Reforme de la justice : Les engagements du ministre d’Etat Cheick Sacko…
CONAKRY- Le nouveau ministre d’Etat guinéen chargé de la justice, Cheick Sacko vient de prendre des engagements allant dans le sens d’une profonde reforme de l’appareil judiciaire du pays, a appris Africaguinee.com.
En présidant le lancement officiel du processus de réforme de la Justice, maître Cheick Sacko s’est engagé à être l’ambassadeur de la reforme de Justice au niveau national et international.
En effet, en présentant la politique nationale de Réforme de la Justice 2014-2024, le ministre de la justice, a tout d’abord rappelé que de sa prise de fonction à aujourd’hui, son département a réussi : ‘’à procéder aux élections du Conseils Supérieur de la Magistrature et donc à la création des organes garantissant le troisième pouvoir, conformément à la Constitution ; à élaborer la politique nationale de réforme de la Justice (2014-2024), base de notre plan d’actions et d’investissement pour les 10 prochaines années’’, a explique le chef du département de la justice.
« Je m’engage à être l’Ambassadeur de notre réforme de la justice… »
Avec une politique nationale validée, le ministre Cheick Sacko s’est engagé à être l’ambassadeur de la reforme de la justice en Guinée. ‘’Je m’engage à être l’Ambassadeur de notre réforme de la justice, au niveau national et international’’, déclare-t-il. D’où selon ses déplacements effectués à New York sur invitation des experts des Nations-Unies sur l’Etat de Droit et en Afrique Sud, sur invitation de l’administration Pénitentiaires.
Les maux dont souffre la justice guinéenne depuis l’indépendance…
La politique nationale de la réforme de la Justice, part du constat que depuis 1958, la Justice guinéenne a été muselée et délaissée par les précédents pouvoirs, explique-t-il. Selon lui, les maux dont souffre cette justice sont surtout liés à la faiblesse des budgets alloués qui ne permettent pas de :
« entretenir les infrastructures (plus du tiers des infrastructures judicaires et pénitentiaires ont été détruites et le reste est très vétuste), de revaloriser les rémunérations des Magistrats et des autres fonctionnaires œuvrant dans le secteur de la Justice ; de recruter et de former des nouvelles ressources humaines, de pallier à la situation désastreuse du secteur pénitentiaire, tant du point de vu des conditions de détention que du personnel, d’où des détentions préventives trop longues ; de faire assurer dans certaines régions les droits de la défense (en l’absence d’auxiliaire de Justice 80%des litiges sont réglés par des voies extra judiciaires) ; de fournir des moyens spécialisés pour permettre la réinsertion des enfants en conflit avec la loi et ceux en situation de vulnérabilité », a détaillé maître Cheick Sacko.
Les dysfonctionnements de l’appareil judicaire…
Les autres dysfonctionnements de la justice guinéenne sont liés à la désuétude de l’arsenal juridique. Qui selon le ministre, ne répondent pas à l’évolution de la société et aux besoins d’internalisation des nombreuses conventions et autres instruments régionaux ou internationaux dans le droit guinéen. Aussi, il y a la rupture de la chaîne pénale, d’où des insuffisances dans la gestion des enquêtes et des preuves ; au manque de collaboration entre la Justice et la Police judicaire, à l’absence de casier judiciaire. Et les blocages dans l’exécution des décisions de justice contribuent tout autant à ces insuffisances ; aux détentions arbitraires, au clientélisme et à l’ingérence de l’exécutif et du législatif dans les procédures ; aux crimes économiques, à la lutte contre la drogue et au blanchiment de capitaux difficilement résolus faute de moyens humains et d’équipements spécialisés ; aux atteintes répétées aux droits des femmes qui subissent toutes formes de pressions pour ne pas faire appel à la Justice, et surtout au manque de confiance de la population à l’égard de la Justice qui a perdu toute crédibilité.
Le piédestal de la politique nationale de réforme de la Justice…
Face à tous ces maux qui grippent l’appareil judicaire guinéen, le ministre de la justice a abordé cette problématique en trois piliers.
La méthodologie adoptée, a conduit à aborder la problématique de la Justice de manière systématique, en la considérant comme un ensemble de composantes en interaction, lesquelles forment un tout organisé. Il s’agit selon le ministre Cheick Sacok de : la mission, la vision, les valeurs et les axes d’intervention qui la soutiennent
Les valeurs qui soutiennent la réforme de la Justice, sont : « Intégrité, rigueur, équité, confiance ».
La mission qui est confiée à la réforme, est celle : « d’assurer la primauté du droit, le respect des droits de l’homme et l’égalité de genres au sein de la société guinéenne et rétablir la confiance de la population dans sont système de justice »
Quant à la vision, elle vise : « une Justice indépendante, équitable, professionnelle, accessible, intégrer et humaine capable de rassurer la population et les investisseurs et qui contribue efficacement à lutter contre l’impunité »
Les axes d’intervention sont quant à eux, au nombre de quatre. Il s’agit de l’Accès au droit et à la justice, l’Indépendance d’une magistrature responsable, le Renforcement et valorisation des capacités humaines et institutionnelles, la Lutte contre l’impunité.
