Réconciliation, Crief, Damaro, Kassory, Manifestations : Dr Koureissy Condé assène ses vérités…

Dr Sékou Koureissy Condé

CONAKRY-Dans la seconde partie de l’interview qu’il a bien voulue accorder à votre quotidien électronique, Africaguinee.com, Dr Sékou Koureissy Condé, président de l’Alliance pour le Renouveau National (ARENA) donne sa lecture sur le processus de la réconciliation nationale, un des chantiers phares du CNRD.

Il aborde également les poursuites engagées par la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Économiques et financières), contre les anciens dignitaires du régime d’Alpha Condé et leur détention prolongée. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM : La réconciliation est l’une des priorités du CNRD. Est-il sur la bonne voie à votre avis ?

DR SÉKOU KOUREISSY CONDÉ : La réconciliation nationale en Guinée est une équation à plusieurs inconnus. C’est une vieille équation parce qu’elle date de l’indépendance à nos jours. Certains remonteront même avant l’indépendance. Toutefois ce qu’il faut dire, la réconciliation ne porte pas sur les avis, les sentiments mais sur les faits. Les victimes, les coupables, la période et les circonstances dans lesquelles ça s’est passé. Si on est capable de reconstituer tout ça, non pas de façon politique, électorale, mais historiquement, on va libérer les consciences.

Dans les circonstances où il y a eu mort d’hommes, il faut revenir là-dessus, relire la page, montrer et reconnaitre la page avant de la tourner. C’est pourquoi j’ai proposé à la fin de cette transition, qu’à côté de la nouvelle constitution, il y ait un pacte de la réconciliation et de l’unité nationale qui soit en même en temps voté que la nouvelle constitution. Ce, pour que les Guinéens entrent dans le serment de l’unité nationale. Donc, les deux dossiers-là doivent être présentés. C’est ma proposition. L’autre (proposition) que j’ai faite, c’est d’aller avec trois partis politiques. Je tire les leçons de l’évolution de notre société. Mais on ne s’écoute pas beaucoup.

Le chantier de la réconciliation n’a pas atteint ses objectifs pour le moment, il faut le reprendre. Et, cette transition est très bien placée pour renter dans ce débat. Ce n’est pas violent ou pénal. La réconciliation, c’est de mettre ensemble toutes les bonnes volontés qui veulent aller ensemble dans le sens de la paix et de l’unité pour le développement, l’unité, pour la mutation. C’est le sacrifice consenti. Je pense jusqu’aujourd’hui, un pays comme la Guinée a besoin de faire de la Réconciliation un chantier principal.

Les Assises Nationales ont produit des recommandations très pertinentes dans ce sens. N’est-ce pas suffisant ?

Les recommandations sont portées par qui ? La réconciliation ce n’est pas une simple recommandation. La recommandation, c’est un domaine de vie de la Guinée, c’est une partie de l’histoire de notre pays. Les gens sont dans les réserves, en embuscades, frustrés, certains sont dans la rancune pour la plupart.  ‘’ Ce qu’on m’a fait n’a pas été justifié, n’a même pas été dédommagé’’. Donc, les gens se taisent sur des choses que nous connaissons. Puisque l’histoire est-là, les gens de la nouvelle génération ne comprennent pas un peu ce détail, mais c’est humain. Il y a eu des gens qui ont perdu leurs vies en se sacrifiant pour ce pays. Il faut le leur reconnaitre. Quand on a servi le pays c’est un honneur, mais ce n’est pas une peine prochaine.  Hélas, dans les pays africains c’est un peu comme ça. Tous ceux qui ont exercé le pouvoir finissent mal. C’est ce qu’il faut arrêter, la réconciliation c’est aussi ça.

Il faut qu’on pose le véritable problème tel que la recherche universitaire… il y a des chantiers. Mais le domaine de la réconciliation en Guinée doit être principal. C’est-à-dire qu’il y ait un département, une institution, qui ne s’occupe que de ça. La réconciliation doit être une institution comme on l’a eu au Niger. C’est-à-dire le Haut Conseil à la Consultation à la paix, qui ne s’occupe que ça.

Plusieurs anciens dirigeants du régime déchu sont emprisonnés pour des faits présumés de détournement. Est-ce que la libération de ces personnes peut être un départ de déclic ?

Bien sûr. Mais lorsqu’on parle de libération, les Guinéens doivent comprendre de quoi est-ce qu’il s’agit. La vie humaine est trop courte. Lorsqu’on dit de libérer, ça ne veut pas dire qu’on ne peut plus poursuivre. La poursuite est liée à la recherche de la preuve. Ce n’est pas la détention, la privation de liberté qui permet d’établir les preuves sinon ils sont en prison depuis 8 mois (…) Il y a plusieurs formes de libération. On peut dire dans ces conditions, vous êtes chez vous à la maison, vous ne partez pas d’ici. Il existe plusieurs autres conditionnalités et de modalités.

