si on n’a peur de dire la vérité, on est foutu à jamais.

Certains fans trouvent vos chansons trop agressives. Que répondez-vous ? 

Tout ce que je dis dans mes chansons, on peut le répéter la même chose à la mosquée. Il n’y a pas un mot que je dis dans mes chansons que l’Imam ne dit pas. L’imam dit dans la mosquée sexe féminin « Dougui Belehey » et sexe masculin « wontein Gala » en soussou. Par exemple le morceau « Gohoufokhè » ce ne sont pas des injures que je dis dedans. Il n’y a pas d’injures dans tout ce que je dis. Celui qui repère quelque chose dans mes chansons, qu’on ne peut pas dire chez soi, devant son père ou sa mère ou à la mosquée, la personne a 10 millions. Je ne peux pas faire ça à cause de mon éducation.

Je suis une référence. Celui qui sort même si c’est un seul mot déplacé, je donnerai à la personne 10 millions. Wallahi (au nom de Dieu). C’est comme quand tu parles de Doumbouya aujourd’hui, les médiocres et ceux qui veulent des postes, même si cela n’est pas mauvais, on prend ça négativement. Est-ce qu’on peut se développer sans les critiques… Celui qui va censurer mes chansons, la personne va me donner la raison. Je vais porter plainte, on ira en justice.

A suivre !

Entretien réalisé par Yayé Aicha Barry

Pour Africaguinee.com 

Créé le 27 avril 2025 13:16

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