La stratégie générale que propose le ministre Cheik Sacko, consiste à mener simultanément des activités dans chacun des axes d’intervention. Leur exécution devra suivre un cheminement logique et être synchronisée avec les activités réalisées au niveau des autres axes. Tous les besoins sont prioritaires, dit-il, mais l’ordre dans lequel les activités seront réalisées jouera un rôle déterminant dans le succès de la réforme.
C’est pourquoi, le ministre d’Etat chargé de la Justice, insiste sur la nécessaire coordination entre les différentes réformes en cours (Réforme de la sécurité, réforme et modernisation de l’Etat, réforme de la Justice, etc.) entre les partenaires au développement, son département et les organes de la réforme de la Justice.
Stratégies…
La stratégie proposée par Cheik Sacko pour l’axe 1 « accès au droit et à la Justice,» vise en premier lieu, à renforcer le fonctionnement de son Ministère. Ce, en tenant compte de l’ensemble des fonctions confiées au Ministère. Pour cela, les actions qui seront prises en priorité, portent sur : une meilleure organisation du Ministère de la Justice, avec un cadre organique adapté à ses besoins qui sera complétée par le renforcement des compétences du personnel et par un renforcement des processus et pratiques de gestion.
En second lieu, la stratégie vise à améliorer l’accès à la Justice et en particulier à faire augmenter le budget de fonctionnement au secteur de la Justice. ‘’J’ai constitué dans mon Cabinet une commission budget qui travaille déjà sur l’élaboration d’un budget rectificatif pour 2014 et qui est à pied d’œuvre pour préparer le budget de 2015’’, fait savoir le ministre de la justice.
La Justice étant une responsabilité à partager, maître Cheik Sacko dit avoir demandé à cette commission de lui faire des propositions sur les recettes perçues par la justice. En effet, le secteur de la Justice n’est pas seulement dépensier, il rapporte des recettes qui sont reversées au Trésor Public, explique-t-il.
La stratégie vise aussi à opérationnaliser la nouvelle carte judicaire et pénitentiaire, de manière à être ciblé dans ses priorités. D’ailleurs, un plan de modernisation des infrastructures et des équipements est en cours d’élaboration à cet effet. Ce dernier sera annexé au prochain budget, et pris en considération lors des prochains arbitrages budgétaires. La stratégie vise également à développer un système d’information de gestion dans une perspective de mise en réseau des cours et tribunaux, avec les directions concernées au Ministère de la Justice et avec les Etablissements Pénitentiaires ; à créer des Tribunaux de Commerce, à consolider le Tribunal pour Enfant et à développer des modes alternatifs de résolution des conflits.
En troisième lieu, toujours dans le cadre de l’axe 1, la stratégie que propose Cheik Sacko vise à adapter le droit à l’évolution de la société et à le rendre accessible. ‘’Je propose notamment de capitaliser sur les acquis (révision du Code Pénal, du Code de procédure Pénale et sur le Code de Justice Militaire) du groupe thématique révision des Codes, tout en veillant à susciter une réflexion continue sur la Justice, l’éthique et la réforme du droit au sein de la société guinéenne, dans une structure pérenne qui sera crée dans mon Ministère ; de moderniser et de simplifier notre arsenal juridique tout en le mettant en conformité avec les conventions et autres instruments internationaux ratifiés par la Guinée ; de développer des outils didactiques pour informer et sensibiliser la population au droit’’, relate Me Sacko.
L’axe 2 qui Concerne l’Indépendance d’une Magistrature responsable
Pour cet axe, le ministre Sacko propose de promouvoir et de renforcer l’indépendance et la responsabilité de la Magistrature de manière plus spécifique. Il s’agira donc, de renforcer le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et son Secrétariat Exécutif. Notamment par la formation des membres du CSM sur l’exercice de leur mission par l’échange d’expérience avec les membres d’autres CSM, sur le redéploiement des Magistrats en fonction des compétences spécifiques et des besoins à Conakry et dans les autres régions, sur la revalorisation des salaires et autres avantages offerts.
‘’Je m’emploierai auprès de mon collègue du Ministère de l’Administration Publique pour qu’il transfère les dossiers des Magistrats. De même, je soutiendrai le CSM et son Secrétariat dans la formulation des leur budget’’, s’engage-t-il.
