Procès sur les exactions de 2009 : « Nous apporterons toutes les preuves… », promet Me DS Bah

Maître Alpha Amadou DS Bah

CONAKRY-Le procès sur les exactions commises au grand stade de Conakry le 28 septembre 2009 se poursuit à Conakry depuis deux mois. Huit accusés dont Toumba Diakité, Claude Pivi, Moussa Thiegboro Camara, Abdoulaye Chérif Diaby ont déjà comparu à la barre du tribunal criminel de Dixinn. Celle de Dadis Camara a été repoussée in extremis lundi 05 décembre pour des raisons de maladie.

Quel bilan à mi-parcours peut-on dresser de ce jugement historique ? La partie civile pourra-t-elle prouver la culpabilité des accusés renvoyés devant le tribunal criminel ? La commission d’un nouveau juge d’instruction chargé d’entendre des personnes citées dans cette affaire traduit-elle la fragilité de l’information du dossier ? A quoi pourrait-on s’attendre dans les prochains jours ? Votre quotidien en ligne a interrogé l’avocat de la partie civile Me Alpha Amadou DS Bah. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM : Le procès des auteurs présumés du massacre au stade du 28 septembre 2009 a démarré il y a un peu plus deux mois. Comment appréciez-vous son déroulement ?

MAITRE ALPHA AMADOU DS BAH : Beaucoup de choses se sont passées. Il y a eu d'abord les exceptions qui ont été soulevées à l’entame du procès, cela a été de bonne guerre puisque les avocats de la défense voulaient en quelque sorte créer des incidents et surtout se victimiser et empêcher le tribunal d’aller au fond de l’affaire. Mais puisque ces exceptions n’étaient pas fondées, le tribunal a rejeté les exceptions et les débats se sont poursuivis. Là également, parmi tous les accusés qui se sont succédé à la barre, il n’y a qu’un seul qui a voulu dire sa part de vérité et qui a donné beaucoup d'informations, qui permettront certainement d’élucider beaucoup de parties de ce procès. Les autres se sont englués dans la dénégation systématique des faits. Et malheureusement, ils ne veulent pas expliquer leur rôle central dans la commission de toutes ces infractions. Quoi qu’il en soit nous, nous sommes déterminés à poursuivre les débats et surtout le moment venu, nous apporterons toutes les preuves à notre disposition pour éclairer la lanterne du tribunal.

Depuis le démarrage des audiences, l’on constate de véritables contradictions entre les accusés. C’est le cas par exemple des scénarios développés entre les six premiers officiers interrogés par le tribunal. A votre avis qu’est-ce que cela augure fondamentalement ?

Écoutez, comme je l’ai dit à l’entame, il n’y a que Toumba Diakité qui a voulu donner sa part de vérité, où il y a eu beaucoup d'informations. Les autres se sont inscrits dans la logique de tout nier, et surtout même parfois l’évidence, parce que nous savons tous qu’ils ont des passés sulfureux, c’est le cas de Tiégboro Camara et de Claude Pivi. Nous savons tous leurs rôles présumés dans ce massacre et bien avant… Il y a beaucoup d’exactions qui ont été commises pendant le règne du CNDD et ils étaient au cœur de ce système. Donc, il y a des contradictions évidemment entre Toumba et les autres.

Dans la défense, il (Toumba Diakité, NdlR), il a surtout décidé d’aider le tribunal, même si sur son rôle dans la commission de certaines infractions, il n’a pas apporté de réponses pour l’instant. Nous, nous avons des parties civiles et autres témoins qui viendront expliquer l’aspect qu’il a ignoré dans son récit.

Nous avons constaté également qu’il y a eu de nouvelles inculpations pendant que le procès est en cours. Cela ne traduit-il pas la fragilité de l’instruction du dossier ?