Ma démarche est humaine, je ne suis pas en train de défendre quelqu’un, je dis le droit. Mais il y a le droit et aussi le compromis. Si cela est porté ou concerne l’autorité politique, dans ces conditions, par soucis d’unité nationale et d’entente, sacrifice en soi, on voit qu’est-ce qu’on peut faire par rapport à ça. Mais, les garder en prison, et rechercher les preuves contre eux, ça devient délicat. Il fallait sortir les preuves d’abord pour dire que les enquêtes ont permis d’établir ceci ou cela. Je ne dis pas qu’il faut libérer des gens qui ont détourné. Mais je veux qu’ensemble que nous cherchions les solutions d’apaisement de la vie nationale. Je suis un adepte de la lutte contre la corruption.

Le droit pénal vous permet de poursuivre qui que ce soit d’où qu’il soit. Je veux juste dépolitiser, humaniser les questions. Et lorsque j’en appelle à la libération, je ne suis pas en train de défendre une cause, je propose un schéma de sortie de crise. Je ne dis pas de déculpabiliser. Cherchons d’autres moyens parce qu’ils sont en prison, ils ont représenté ce pays, géré et s’ils ont un niveau de responsabilité établi, sortons ça. C’est ma préoccupation.

La CRIEF (Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières) est perçue par certains observateurs comme un instrument de chasse contre la vielle classe politique. Avez-vous le même sentiment ?

Je n’ai pas cette perception. Ce n’est pas c’est sociologique. Tu enlèves Koureissy Condé aujourd’hui, il a son cousin, neveu, un volontaire qui peut le remplacer. Tous ceux qui portent l’islam aujourd’hui ne sont pas liés au prophète par la famille, c’est des valeurs qu’ils partagent. Il faut qu’il y ait une mutation qui permette à une tendance, une force, autorité morale, de reprendre le pouvoir par la majorité des arguments.

Donc, l’Etat doit décomplexer les volontaires, dédramatiser les alliances. On peut l’essayer, ça se passe dans beaucoup de pays africains, on veut que la classe politique disparaisse. Je ne crois pas à l’aboutissement de cette formule. Cependant, ça peut amener des injustices qu’on ne souhaite pas. Il faut faire la part des choses.

La responsabilité pénale est individuelle, elle peut être établie et personne ne peut s’interposer. Faudra-t-il le faire dans les formes ? Quand on arrive à un certain niveau, il y a des choses que nous devons régler entre nous. Malheureusement nous sommes dans une société très violente. Rarement un guinéen dira à son compatriote ‘’ ne le tue pas, ne l’humilie pas’’, difficilement. Cependant c’est ce qu’il faut. Il faut qu’on se batte sous cette forme de justice. C’est-à-dire la tolérance, l’acceptation.

L’interdiction des manifestations n’est-ce pas un autre frein à la décrispation de la crise actuelle ?

Je pense que cette transition a une chance inédite. Tout se passe comme s’il n’y a personne contre elle. C’est-à-dire toutes les décisions, les actions sont acceptées. Mais attention, le peuple est derrière, cela ne veut pas dire que tout le monde est d’accord avec tout ce qui se passe. C’est la raison pour laquelle il faut expliquer au fur et à mesure.  Les privations de liberté on ne peut pas avoir raison sur tout le monde.  C’est la nécessité de s’entendre, et se parler. Pour le moment on a l’impression qu’il n’y a qu’une seule force. Il faut partager cette force. C’est ce qui n’est pas facile et il faut parvenir à le faire. Même ceux qui sont en prison, il faudrait qu’il soit convaincu de leur culpabilité. Sinon pour eux, c’est injustifié, c’est une poursuite politique, de la chasse à l’homme. Il faudrait quand-même que l’on soit sûr que si on sent que toi tu n’as pas tort, tu seras libre. Je veux une Guinée sereine et apaisée, une culture de travail et de justice. Que l’on accepte de s’aimer en tant que Guinéens. 

Un autre chantier du CNRD qui suscite de controverse, c’est cette opération de récupération des domaines de l’Etat qui, de l’avis de certains n’obéit pas certainement à la loi. Qu’est-ce vous en pensez ?

La légalité, c’est l’Etat. Il y a une pédagogie derrière. Le pourquoi des choses ? Il faut expliquer. Le régime du professeur Alpha Condé l’a fait, il a manqué l’explication. Lorsque vous dites : ‘’on va vous enlever ici, faire ceci ou cela’’, et lorsque vous dites ‘’ quittez demain’’, c’est différent. Tout est une question de pédagogie. Encore une fois, il faut ramener les autres à leur juste dimension. La force ne convainc pas, ne rassure pas, elle emporte. Il faut la force de l’argument, mais pas l’argument de la force. Il faut expliquer aux gens la nécessité de faire ceci ou cela. Ce n’est pas politique. Je pense que nous manquons d’explications.

Propos recueillis par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 30 janvier 2023 14:45

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