L’axe 3, renforcement et valorisation des capacités humaines
Le ministre de la justice, garde des sceaux, propose de former et de valoriser les professionnels du Secteur de la Justice, de renforcer des capacités qui selon lui, est l’un des axes déterminants de la politique. ‘’Je me baserai sur les études réalisées sur l’analyse des besoins spécifiques de formation initiale et continue par profession, qui au besoin seront compétées. Outre l’élaboration et l’exécution de programmes de formation, d’autres activités spécifiques seront réalisées. Ces activités porteront sur La détermination des profils de compétence requis pour occuper un poste ; la création d’une école nationale de formation des professionnels de la Justice, l’évaluation des performances Magistrats et Agents, la valorisation des acquis par une gestion adaptée de la carrière des professionnels et personnel de la Justice’’.
L’axe 4, Lutte contre l’impunité…
La stratégie proposée par le ministre figure en premier lieu, l’amélioration du fonctionnement de la chaîne pénale et l’exécution des jugements. ‘’En tenant compte des besoins et attentes de la population à l’égard de sa justice pénale, je vais élaborer une politique pénale qui portera notamment sur le renforcement des liens entre les Magistrats et Officiers de Police Judicaire (OPJ) ; les enquêtes menées par les OPJ et la conservation des preuves, le contrôle hiérarchique du Parquet sur les OPJ, un meilleur suivi des Cabinets d’Instruction par les Doyens des Juges d’Instruction, le suivi régulier de la légalité de la détention préventive par le secrétariat du parquet, le greffe pénal et le greffe pénitentiaire, l’exécution des jugements sous peine de sanction contre les personnes ayant bloqué leur exécution, et sur la création d’un casier judicaire fiable et la protection des victimes et des témoins’’, développe le ministre d’Etat Cheik Sacko.
A ce propos, le ministre fera savoir que son cabinet a décidé de créer deux commissions. Une commission « victimes » et une commission « prison », qui lui feront des propositions a dans les six mois de leur création.
En deuxième lieu, il s’agira de lutter contre les violences faites aux femmes et aux personnes vulnérables, notamment en assurant leur protection dans les nouveaux cadres civil et pénal qui sont en cours de rédaction et en leur fournissant un accompagnement dans leurs démarches administratives et judicaires.
« Je prendrai des mesures pour humaniser la détention… »
Sur le troisième volet de l’axe 3, «la modernisation du système pénitentiaire », le ministre Cheik Sacko promet de prendre des mesures pour ‘’humaniser’’ davantage le système pénitentiaire. ‘’Je prendrai des mesures pour humaniser la détention et restructures l’organisation et le fonctionnement du système pénitentiaire actuel, notamment en rendant transparent le cadre de gestion de l’administration pénitentiaire’’, a promis le ministre Sacko.
Pour ce faire, détaille-t-il, des systèmes de gestion seront développés. Ils prendront en considération de l’ensemble des fonctions attribuées à la Direction Nationale de l’Administration Pénitentiaire et aux Etablissements Pénitentiaires eux-mêmes.
Pour le ministre de la justice, dans un contexte d’assainissement des finances publiques, il est essentiel de rationaliser les coûts de gestion du système pénitentiaire de manière à réinjecter des fonds tant pour augmenter le salaire des agents pénitentiaires que pour moderniser et humaniser les conditions carcérales des prisonniers. D’autres activités porteront sur l’amélioration des infrastructures, la dotation en équipements des Etablissements Pénitentiaires et le renforcement des capacités des agents pénitentiaires. Enfin, des actions spécifiques seront entreprises pour le suivi par les Procureurs et des inspections régulières des Etablissements pénitentiaires.
« La prison doit être non seulement un lieu de répression, mais aussi un lieu de réinsertion… »
Pour le ministre de la justice, l’administration pénitentiaire ne doit pas être que des lieux où on réprime les criminels. ‘’La prison doit être non seulement un lieu de répression, mais aussi un lieu de réinsertion. C’est pourquoi les textes en cours de révision sur le régime des Etablissement Pénitentiaires et sur celui des Agents Pénitentiaires, mettront l’accent sur trois catégories de personnel : Les régisseurs et administrateurs des établissements pénitentiaires qui auront avant tout une formation de gestionnaires ; les gardes pénitentiaires qui seront des agents ayant une formation paramilitaire ; les éducateurs’’.
En dernier lieu, souligne maitre Sacko, le quatrième volet de la chaine de la reforme, est essentiel au succès du programme de réformes. Il vise la réalisation d’activités pour sensibiliser les citoyens sur leurs droits et devoirs et les informer sur l’avancement de la réforme de la Justice.
« Notre Justice doit s’adapter aux changements de notre société… »
Le ministre Cheick Sacko rappelle que ce genre de reforme, ‘’on ne le fait pas tout seul, il faut une équipe, volontaire, compétent, professionnelle et motivée. Notre Justice doit s’adapter aux changements de notre société. C’est en ajustant l’offre de service judiciaire et juridique aux besoins évolutifs de la population et de l’Etat que nous regagnerons et conserverons la confiance de la population envers notre système de justice’’, laisse entendre le ministre Cheick Sacko.
Une synthèse de Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 93 51 32
Créé le 11 avril 2014 22:20Nous vous proposons aussi
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