Vous savez quand on se place dans le contexte actuel, on peut affirmer qu’il n’y a pas eu de sérieux ou que les magistrats n’ont pas joué leurs rôles. Mais il faut se reclasser dans le contexte au moment de l’instruction. Je rappelle qu’au moment de cette instruction, les juges d’instruction n’avaient pas tout le soutien nécessaire pour pouvoir informer correctement. Pour convoquer par exemple Pivi, Tiégboro, il fallait toute une procédure. Il fallait saisir le parquet général qui répercutait l’information à l’état-major général des armées. C’est quand l’état-major acceptait que ces personnalités-là comparaissent. Les juges d’instructions n’ont pas eu suffisamment le soutien nécessaire pour pouvoir investiguer. Les juges d’instruction n’ont pas de police judiciaire. Ils n’ont pas de gendarme. Donc ils étaient à la merci de l’armée. Ils ont voulu bien faire leur travail mais ils n’ont pas pu avoir accès à toutes les informations.

Je prendrais un seul exemple, c’est le cas de la liste des personnes qui sont intervenues dans le maintien d’ordre le 28 septembre. La FIDH, l’OGDH, l’AVIPA ainsi que le collectif des avocats avaient fait des demandes allant dans ce sens pour que tous ceux qui sont intervenus au moment des faits puissent être connus, à travers des confrontations avec les victimes, pour que ces personnes puissent être identifiées. Cette liste n’a jamais été fournie. Il y a un refus catégorique du ministère de la sécurité et celui de la défense. Donc, les juges d’instruction étaient en quelque sorte bloqués dans leurs investigations. Ils ont fait ce qu’ils ont pu. Maintenant qu’il y a une réelle politique qui accompagne l’organisation de ce procès, moi je pense qu’il est temps aujourd’hui que les juges d’instruction qui ont été saisis récemment de ces cas puissent aller en profondeur parce qu’ils ont le soutien du CNRD et du gouvernement.

Aujourd’hui on peut élargir le champ de ces enquêtes et retrouver les exécutants. Parce que jusqu’à présent on nous parle des commanditaires et des complices de ces crimes. Ceux qui ont violé au stade, à l’exception de Mamadou Aliou Keita, on n’a retrouvé personne. Ceux qui ont tiré sur la foule, on n’a retrouvé personne (…). Au moins on aurait dit, si les juges d’instruction avaient eu tout le pouvoir nécessaire et le soutien utile, on aurait pu retrouver au minimum une cinquantaine d'accusés au niveau du box des accusés. Le nouveau juge d’instruction pourra, lui, poursuivre les investigations et c’est possible que des dizaines de personnes puissent comparaître prochainement.

Comment les nouvelles instructions vont-ils se faire ?

En fait, puisque les personnes n’avaient pas été inculpées au moment de la clôture de l’instruction, c’est un autre juge d’instruction qui a été désigné. Concernant par exemple le cas de Bienvenu Lamah, il avait déjà été inculpé mais il n’avait pas été renvoyé devant le tribunal criminel parce qu’à l’époque, le juge d’instruction avait estimé qu’il n’y avait pas beaucoup de charge. Dès lors qu’il y a eu des révélations à la barre, Toumba Diakité l’a formellement identifié comme celui qui entretenait la milice qui est allée créer un carnage au stade, donc il y a eu des charges nouvelles qui aujourd’hui, envers desquelles il a été inculpé. C’est un autre juge d’instruction qui a été désigné et qui est en train de faire des informations judiciaires. Si des charges suffisantes sont retenues contre les personnes qui ont été inculpées, elles seront renvoyées devant le tribunal et il y aura une jonction de procédure.

D’importants documents ont été dérobés au siège de l’AVIPA (Association des victimes parents et amis du massacre de 28 septembre) lors d’un cambriolage. Comment comprendre cela ?

Nous même, on est surpris de la coïncidence, puisque c’est au moment où le procès est ouvert, il est question prochainement de rapporter les preuves qui sont à notre disposition, que le bureau d’AVIPA a été cambriolé. Pour l’instant, nous pensons qu’il y a un lien évidemment avec le procès, mais c’est l’enquête qui va déterminer. Quoi qu’il en soit, les preuves qui étaient dans cet ordinateur sont à notre possession. Toutes les preuves se trouvent notamment à l’OGDH, à la FIDH et sur Google drive. Donc les preuves ne sont pas perdues, c’est le plus important.

A suivre…

Interview réalisée par Dansa Camara DC

Pour Africaguinee.com

Créé le 6 décembre 2022 17:46

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